Un tel outil a pour effet de mobiliser le personnel et de favoriser un environnement de travail basé sur le respect, la civilité et le bon fonctionnement des équipes. De surcroît, les éléments nécessaires au respect de leurs obligations légales en matière de harcèlement et à la sauvegarde de leur réputation y sont prévus.
Des exigences légales
Rappelons que de nouvelles dispositions apportées à la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail sont entrées en vigueur le 27 septembre 2024. Depuis, tout employeur est tenu de se doter d’une politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique.
De plus, le contenu minimal de cette politique y est précisé en sept éléments. Ils sont repris intégralement ci-après :
- Les méthodes et les techniques utilisées pour identifier, contrôler et éliminer les risques de harcèlement psychologique, y compris un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel;
- Les programmes d’information et de formation spécifiques en matière de prévention du harcèlement psychologique qui sont offerts aux personnes salariées ainsi qu’aux personnes désignées par l’employeur pour la prise en charge d’une plainte ou d’un signalement;
- Les recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail;
- Les modalités applicables pour faire une plainte ou un signalement à l’employeur ou lui fournir un renseignement ou un document, la personne désignée pour s’en occuper ainsi que l’information sur le suivi qui doit être donné par l’employeur;
- Les mesures visant à protéger les personnes concernées par une situation de harcèlement psychologique et celles qui ont collaboré au traitement d’une plainte ou d’un signalement portant sur une telle situation;
- Le processus de prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, y compris le processus applicable lors de la tenue d’une enquête par l’employeur;
- Les mesures visant à assurer la confidentialité d’une plainte, d’un signalement, d’un renseignement ou d’un document reçu ainsi que le délai de conservation des documents faits ou obtenus dans le cadre de la prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, lequel doit être d’au moins deux ans.
En complément, il y a lieu de souligner que la Loi sur la santé et la sécurité du travail (dont ses articles 59, 61.2 et 199) obligera l’employeur à intégrer cette politique d’entreprise dans son programme de prévention ou son plan d’action, et ce, dès l’entrée en vigueur de dispositions législatives et réglementaires prévue au plus tard le 6 octobre 2025.
À noter : pour soutenir les employeurs dans cette démarche, un gabarit de politique conforme aux exigences légales est téléchargeable sur le site de la CNESST. Il constitue un outil de départ utile pour structurer ou mettre à jour la politique d’entreprise.[1]
Une politique comme levier
Au-delà des obligations légales, une politique de prévention et de prise en charge du harcèlement psychologique joue un rôle central dans la gestion saine et responsable d’une organisation. Elle traduit l’engagement concret de l’employeur à offrir un milieu de travail civil et respectueux ainsi que sans violence de quelque nature que ce soit.
Pour être efficace, il importe de « faire vivre » cette politique. Elle doit être mentionnée chaque fois que le contexte est opportun, et l’on doit rappeler ses principes dans le quotidien de l’organisation.
La politique sert aussi de repère clair au moment de définir ce qui est acceptable ou non en milieu de travail, tout en offrant aux gestionnaires les outils nécessaires pour intervenir de manière appropriée lorsqu’une situation problématique se présente. Elle renforce également une culture de prévention accessible et compréhensible pour tout le monde.
Enfin, en assurant des règles équitables, confidentielles et cohérentes pour traiter les plaintes, une telle politique contribue à bâtir un climat de confiance à l’égard des mécanismes internes.
Un cadre de référence structurant pour l’intervention
En cas de signalement, la politique devient le cadre de référence énonçant les actions à poser. Elle permet d’éliminer les interventions arbitraires et prévient les maladresses ou les décisions incohérentes. De plus, elle garantit un traitement équitable et conforme aux exigences légales.
Il importe de préciser que ce cadre permet de limiter les impacts humains d’un harcèlement mal géré, lequel peut entraîner plusieurs conséquences, comme une escalade du conflit, des enjeux réputationnels et des blessures psychologiques.
En vertu des obligations qui lui incombent (LNT, a. 81.19), un gestionnaire porte la responsabilité de prévenir et de faire cesser toute forme de harcèlement dont il est informé. La politique devient donc une référence indispensable pour guider ses actions et ses décisions, tant dans la détection précoce des signes préoccupants que dans la gestion des situations avérées.
Une responsabilité partagée, mais une imputabilité claire
L’organisation tout entière est concernée en vue d’instaurer et de maintenir des milieux de travail sains et respectueux. Sa politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique permet de clarifier les rôles et responsabilités des différentes parties prenantes.
En premier lieu, il revient au service des ressources humaines d’assurer l’encadrement, la formation et la coordination du traitement des plaintes. Les gestionnaires, quant à eux, sont appelés à intervenir rapidement, à faire preuve de vigilance et à appliquer les dispositions de manière rigoureuse. Pour ce qui est des salariés, ils doivent être informés de leurs droits, comprendre les comportements attendus auxquels ils sont tenus de se conformer et connaître les recours à leur disposition.
Les représentants syndicaux ont également un rôle important à jouer. Ils doivent agir en cohérence avec le message organisationnel en matière de prévention, se positionner comme des acteurs vigilants et collaborer de manière constructive avec l’employeur. Leur engagement constitue un atout stratégique dans la promotion d’un climat de travail respectueux et la crédibilité accordée à la politique.
Enfin, les personnes qui sont témoins de comportements inadéquats ont, elles aussi, une responsabilité : celle de ne pas fermer les yeux et, lorsque pertinent, de faire part de leurs observations par les voies prévues. Leur vigilance contribue directement à la prévention et à la détection précoce des situations à risque.
Ainsi, la politique contribue à instaurer une culture où le harcèlement est non seulement proscrit, mais activement prévenu et, le cas échéant, traité avec rigueur.
Un outil de sensibilisation et de mobilisation
Une telle politique représente aussi une occasion récurrente de mobiliser les membres d’une même organisation autour des valeurs de respect et de civilité ainsi que d’appeler à la responsabilisation. Elle constitue un levier favorable pour des campagnes de sensibilisation, des ateliers réflexifs, des analyses de risque psychosocial et une intégration des nouveaux employés axée sur la prévention.
Plus encore, sa mise à jour périodique permet d’adapter l’organisation aux nouvelles réalités (comme le télétravail, l’intelligence artificielle ou encore la diversité, et ce, qu’elle soit culturelle, générationnelle, de genre ou liée à l’orientation sexuelle), d’actualiser les outils et d’ajuster les procédures ainsi que le cadre réglementaire existant en fonction des constats tirés ou des meilleures pratiques observées.
Pour une application cohérente et crédible
Enfin, une politique, aussi complète soit-elle, n’aura d’effet que si elle est appliquée en gardant toujours de vue ses objectifs dans tous ses agissements. La cohérence entre les engagements affichés et les gestes concrets de l’organisation constituent un facteur clé de crédibilité.
Cette démarche suppose une diffusion active, claire et accessible à l’ensemble du personnel. La formation des gestionnaires sera particulièrement centrée sur les habiletés relationnelles et l’intervention dans un contexte sensible et conflictuel.
Il est aussi fondamental de faire preuve de vigilance à l’égard des représailles ou des formes indirectes d’intimidation qui pourraient survenir à la suite d’une dénonciation. À cet égard, il est dorénavant prévu qu’une personne salariée victime de représailles peut déposer à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) une plainte pour pratique interdite contre son employeur (LNT, a. 122).
Enfin, un audit périodique des mécanismes de prévention et d’intervention permet de s’assurer de la pertinence et de l’efficacité des mesures en place.
Conclusion
La politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique n’est pas un simple outil de conformité. Elle est un pilier stratégique de gestion des risques psychosociaux, un signal fort de l’engagement organisationnel et un cadre opérationnel indispensable pour agir avec justesse et rigueur.
En faire un document vivant, incarné par les gestionnaires et soutenu par une culture de respect, c’est protéger les personnes, prévenir les dérives et construire des milieux de travail sains et mobilisateurs.
Avis - Ce contenu relève de la responsabilité de son auteur et ne reflète pas nécessairement la position officielle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.