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Festivités de fin d’année : quelles sont les obligations de l’employeur?

Le « party » de Noël organisé par l’employeur est l’occasion de célébrer la fin d’année et de renforcer l’esprit d’équipe. Toutefois, même s’il se déroule hors du cadre de travail habituel, l’employeur demeure soumis à plusieurs obligations.
19 novembre 2025
Me Jérôme Grenier | Me Carole-Ann Griffin

Introduction

Le traditionnel party de Noël organisé par l’employeur est souvent l’occasion de célébrer la fin d’une année de travail, de renforcer la cohésion et l’esprit d’équipe ainsi que de remercier et de récompenser les employés. Toutefois, même si l’ambiance est festive et hors du cadre de travail habituel, l’employeur demeure soumis à plusieurs obligations, car l’activité se déroule sous sa responsabilité et suppose un encadrement approprié.  

Cadre légal et obligations générales de l’employeur

L’employeur est tenu, notamment en vertu de l’article 2087 du Code civil du Québec (C.c.Q.)[1], de « prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié ».

Il est aussi tenu de « prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur », selon l’article 51[2] de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.S.S.T.).

De plus, la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) impose à l’employeur une obligation de prévenir et de faire cesser le harcèlement psychologique (articles 81.18[3] et 81.19[4]), et ce, même en dehors des heures normales ou des lieux réguliers de travail. Il en est ainsi, car les salariés conservent ce même statut lorsqu’ils participent à un événement organisé par leur employeur en dehors du cadre habituel de travail, comme un party de Noël.

Sécurité, alcool et cannabis et raccompagnement

L’employeur doit ainsi prévoir des mesures pour limiter les effets néfastes de l’alcool (incidents, conduite sous influence, comportements déplacés ou harcelants). Ces mesures peuvent prendre diverses formes : fermer le bar quelques heures avant la fin de l’événement, instaurer un système de coupons pour l’alcool, informer ou même offrir aux employés différentes options pour un retour sécuritaire à la maison (chauffeurs désignés, service de raccompagnement, remboursement des frais de taxis, etc.).

L’employeur doit également surveiller cette consommation d’alcool ou de cannabis, rappeler que l’usage du cannabis est limité par la législation et, le cas échéant, rappeler les politiques internes. De même, l’employeur doit s’assurer que les règles sur la cigarette ou la vapoteuse sont respectées.

Harcèlement et comportements attendus

Comme indiqué, l’employeur doit garantir que le climat reste exempt de harcèlement, qu’il soit de nature psychologique ou sexuelle. En effet, même si les événements allégués se déroulent en dehors du cadre habituel de travail, ils peuvent tout de même constituer du harcèlement psychologique s’ils répondent aux critères applicables de la L.N.T. et de la jurisprudence afférente en la matière. 

Il en est ainsi puisque l’employé reste sous la responsabilité de l’employeur pendant les activités que ce dernier organise en dehors du travail, ce qui signifie, notamment, que l’employé n’a pas d’immunité pour des gestes inappropriés, de violence ou d’atteinte à la dignité d’un collègue ou d’un client. L’employé peut dès lors encourir des sanctions disciplinaires pour les actes qu’il pose durant de telles activités.  

En cas de dérapages, l’employeur doit donc être prêt à mener des enquêtes, à établir des faits et à sanctionner l’employé, le cas échéant.

L’employeur doit également veiller à ce que le cadre festif ne devienne pas un lieu de comportements inappropriés : propos déplacés, gestes non sollicités, intimidation, humiliation, etc. Dans de tels cas, l’employeur doit intervenir et mener une enquête, à l’instar de ce qu’il doit faire lorsque de tels gestes surviennent sur les lieux habituels de travail et durant l’horaire normal.

Nous soulignons qu’il est souhaitable que la politique interne prévoie expressément une clause pour les activités sociales hors des heures normales de travail. Avant la tenue de l’événement, il est ainsi recommandé de rappeler aux employés la politique de l’entreprise : comportements acceptables, alcool, harcèlement, usage du téléphone ou des réseaux sociaux (photos/vidéos).

En effet, puisque les gestes d’intimidation ou de harcèlement et la diffusion non autorisée de photos ou de vidéos peuvent survenir dans un contexte de fête, l’employeur doit rappeler que la politique de l’entreprise sur les médias sociaux ou la vie privée s’applique également à ce type d’événement.

Pendant l’événement, il est également souhaitable que la direction ou les cadres soient présents, qu’ils donnent l’exemple en matière de modération et de comportements appropriés, de même qu’ils veillent à ce que l’atmosphère reste professionnelle.

Illustrations jurisprudentielles

À quelques reprises, les Tribunaux ont eu à traiter des dossiers concernant des événements s’étant déroulés lors du ‘party’ de Noël organisé par l’employeur.

À titre d’exemples, dans l’affaire Pelletier et Sécuritas Canada ltée[5], l’employé aurait tenu, lors du ‘party’ de Noël, des propos inappropriés à l’égard d’une collègue de travail, en la qualifiant de « jolie » et de « sexy » et en se vantant de ses performances sexuelles. Il l’aurait ensuite suivie sur la piste de danse et aurait, entre autres, fait des gestes déplacés et soulevé sa jupe. L’employé a par la suite été congédié compte tenu de ces faits et gestes, et la Commission des relations du travail (C.R.T.) a maintenu le congédiement.

Dans S.H. et Compagnie A[6]., au cours du dîner de Noël, le propriétaire de l’entreprise a adopté un comportement déplacé à l’égard de la plaignante : il lui a touché un sein en glissant un glaçon dans son chandail. La C.R.T. a estimé que cet acte constituait un manquement clair aux obligations que l’article 81.19 de la L.N.T. impose à tout employeur. Comme le geste provenait directement du propriétaire de l’entreprise, qui exerçait une autorité sur la plaignante, sa responsabilité était pleinement engagée. L’argument selon lequel l’alcool aurait pu influencer son comportement n’a pas été retenu. La C.R.T. a ainsi conclu que la plaignante avait bel et bien été victime de harcèlement psychologique.

Bonnes pratiques – éléments à vérifier

En résumé, voici une liste d’éléments que l’employeur, par l’intermédiaire d’un membre de la direction ou d’un cadre chargé de la planification et du bon déroulement de l’événement, devrait considérer avant, pendant et après le party de Noël :

Avant l’événement ✓ Définir le budget, le lieu, l’horaire et l’invitation;
✓ Préciser les règles applicables.
✓ Vérifier l’accessibilité (transport, stationnement).
✓ Rappeler la politique interne de l’entreprise concernant l’alcool, le cannabis, le harcèlement et l’utilisation des médias sociaux.
✓ Mettre en place un système de gestion de l’alcool (p. ex. : système de coupons, nombre limité de consommations alcoolisées par personne, offre de boissons non alcoolisées).
✓ Prévoir un plan de retour à domicile (p. ex. : taxi, navette, remboursement de frais liés au transport en commun ou au taxi, hébergement).
✓ Vérifier l’assurance responsabilité de l’employeur et les risques liés à l’événement.
Pendant l’événement ✓ Un membre de la direction ou un cadre doit être présent, donner l’exemple et rappeler brièvement les règles.
✓ Surveiller l’ambiance, la consommation d’alcool et la survenance de faits ou de gestes inappropriés.
✓ Intervenir rapidement et en respect de la politique interne, si un comportement inapproprié est constaté.
✓ Veiller à la bonne planification du retour à domicile et prendre les mesures raisonnables afin d’empêcher toute personne ne semblant pas avoir pleine possession de ses moyens de prendre le volant et la faire raccompagner, le cas échéant.
Après l’événement ✓ Assurer un suivi des événements consécutifs à l’événement, par exemple, s’il survient des incidents lors du retour à la maison ou dans le stationnement. Si tel est le cas, appliquer la politique interne en place (enquête, etc.).
✓ Tirer les leçons de l’événement : ce qui a bien fonctionné et ce qui pourrait être amélioré.
✓ Conserver les communications, invitations et listes de présence, le cas échéant.

Conclusion

Organiser un party de Noël peut évidemment être une belle façon de remercier les employés, de renforcer l’esprit d’équipe et de marquer la fin d’une année. Mais ce type d’activité implique également des responsabilités sérieuses pour l’employeur. Au-delà de l’ambiance festive, l’employeur doit rester vigilant : il doit respecter ses obligations légales et anticiper les risques reliés à l’alcool, au cannabis, à la conduite, au harcèlement et aux autres comportements susceptibles de porter atteinte à la santé, à la sécurité et à la dignité des salariés.

En suivant de bonnes pratiques d’encadrement, en communiquant clairement les attentes et les exigences, en supervisant l’événement et en prévoyant un retour sécuritaire, l’employeur minimise les risques et peut offrir une fête réellement réussie.


Author
Me Jérôme Grenier Avocat Morency société d’avocats

Jérôme a rejoint notre secteur de droit du travail et de l’éducation en août 2022, où il œuvre principalement en matière de rapports individuels et collectifs de travail.

Dans le cadre de sa pratique, Jérôme est appelé à rédiger des avis juridiques, en plus d’effectuer des représentations devant des tribunaux d’arbitrage, administratifs et civils.

Sa rigueur au travail et son implication dans ses dossiers lui permettent de répondre efficacement aux besoins et aux attentes de la clientèle du cabinet.


Author
Me Carole-Ann Griffin Avocate Morency Société d'avocats
Diplômée du Barreau en 2013, Carole-Ann Griffin a commencé sa carrière d’avocate en pratique privée à Québec avant d’agir comme conseillère politique en cabinet ministériel pendant plus de trois ans.

Forte de son expérience au cabinet du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport et ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, elle s’est ensuite jointe à notre équipe de droit du travail et de l’éducation à notre bureau de Montréal.

Dans le cadre de sa pratique, Carole-Ann est notamment appelée à effectuer des recherches, émettre des avis juridiques et rédiger des actes de procédures et des contrats de tous types.

Elle possède également une expérience en matière d’organismes de bienfaisance et d’organismes sans but lucratif.

Source : VigieRT, novembre 2025


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