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Démystifier les nouvelles obligations liées aux risques psychosociaux — Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement 

Le Règlement sur les mécanismes de prévention impose désormais la détection des dangers psychosociaux en milieu de travail et l’instauration de mesures concrètes pour les éliminer ou les contrôler efficacement.
26 novembre 2025
Me Marie-Gabrielle Bélanger, CRIA | Me Jade Paquin-Rodidoux

Le 1er octobre 2025, le Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement (« Règlement ») est entré en vigueur.

Ce Règlement vise à encadrer certaines obligations adoptées dans le contexte de l’adoption de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (« LMRSST » ou la « Loi »)[1], notamment celles liées au programme de prévention, au plan d’action et à la mise en place d’un comité et d’un représentant en matière de santé et de sécurité.

A. Le programme de prévention et le plan d’action

Établissement employant 20 travailleurs et plus

En ce qui concerne les établissements employant 20 travailleurs et plus, ils doivent obligatoirement élaborer, mettre en œuvre et tenir à jour un programme de prévention[2]. Ce programme de prévention doit être préparé d’ici le 1er octobre 2026 ou à partir du moment où l’organisation est assujettie à la Loi[3]. Ce programme doit également être mis à jour annuellement[4].

Ce programme de prévention doit notamment inclure[5] :

  • L’identification et l’analyse des risques pour la santé des travailleurs, à savoir les risques chimiques, biologiques, physiques, ergonomiques et psychosociaux liés au travail, ainsi que de ceux pouvant affecter leur sécurité.
  • Les mesures et les priorités d’action permettant d’éliminer ou à défaut de contrôler les risques recensés en privilégiant la hiérarchie des mesures de prévention établies par règlement[6].

Établissement employant 20 travailleurs ou moins

Pour les établissements employant moins de 20 travailleurs, un plan d’action en santé et sécurité du travail doit être mis en place. Ce plan d’action est essentiellement un programme simplifié de prévention qui est adapté aux ressources disponibles dans l’organisation[7].

B. Les risques psychosociaux

Qu’est-ce qu’un risque psychosocial?

Comme mentionné ci-haut, le programme de prévention ou le plan d’action doit détecter et subsidiairement, éliminer ou à défaut, contrôler les risques psychosociaux.

Selon l’Institut national de santé publique du Québec, les risques psychosociaux se définissent comme étant les « facteurs qui sont liés à l’organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d’emploi et aux relations sociales et qui augmentent la probabilité d’engendrer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des personnes exposées »[8].

Selon la Commission des normes, de l’équité et de la santé et la sécurité du travail (« CNESST »), les principaux risques psychosociaux peuvent notamment inclure[9] :

  • Le harcèlement (psychologique, sexuel, discriminatoire);
  • La violence en milieu de travail (physique, à caractère sexuel, conjugale et familiale);
  • L’exposition à un événement potentiellement traumatique.

Ces risques sont influencés par différents facteurs, tels que[10] :

  • Autonomie décisionnelle : La possibilité pour un travailleur de prendre des décisions au sujet de son travail. L’autonomie décisionnelle encourage l’initiative, l’utilisation de la créativité et le développement des habiletés des travailleurs et inclut la prise de décision et l’accomplissement de soi.
  • Charge de travail: Les tâches demandées (au regard de la quantité et de la complexité) et le temps alloué aux travailleurs afin d’effectuer ces tâches.
  • Justice organisationnelle: L’évaluation par les travailleuses et travailleurs du caractère juste des politiques, des procédures et des décisions qui les concernent.
  • Reconnaissance au travail : La reconnaissance sociale (marque de respect, rétroactions positives), organisationnelle (sécurité d’emploi, perspectives de promotion) et économique (salaire juste en fonction des compétences).
  • Soutien au travail : L’esprit d’équipe, la cohésion de groupe et la collaboration entre les membres d’une équipe. Le soutien au travail peut être opérationnel (fournir ou recevoir de l’aide, échanger des idées) ou encore émotionnel (établir la confiance entre collègues, tisser de bonnes relations).

Mesures pour détecter ou contrôler les risques psychosociaux

Dès lors que ces risques sont détectés, les organisations doivent mettre en place des mesures pour les éliminer ou à défaut, les contrôler[11].

Les mesures pour éliminer ou à défaut, contrôler les risques détectés et liés au travail, doivent être hiérarchisées. En d’autres mots, l’organisation doit mettre en ordre de priorité les actions à effectuer qui permettent d’éliminer ou de contrôler ces risques. Des échéanciers pour l’accomplissement des actions à poser doivent également être mis en place[12].

Le Règlement prévoit l’ordre de priorité dont toute organisation doit tenir compte dans l’élaboration des mesures de prévention et de contrôle des risques psychosociaux détectés[13] :

  • l’élimination du risque à la source;
  • le remplacement de matériaux, de processus ou d’équipements afin de réduire le risque;
  • la mise en place de mesures de contrôle ou de technique du risque lié à l’environnement de travail et aux équipements, comme l’installation d’un système de ventilation et l’ajout d’un protecteur sur une machine;
  • la mise en place de mécanismes de signalisation permettant de mettre en évidence le risque, comme une alarme sonore et une lampe témoin;
  • la mise en place de mesures de contrôle administratif du risque, telles que la formation des travailleurs et l’utilisation de méthodes et techniques de travail sécuritaires;
  • la mise à la disposition des travailleurs de moyens et d’équipements de protection individuels ou collectifs ainsi que la mise en place de mesures pour en assurer leur utilisation et leur entretien adéquats;
  • des mesures de contrôle administratif du risque (par exemple, la formation et la sensibilisation des employés en lien avec le harcèlement, la violence ainsi que tout risque psychosocial)[14].

En pratique, cette hiérarchisation devra être adaptée aux risques psychosociaux, en misant notamment sur une formation aux employés en matière de prévention de violence et de harcèlement ainsi que la mise en place de moyens qui leur permettent de dénoncer tout risque psychosocial au travail (par exemple, une ligne de dénonciation).  

À noter que si l’organisation n’est pas en mesure d’éliminer le risque, une combinaison des mesures ci-haut doit être adoptée afin de contrôler ces risques[15].

C. Conclusion

La mise en œuvre des nouvelles dispositions de la LMRSST et du Règlement marque un tournant majeur au regard de la protection de la santé et de la sécurité au travail au Québec.

En effet, les employeurs doivent désormais adopter une approche proactive et structurée dans la prévention de la santé et de la sécurité au travail, qui intègre non seulement les risques physiques, mais également les risques psychosociaux.

Cette évolution législative représente une occasion pour les organisations de renforcer leur culture de prévention et de favoriser la santé physique et psychologique des travailleurs.


Author
Me Marie-Gabrielle Bélanger, CRIA Avocate, associée Fasken

Marie-Gabrielle Bélanger pratique le droit du travail et de l’emploi et traite de toutes les facettes de la relation d’emploi. Ayant développé une compétence particulière dans les dossiers de harcèlement psychologique, elle est parfois appelée à agir comme enquêtrice ou comme conseillère dans le traitement des plaintes, tant auprès d’entreprises de compétence provinciale que fédérale.

Elle fournit également des conseils sur divers aspects du droit du travail et de l’emploi, y compris les conventions collectives, les relations et les normes du travail, et la santé et la sécurité au travail. Marie‑Gabrielle représente des clients devant les tribunaux administratifs et civils dans des litiges en matière d’emploi impliquant l’imposition de mesures disciplinaires, les droits de gérance de l’employeur, l’absentéisme et le harcèlement psychologique. Dans les dernières années, les changements apportés au monde du travail l’ont amenée à développer sa connaissance des nouvelles méthodes de travail, dont le télétravail.


Author
Me Jade Paquin-Rodidoux Avocate Fasken
Tout au long de ses études universitaires, Jade s’est distinguée dans la vie communautaire en s’impliquant au sein de plusieurs comités.  Notamment, Jade a été présidente du comité Affaires Internationales et du club de plaidoirie Juripop. Elle a également été impliquée au sein de l’organisme Juripop au sein de la ligne téléphonique juridique pour les victimes de violence conjugale.

Ayant un intérêt pour l’international, Jade a réalisé un projet de recherche en droit comparé sur l’accès à la justice à Paris avec des membres du conseil d’état et des avocats à la Cour de cassation.

Jade demeure activement impliquée au sein de sa communauté. Elle agit à titre d’administratrice au sein du Conseil d’administration de la Fondation Scolaire de Laval.

À l’extérieur du droit, Jade a un intérêt pour le sport et la musique. Elle a été joueuse de tennis et violoniste pendant plus de dix années consécutives, ce qui l’a amenée à gagner de nombreux prix, notamment l’émission télévisée Crescendo animée par Gregory Charles.

Source : VigieRT, novembre 2025

1 Décret 1154-2025.
2 Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, art. 147.
3 Art. 4, Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement.
4 Art. 5, Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement. À noter que ce délai ne s’applique pas à un employeur qui a déjà ou devait déjà avoir en place un programme de prévention dans son établissement, et qui devient assujetti à l’obligation d’élaborer et de mettre en application un plan d’action. Dans ce cas, l’élaboration et la mise en application de son plan doivent se faire sans délai.
5 Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, art. 146.
6 Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement.
7 En vertu de l’article 146 de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, un établissement qui groupe moins de 20 travailleurs pourrait se voir forcer d’élaborer un programme de prévention dans certaines circonstances, par exemple, lorsque le niveau de risque lié aux activités exercées dans cet établissement le requiert.
8 Institut national de santé publique du Québec, Risques psychosociaux du travail, en ligne : Risques psychosociaux du travail.
9 Commission des normes, de l’équité et de la santé et la sécurité du travail, « Facteurs de risques psychosociaux liés au travail », en ligne Risques psychosociaux liés au travail.
10 Ibid, note 2.
11 Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, art. 147, al.1(1).
12 Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, art. 147, al.1(1).
13 Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement, art. 6.
14 Ibid, note 11.
15 Ibid, note 11.

Avis - Ce contenu relève de la responsabilité de son auteur et ne reflète pas nécessairement la position officielle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.