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Le programme de Travail partagé : soutien essentiel face aux droits de douane

Jusqu’au 6 mars 2026, les nouvelles mesures du programme de Travail partagé viseront à aider les entreprises canadiennes à surmonter les défis économiques, notamment ceux en lien avec les tarifs douaniers imposés par les États-Unis.
23 avril 2025
Me Marie-Gabrielle Bélanger, CRIA | Me Isabelle Bertrand, CRIA

Depuis le début de l’année, les effets des menaces et des droits de douane américains se font sentir sur le marché du travail canadien, imposant des défis considérables aux entreprises. Ces droits de douane peuvent entraîner une réduction de l’activité commerciale, des mises à pied temporaires et une instabilité économique. C’est dans ce contexte que le programme de Travail partagé (ci-après le « Programme ») se révèle être un outil précieux pour les entreprises canadiennes confrontées à des baisses temporaires d’activité. Les récents ajustements apportés au Programme en réponse aux droits de douane américains offrent désormais des mesures spéciales additionnelles pour soutenir les entreprises et leurs employés durant cette période d’incertitude.

Qu’est-ce que le Programme de travail partagé?

Le Programme est une initiative du gouvernement canadien qui a été conçu pour aider les employeurs et les employés à éviter les mises à pied lors de ralentissements temporaires de l’activité normale d’une entreprise, indépendants de la volonté de l’employeur. Depuis sa création, il a permis à de nombreuses entreprises de conserver leurs travailleurs qualifiés et expérimentés.

Selon Emploi et Développement social Canada, depuis le 31 mars 2024, le programme de Travail partagé a reçu 1 019 demandes et approuvé 706 accords, représentant une valeur estimée de 97 353 866 $. Grâce à ces accords, environ 9 432 mises à pied ont été évitées, et 26 830 employés ont pu participer au Programme. Le délai de traitement moyen des demandes est de 9,1 jours ouvrables.

Comment fonctionne le Programme?

Les accords de travail partagé impliquent les employeurs, les employés, les syndicats (le cas échéant) et Service Canada. Les parties intéressées doivent accepter de participer au Programme. C’est ensuite que la personne représentant l’employeur et celle représentant le syndicat (s’il y a lieu) doivent présenter une demande de participation au Programme.

Voici ses grandes caractéristiques :

  • Unité de travail partagé: Une unité de travail partagé est un groupe d’employés qui exécutent des tâches similaires et qui acceptent de réduire leurs heures de travail sur une période définie;
  • Partage équitable du travail : Tous les membres d’une unité de travail partagé doivent accepter de réduire leurs heures de travail selon le même pourcentage et de partager le travail disponible;
  • Réduction prévue du travail: L’unité de travail partagé doit réduire ses heures de travail d’au moins 10 % à 60 %. Cette réduction peut varier d’une semaine à l’autre, mais la réduction moyenne des heures de travail doit se situer entre 10 % et 60 % pour la durée de l’accord;
  • Durée et prolongation de l’accord: Un accord de travail partagé doit avoir une durée minimale de 6 semaines consécutives et peut durer jusqu’à 26 semaines consécutives. Une extension d’un maximum de 12 semaines peut être demandée, portant la durée totale de l’accord à 38 semaines;
  • Rémunération : Pour la durée de l’accord de travail partagé, les employés reçoivent des prestations de l’assurance-emploi pendant les journées ou les heures durant lesquelles ils ne travaillent pas. En contrepartie, l’employeur s’engage à maintenir les avantages sociaux existants des employés participants.

Le Programme présente de nombreux avantages pour les entreprises canadiennes et québécoises. Il permet également de réduire temporairement les coûts salariaux tout en conservant l’expertise des employés. En outre, il offre une flexibilité opérationnelle, permettant aux entreprises de s’adapter rapidement à une réduction d’activité sans les coûts ni les perturbations associées aux licenciements.

Pour les travailleurs, le Programme constitue une protection essentielle en leur assurant la sécurité de l’emploi et en atténuant le risque de chômage total. Il offre une stabilité financière grâce aux prestations d’assurance-emploi qui compensent partiellement la réduction des heures de travail. Les employés peuvent ainsi continuer à exercer leur métier et à maintenir leurs compétences à jour. De plus, ils conservent leurs avantages sociaux et leur ancienneté. Ils peuvent aussi profiter de l’occasion pour se former et acquérir de nouvelles compétences.

Quelles sont les nouvelles mesures spéciales?

Élargissement de l’admissibilité

Les mesures spéciales, en vigueur du 7 mars 2025 au 6 mars 2026, visent à fournir un soutien additionnel aux entreprises touchées par les droits de douane américains. Les employeurs constatant une baisse de l’activité commerciale due à la menace ou à la réalisation potentielle des droits de douane peuvent être admissibles s’ils :

  • Sont en activité au Canada depuis au moins un an;
  • Ont au minimum deux employés admissibles à l’assurance-emploi qui acceptent une réduction d’heures et de partager tout travail disponible.

En vertu des mesures spéciales, l’admissibilité des employeurs est élargie pour inclure :

  • Les organisations à but non lucratif et caritatives subissant une réduction de leurs revenus en raison directe ou indirecte des droits de douane;
  • Les employeurs saisonniers ou cycliques;
  • Les employeurs ayant subi une diminution de l’activité de travail au cours des 6 derniers mois de moins de 10 % et permettant un recours au travail partagé supérieur à 60 %.

L’admissibilité des employés est également élargie pour inclure :

  • Les employés non permanents, à temps plein ou à temps partiel à l’année, spécifiquement les employés saisonniers ou cycliques;
  • Les employés contribuant aux efforts de relance de l’employeur.

Flexibilités et avantages additionnels

Les flexibilités des mesures spéciales comprennent :

  • Une durée maximale de l’accord du travail partagé allant jusqu’à 76 semaines;
  • La suppression de la période d’attente obligatoire entre deux accords de travail partagé successifs pendant la durée des mesures spéciales;
  • La possibilité d’axer les mesures de redressement sur la capacité de l’entreprise à maintenir sa viabilité face aux impacts des droits de douane américains.

Conclusion

Les nouvelles mesures du Programme offrent un soutien essentiel aux entreprises canadiennes face aux défis posés par les droits de douane américains. En élargissant l’admissibilité et en offrant des flexibilités supplémentaires, il aide à maintenir la viabilité des entreprises et à protéger les emplois, contribuant ainsi à la stabilité économique du marché actuel. Le Programme, bien que complexe, est structuré pour englober tous les acteurs pertinents, garantissant ainsi une distribution équitable du travail réduit et un soutien financier adéquat pour les travailleurs.


Author
Me Marie-Gabrielle Bélanger, CRIA Avocate, associée Fasken
Marie-Gabrielle Bélanger pratique le droit du travail et de l’emploi et traite de toutes les facettes de la relation d’emploi. Ayant développé une compétence particulière dans les dossiers de harcèlement psychologique, elle est parfois appelée à agir comme enquêtrice ou comme conseillère dans le traitement des plaintes, tant auprès d’entreprises de compétence provinciale que fédérale.

Elle fournit également des conseils sur divers aspects du droit du travail et de l’emploi, y compris les conventions collectives, les relations et les normes du travail, et la santé et la sécurité au travail. Marie‑Gabrielle représente des clients devant les tribunaux administratifs et civils dans des litiges en matière d’emploi impliquant l’imposition de mesures disciplinaires, les droits de gérance de l’employeur, l’absentéisme et le harcèlement psychologique. Dans les dernières années, les changements apportés au monde du travail l’ont amenée à développer sa connaissance des nouvelles méthodes de travail, dont le télétravail.

Author
Me Isabelle Bertrand, CRIA Avocate Fasken
Isabelle Bertrand est avocate au sein du groupe de Travail, emploi et droits de la personne à Montréal. Dans le cadre de sa pratique, Isabelle conseille et représente les clients dans les divers aspects relatifs au droit de l’emploi, que ce soit en matière de rapports collectifs ou individuels de travail, autant en matière de droit fédéral que de droit provincial pour des employeurs des secteurs privé ou public.

Plus particulièrement, Isabelle offre des conseils à des employeurs sur les enjeux qui touchent le capital humain : santé et sécurité au travail, embauche et cessation d’emploi, rédaction et interprétation des contrats de travail et politiques internes, traitement disciplinaire et gestion de la main-d’œuvre. Elle conseille également dans l'interprétation de conventions collectives, l'arbitrage de griefs et les droits et libertés de la personne.

Avant de devenir avocate, Isabelle a complété un baccalauréat en relations industrielles à l’Université de Montréal et elle a travaillé près de deux ans dans l’équipe des ressources humaines chez Fasken. Elle est membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés depuis 2022.

Source : VigieRT, avril 2025