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Employeurs, connaissez-vous vos obligations envers un employé devant s’occuper d’un membre de la famille?

Un employé absent pour s'occuper d'un proche malade génère des obligations légales précises. Congés rémunérés, protection d'emploi, durées maximales : maîtrisez les règles pour éviter les sanctions et litiges. 
11 novembre 2025
Frédéric Henry, CRHA

Cet article paru en 2015 a été mis à jour en septembre 2025

Au Québec, la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») et la Charte des droits et libertés de la personne (la « Charte ») sont les principales sources génératrices d’obligations incombant à l’employeur envers un employé qui doit s’absenter afin de s’occuper d’un membre de la famille malade ou atteint d’un handicap.

La LNT

  1. Absence pour remplir des obligations familiales

    L’article 79.7 de la LNT prévoit qu’un employé peut s’absenter du travail pendant dix (10) journées par année pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé d’un membre de sa famille ou d’une personne pour laquelle il agit comme proche aidant. Par « membre de la famille » de l’employé, on entend son enfant, son père, sa mère, son frère, sa sœur ou ses grands-parents, ceux de son conjoint, ainsi que les conjoints, enfants et beaux-enfants de ces personnes.  Afin de bénéficier d’un tel congé, l’employé doit aviser l’employeur de son absence le plus tôt possible et prendre les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter son congé et sa durée. Ce congé peut être fractionné en journées, et ces journées peuvent être elles-mêmes fractionnées également, avec le consentement de l’employeur.

    Depuis 2019, il est prévu que, pour un employé justifiant d’au moins trois (3) mois de service continu, les deux (2) premières journées d’absence pour obligations familiales doivent être rémunérées par l’employeur. Cette rémunération s’effectue selon la formule de calcul prévue à l’article 62 de la LNT. L’article 79.16 précise que ces deux journées d’absence rémunérées par année peuvent également s’appliquer dans le cas où l’employé s’absenterait pour cause de maladie. Cela dit, un maximum de deux journées rémunérées par année est prévu, tous motifs confondus : obligations familiales, maladie, don d’organes, et violence conjugale ou sexuelle[1].

    Si les circonstances le justifient, l’employeur peut demander un document attestant les motifs de l’absence, à l’exception toutefois d’un certificat médical.

    Pendant de telles absences, l’emploi de l’employé est protégé et, s’il fait l’objet d’une sanction, dans une période concomitante à l’exercice du droit de s’absenter pour remplir des obligations familiales, il y aura présomption en sa faveur que la sanction lui a été imposée à cause de l’exercice de ce droit.

    À titre d’exemples, les tribunaux ont reconnu que les situations suivantes constituent des motifs valables d’absence en vertu de l’article 79.7 :

    • le fait de devoir garder ses deux enfants atteints de la gastro-entérite, alors que la politique de la garderie exigeait leur présence à la maison pendant 48 heures suivant l’apparition des symptômes[2] ;
    • le fait de devoir s’occuper de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer[3]  ;
    • le fait de devoir prendre soin de sa fille malade et vivant avec un handicap.[4]  ;
    • le fait de devoir prolonger ses vacances de quatre jours en raison des dates non flexibles pour l’achat de billets d’avion de dernière minute pour se rendre en Grèce, afin de prendre soin de sa belle-mère dont l’état de santé s’était récemment détérioré[5]  ;
    • le fait de devoir rester aux urgences de l’hôpital avec sa fille, alors que cette dernière s’est disloqué le coude durant la nuit[6] ;
    • le fait de devoir prendre soin d’une blessure à la main de sa fille pendant une semaine, cette dernière ne pouvant aller à la garderie en raison de l’entretien que nécessitait la plaie[7] ;
    • le fait de devoir accompagner son enfant qui ne se sentait pas bien à l’hôpital.[8] .

    Il convient toutefois de préciser que ce droit s’exerce exclusivement en s’absentant du travail. Il ne permet pas à l’employé d’exiger de son employeur une modification de ses conditions de travail. Cette interprétation a été confirmée par le Tribunal administratif du travail (« TAT ») en 2022, alors que le plaignant avait décidé, malgré le refus de son employeur, de travailler pendant six jours ouvrables consécutifs à la maison pour s’occuper de sa fille, alors que sa conjointe devait être hospitalisée et que sa belle-mère ne pouvait assumer la garde de l’enfant[9]. L’employé n’avait fourni que peu d’information sur la situation, et ce, plus tard dans la semaine. Cela fut jugé insuffisant pour bénéficier de la protection de l’article 79.7 LNT.

  2. Absence en raison d’une grave maladie ou d’un grave accident

    L’article 79.8 LNT prévoit qu’un employé peut s’absenter du travail pendant une période d’au plus douze (16) semaines sur une période de douze (12) mois lorsque sa présence est requise auprès de son enfant, de son conjoint, de l’enfant de son conjoint, de son père, de sa mère, du conjoint de son père ou de sa mère, d’un frère, d’une sœur ou de l’un de ses grands-parents en raison d’une grave maladie ou d’un grave accident. Lorsqu’il s’agit d’un enfant mineur, la durée maximale de l’absence s’étend à trente-six (36) semaines sur une période de douze (12) mois.

    De plus, le deuxième alinéa de l’article 79.8 LNT prévoit qu’un employé a droit à une prolongation de son absence allant jusqu’à cent quatre (104) semaines lorsque son enfant mineur est atteint d’une maladie grave potentiellement mortelle, attestée par un certificat médical. Dans le cas où l’employé doit s’occuper d’un membre de la famille, autre que son enfant mineur, atteint d’une telle maladie grave potentiellement mortelle, l’absence peut se prolonger jusqu’à 27 semaines en vertu de l’art. 79.8.1 LNT..

    La LNT ne définit pas les notions de « maladie grave » et de « maladie grave potentiellement mortelle ». La jurisprudence a reconnu qu’en utilisant deux termes différents, le législateur a clairement voulu faire une distinction quant au degré de gravité visé entre le premier alinéa et le deuxième alinéa de l’article 79.8 LNT[10]. À titre d’exemple, une hospitalisation de deux (2) semaines a déjà été considérée comme une maladie grave au sens du premier alinéa de l’article 79.8 LNT par la Commission des relations du travail[11].

La Charte

L’article 10 de la Charte prévoit que toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ni préférence fondée sur le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

En décembre 2013, la Cour d’appel a rendu une décision par laquelle elle a confirmé que l’employeur était justifié de refuser la demande d’accommodement formulée par une employée en lien avec le handicap de son fils. Dans cette affaire[12], la mère d’un enfant handicapé s’était vu refuser l’accès à une titularisation dans une fonction supérieure sous prétexte qu’elle n’était pas disponible pour occuper la fonction pendant tous les quarts de travail requis (notamment lors des quarts de soir). L’employée alléguait que la décision de l’employeur était contraire à la Charte et qu’elle était victime de discrimination sur la base de l’état civil, du handicap de son fils et d’un moyen pour pallier le handicap de son fils.

Selon la Cour d’appel, aucun de ces motifs de discrimination ne trouvait application en l’espèce. D’abord, la parentalité n’est pas visée par l’état civil. De plus, la preuve démontrait que l’employée n’avait pas été exclue en raison du fait qu’elle est parente, mais bien en raison de sa non-disponibilité à occuper la fonction supérieure sur tous les quarts de travail. Enfin, la Cour d’appel conclut que la Charte ne permet pas à une personne d’invoquer pour elle-même le handicap d’une personne ou le fait d’être le moyen utilisé par cette autre personne pour pallier son handicap. Ainsi, l’employée ne pouvait pas invoquer ce motif pour exiger un accommodement sur le plan de son horaire de travail.

Il faut toutefois souligner que la Cour d’appel a rendu une décision qui contraste avec la décision précitée.

Dans l’arrêt Côté[13], la Cour d’appel conclut que les parents ont été victimes de discrimination prohibée par la Charte lorsqu’ils se sont vu refuser l’accès à un gîte en raison de la présence du chien d’assistance de leur fils handicapé dont ils avaient la garde alors que leur fils séjournait dans un centre pour enfants autistes. En effet, selon la Cour d’appel, compte tenu du contexte particulier dans lequel s’inscrit l’utilisation des chiens d’assistance et du fait que les parents étaient responsables de l’animal et du maintien de sa formation, ceux-ci avaient droit à la protection de la Charte contre la discrimination en raison du moyen qui pallie le handicap de leur fils.

Il est toutefois intéressant de noter que cette décision n’a pas été reprise dans des contextes liés à l’emploi, par exemple pour un employé devant s’occuper d’un proche handicapé. Soulignons enfin que la jurisprudence de la Cour d’appel est constante à l’effet que la « parentalité » ou la « situation parentale » ne sont pas des motifs de discrimination prohibée par l’article 10 de la Charte[14].

L’auteur souhaite remercier Chloé Paquette, stagiaire en droit, pour sa précieuse collaboration dans la mise à jour de cet article. 

Cet article paru en 2015 a été mis à jour en septembre 2025


Frédéric Henry, CRHA Conseiller juridique principal, droit du travail et de l'emploi BCE Inc. (Lalande Avocats, s.e.n.c.)

1 Teamsters Québec, local 931 c. Brasseries Sleeman ltée (Benoit Bouchard), 2020 QCTA 542.
2 Bruni c. Georges, 2024 QCTAT 4333.
3 Union des employées et employés de service, section locale 800 et Charl-Pol Saguenay inc., 2015 QCTA 827.
4 Marie-Ève Normandin c. 2849-0241 Québec inc., 2014 QCCRT 0076.
5 Valcourt c. Groupe Lessard inc., 2022 QCTAT 3618.
6 San Martin Belzil c. 9218-2187 Québec inc., 2024 QCTAT 1429.
7 Nguyen et 7862563 Canada inc., 2018 QCTAT 5600.
8 Davis c. 7252617 Canada inc., 2021 QCTAT 4967.
9 Aveledo c. Poly Sleep inc., 2021 QCTAT 2296.
10 Payen c. Centre d’hébergement de la Villa-les-Tilleuls inc., 2008 QCCRT 0192.
11 Id.
12 Beauchesne c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP-301), 2013 QCCA 2069.
13 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté, 2015 QCCA 1544.
14 À titre d’exemple, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3333 c. Réseau de transport de Longueuil, 2024 QCCA 204.

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