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Rappel : les conduites à adopter lors des activités sociales

À l’approche des activités du temps des Fêtes, les organisations doivent agir de manière proactive, diligente et responsable afin de respecter les nouvelles dispositions législatives entrées en vigueur en 2024. Tour d’horizon pour éviter qu’une situation d’inconduite vienne gâcher la fête.
27 novembre 2024
Me Romeo Aguilar Perez, CRHA

Introduction

En cette période de l’année, plusieurs organisations s’apprêtent à tenir des événements sociaux pour souligner le temps des Fêtes.

Les festivités à venir sont sans doute le résultat d’une longue préparation qui doit toutefois prendre en considération les changements récemment apportés par la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail[1] (la « Loi »), dont :

  • L’obligation qu’une politique de prévention du harcèlement et de traitement des plaintes (la « Politique ») contienne une section sur les recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail.
  • De nouvelles dispositions qui ajoutent substantiellement au régime d’indemnisation d’une lésion professionnelle découlant d’une situation de violence à caractère sexuel.

À l’approche de ces activités, ces modifications sont d’intérêt pour toute organisation. Elles incitent à agir de manière proactive, diligente et responsable dans le but d’éviter qu’une situation d’inconduite vienne gâcher la fête, avec les conséquences qui peuvent en découler.

I. La Politique : une section sur les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail

Depuis le 27 septembre 2024, la Loi prévoit que toute Politique chez tout employeur de juridiction provinciale doit notamment comporter une section sur les recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail[2].

Que devrait donc contenir cette section?

L’objectif étant d’assurer un environnement qui prévient et diminue les risques qu’il y ait des inconduites lors de ces événements, il est donc recommandé que la Politique :

  1. Énonce clairement aux employées et employés qu’elle s’applique lors des activités sociales liées au travail, et ce, malgré qu’elles se déroulent à l’extérieur du lieu et des heures normales de travail.
  2. Prévoit une liste non exhaustive d’exemples de comportements inappropriés et interdits par l’employeur lors de ces activités tels que :
    • Des propos offensants ou discriminatoires
    • Des insinuations, commentaires, gestes, pratiques, paroles, comportements ou attitudes à connotation sexuelle non désirés
    • Une consommation excessive d'alcool ou autre substance entraînant des comportements inappropriés
    • Toute forme de contact physique non consensuel et/ou non désiré

Si l’organisation s’est dotée d’un code de conduite, d’un code d’éthique ou d’un manuel des employés par exemple, la section de la Politique concernant les conduites à adopter lors des activités sociales liées au travail pourrait faire référence à ce type de documentation qui prévoit généralement les normes quant aux comportements attendus et à adopter de la part des employées et employés. Autrement dit, il pourrait par exemple être prévu dans cette section de la Politique que l’employeur s’attend à ce que ses employées et employés agissent en conformité au code de conduite lors des activités sociales liées au travail.

II. Violence à caractère sexuel : indemnisation d’une lésion professionnelle qui en découle

En matière de lésion professionnelle causée par une situation de « violence à caractère sexuel », la Loi a apporté les changements suivants, tous en vigueur à l’heure actuelle :

  • Une définition de « violence à caractère sexuel »

    La Loi sur la santé et la sécurité du travail[3] définit la « violence à caractère sexuel » comme étant :

    « toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre. »

    Il est à noter que cette définition est plus large que la définition de « harcèlement psychologique » prévue dans la Loi sur les normes du travail[4].

  • Deux présomptions pour les victimes de violence à caractère sexuel

    Étant donné que la violence à caractère sexuel peut être la cause d’une lésion professionnelle, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5] (la « LATMP ») prévoit deux nouvelles présomptions visant à alléger le fardeau de preuve des victimes de ce type de violence :

    1. Une blessure ou une maladie d’un travailleur est présumée être survenue par le fait ou à l’occasion de son travail lorsqu’elle résulte de la violence à caractère sexuel subie par ce dernier et commise par son employeur, l’un des dirigeants de ce dernier dans le cas d’une personne morale ou l’un des travailleurs dont les services sont utilisés par cet employeur.
    2. Une maladie d’un travailleur qui survient dans les trois mois après que ce dernier a subi de la violence à caractère sexuel sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle.

    L’employeur qui contesterait une lésion de cette nature aura donc le fardeau de renverser ces présomptions.

  • Un délai prolongé pour déposer une réclamation

    La LATMP prévoit que le délai pour déposer une réclamation pour une lésion ou une maladie découlant d’une situation de violence à caractère sexuel est de deux (2) ans[6] alors que ce délai est habituellement de six (6) mois à compter de la survenance de la lésion professionnelle pour toute autre lésion[7].

  • Imputation automatique des coûts

    La LATMP[8] prévoit une imputation automatique des coûts des prestations aux employeurs de toutes les unités lorsque la lésion professionnelle résulte de la violence à caractère sexuel. Cette nouveauté n’est toutefois pas sans répercussion puisqu’une telle imputation peut notamment entraîner une augmentation des coûts du régime d’indemnisation pour l’ensemble des employeurs.

Concrètement, une employée ou un employé qui allèguerait avoir été victime d’une situation de violence à caractère sexuel lors d’une activité sociale du temps des Fêtes liée au travail pourrait déposer une réclamation pour une lésion professionnelle selon le cadre législatif décrit ci‑dessus. Notons que certains facteurs seront évalués par un tribunal pour déterminer si la personne employée a subi une lésion professionnelle, notamment l’objectif de l’activité, le moment et le lieu où cette activité se tient, le fait qu’elle soit organisée ou financée par l’employeur et la présence ou l’absence d’un lien de subordination.

Au regard de ces nouvelles dispositions, il semble indéniable qu’un encadrement des conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail s’inscrit notamment dans une approche de prévention pour éviter que surviennent des inconduites.

III. Des obligations sérieuses dans un contexte festif

Bien que l’esprit puisse être à la fête, il convient de rappeler que, lors de ces activités, tout employeur est tenu de prendre :

  • Les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique de ses employés[9]; et
  • Les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique provenant de toute personne et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser.

Sachant que les festivités peuvent donner lieu à un laisser-aller des comportements attendus dans un contexte professionnel, toute organisation doit :

  • Agir de manière vigilante lors de ces activités.
  • Prendre au sérieux toute allégation qui est portée à sa connaissance et mener une enquête si la situation le requiert[10].
  • Exercer son droit de gérance par la voie de mesures administratives ou disciplinaires lorsque les circonstances le justifient.

IV. Conseils pratiques en vue des activités du temps des Fêtes

En vue des festivités qui approchent, voici quelques recommandations pour prévenir et réduire le risque que des inconduites se produisent lors de la participation aux activités du temps des Fêtes :

  • Mettre à jour la Politique notamment en ce qui a trait aux conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail et la faire circuler auprès de tout le personnel.
  • Rappeler les politiques applicables à tout le personnel (incluant notamment la Politique à jour).
  • Sensibiliser les employées et employés aux comportements attendus.
  • Encourager la modération de la consommation en autorisant un nombre limité de consommations alcoolisées par personne.
  • Demander aux personnes en autorité de faire preuve de vigilance lors des activités et leur rappeler leur devoir d’intervention si une situation le justifie.
1 Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, L.Q. 2024, c. 4, sanctionnée le 27 mars 2024 (« Loi 42 »).
2 Loi 42, article 18.
3 Loi 42, article 33; Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST »), RLRQ c S-2.1, article 1 [depuis le 27 mars 2024].
4 Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1 (« LNT »).
5 Loi 42; article 4; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (« LATMP »), RLRQ c. A-3.001, articles 28.0.1 et 28.0.2 [depuis le 27 septembre 2024].
6 Loi 42, articles 9,10 et 11; LATMP, articles 270, 271 et 272, [depuis le 27 septembre 2024].
7 LATMP, articles 270, 271 et 272.
8 Loi 42, article 13; LATMP, article 327 [depuis le 27 mars 2024].
9 LSST, RLRQ c S-2.1, article 51; Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, article 2087 et Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12, article 46.
10 Fortuné Laurore c. Meilleures Marques ltée, 2024 QCTAT 3013 (pourvoi en contrôle judiciaire 2024-09-23).

Author
Me Romeo Aguilar Perez, CRHA Avocat principal Lavery
Romeo Aguilar Perez, CRHA, est membre du groupe de droit du travail et de l’emploi.
Dans le cadre de sa pratique, il conseille des employeurs issus des milieux public, parapublic et privé en ce qui a trait à toutes les facettes de la relation d’emploi et de la gestion du capital humain. Il se spécialise particulièrement en matière de litiges relatifs à l’emploi, de dossiers d’arbitrage de griefs, de relations de travail, de normes du travail, de droit de la personne, d’enquêtes administratives, de santé et de sécurité au travail et d’infractions pénales de la CNESST entendues à la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale. Son expertise est fréquemment sollicitée en matière de gestion et de traitement de plaintes de harcèlement psychologique ou sexuel au travail.

Me Aguilar Perez détient une maîtrise en droit portant sur le droit à la vie privée dans le cadre de l’utilisation des réseaux sociaux.

Source : VigieRT, novembre 2024

1 Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, L.Q. 2024, c. 4, sanctionnée le 27 mars 2024 (« Loi 42 »).
2 Loi 42, article 18.
3 Loi 42, article 33; Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST »), RLRQ c S-2.1, article 1 [depuis le 27 mars 2024].
4 Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1 (« LNT »).
5 Loi 42; article 4; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (« LATMP »), RLRQ c. A-3.001, articles 28.0.1 et 28.0.2 [depuis le 27 septembre 2024].
6 Loi 42, articles 9,10 et 11; LATMP, articles 270, 271 et 272, [depuis le 27 septembre 2024].
7 LATMP, articles 270, 271 et 272.
8 Loi 42, article 13; LATMP, article 327 [depuis le 27 mars 2024].
9 LSST, RLRQ c S-2.1, article 51; Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, article 2087 et Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12, article 46.
10 Fortuné Laurore c. Meilleures Marques ltée, 2024 QCTAT 3013 (pourvoi en contrôle judiciaire 2024-09-23).