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Déconnexion, transparence salariale et équité salariale : bilan au fédéral 

Les auteurs abordent ici les différentes mesures adoptées par le gouvernement fédéral pour adapter ses lois à certaines nouvelles réalités du monde du travail. Ils s’attardent particulièrement au droit à la déconnexion, à la transparence salariale et à l’équité salariale. 
13 novembre 2024
Me Catherine Biron, CRHA | Me Manuel Côté

Au fil des derniers mois, le législateur fédéral a posé plusieurs gestes visant à adapter les lois fédérales aux nouvelles réalités du monde du travail, bien que plusieurs de ces modifications ne soient toutefois toujours pas en vigueur. Qu’en est-il des modifications annoncées concernant le droit à la déconnexion, la transparence salariale et l’équité salariale?

Droit à la déconnexion

Le droit à la déconnexion est une notion cherchant à assurer un équilibre entre les sphères professionnelle et privée des travailleurs. Il peut notamment se traduire par le droit de ne pas répondre aux demandes formulées en dehors des heures normales de travail ou en limitant l’usage des outils numériques professionnels. Le droit à la déconnexion s’avère particulièrement d’actualité depuis l’essor du télétravail et l’utilisation de nouveaux outils technologiques.

Certaines protections législatives permettent déjà d’assurer indirectement une certaine protection face à une trop grande connexion au travail. Au Québec, la Loi sur les normes du travail prévoit, par exemple, le droit des salariés de refuser de faire des heures supplémentaires, le droit à un repos hebdomadaire et à des pauses repas ainsi que la protection à l’égard du harcèlement psychologique.

Cependant, même si le droit à la déconnexion est déjà bien implanté dans plusieurs pays européens, l’Ontario est actuellement la seule province canadienne dotée d’une loi portant spécifiquement sur la déconnexion du travail. Bien que n’allant pas jusqu’à accorder aux travailleurs un véritable droit à la déconnexion, elle oblige néanmoins les employeurs ontariens à mettre en place une politique écrite sur la déconnexion du travail.

Afin d’intégrer à son tour cette notion, le législateur fédéral a récemment adopté la Loi no 1 d’exécution du budget de 2024. Notamment, et similairement à l’Ontario, celle-ci ne crée pas un véritable droit à la déconnexion, mais prévoit diverses modifications au Code canadien du travail, dont l’obligation pour les employeurs de compétence fédérale de mettre en place une politique sur la déconnexion du travail.

Entre autres, cette politique devra comporter une règle générale concernant les communications professionnelles en dehors des heures de travail prévues, notamment concernant les attentes de l’employeur et toute possibilité pour les employés de se déconnecter des moyens de communication.

Ces nouvelles dispositions doivent entrer en vigueur à la suite de la publication d’un décret par le gouverneur en conseil, ce qui, en date de la publication du présent article, n’avait pas encore été fait. Les employeurs fédéraux demeurent donc en attente, et il faut donc rester à l’affût de la suite des choses. Malgré tout, le sujet soulève des questions, et certains employeurs fédéraux se préparent à y répondre et à l’encadrer pour leurs employés.

Transparence salariale

La transparence salariale couvre un vaste éventail d’usages, mais réfère généralement à la pratique consistant à divulguer publiquement des informations relatives à la rémunération au sein d’une organisation. Cette notion repose sur l’idée que les travailleurs ont le droit légitime de connaître leur salaire ainsi que les structures et barèmes de rémunération en vigueur chez leur employeur.

Au Canada, plusieurs provinces ont déjà entamé le processus législatif afin d’intégrer des pratiques relatives à la transparence salariale, dont Terre-Neuve-et-Labrador (Pay Equity and Pay Transparency Act), la Nouvelle-Écosse (Bill 386 – Pay Equity and Pay Transparency Act) et l’Île-du-Prince-Édouard (Employment Standards Act). À titre d’exemple, la Pay Transparency Act de la Colombie-Britannique prévoit notamment que toute offre d’emploi annoncée publiquement doit préciser le salaire attendu, ou la fourchette salariale, le cas échéant. De même, cette loi protège contre les représailles les travailleurs britanno-colombiens ayant divulgué leur salaire et force les employeurs à rendre public un rapport annuel présentant les écarts de rémunération entre les employés hommes, femmes et personnes non binaires.

Au niveau fédéral, diverses législations prévoient des dispositions favorisant indirectement une certaine transparence salariale. À titre d’exemple, bien que la Loi sur l’équité salariale ait pour objet principal d’obliger les employeurs assujettis à mettre en place un plan d’équité salariale visant à corriger les écarts salariaux, une partie de ses dispositions participe aussi indirectement à une meilleure transparence salariale pour les membres du comité d’équité ayant été constitué et aux fins de l’exercice d’équité. Cela dit, il n’est alors pas question, à proprement parler, d’une réelle transparence requise par la loi.

À l’heure actuelle, et bien que certaines entreprises se dotent volontairement de telles pratiques, aucune législation fédérale portant spécifiquement sur la notion de transparence salariale n’est en vigueur. Cela étant, la transparence salariale fait l’objet de questions fréquentes pour les CRHA et les avocats en droit du travail, et il importera de suivre l’évolution de la législation fédérale aussi sur ce sujet.

L’équité salariale

La Loi sur l’équité salariale est en vigueur, et les employeurs fédéraux doivent déjà avoir procédé à la constitution de leur comité d’équité, à l’établissement de la valeur des emplois et à la mise en place de leur plan d’équité, et ce, depuis le 3 septembre 2024. Plusieurs employeurs fédéraux ont requis des prolongations de délai, et bon nombre se sont adjoint le soutien de cabinets juridiques et de firmes spécialisées en rémunération, l’exercice d’établissement du plan d’équité salariale étant complexe et passablement technique. Ils devront également effectuer un exercice de maintien dans cinq ans. Les employeurs fédéraux sont donc appelés à avoir et à conserver une structure de rémunération bien ficelée.


Author
Me Catherine Biron, CRHA Avocate, Associée Langlois Avocats
Me Catherine Biron, CRHA, est associée chez Langlois avocats à Montréal. Elle conseille et représente les entreprises en lien avec tous les aspects du droit de l’emploi et des relations du travail. Titulaire d’une maîtrise en droit du travail et en droits de la personne de l’Université d’Oxford en Angleterre, elle représente et aide des entreprises en milieux syndiqués et non syndiqués, et conseille, représente et prête main-forte à des sociétés constituées sous le régime provincial ou fédéral, qu’il s’agisse de PME ou de grandes entreprises. Me Biron s’occupe de relations du travail depuis plus de dix ans et est reconnue pour son sens pratique et ses capacités à agir dans des dossiers complexes et délicats. Elle agit dans le cadre de négociations de conventions collectives de même qu’en médiation, et elle représente des entreprises devant toutes les instances reliées à la gestion des employés, ainsi que dans une vaste gamme de dossiers de relations du travail et de droit de l’emploi (griefs, recours civils, droits de la personne et allégations de discrimination, recours pour harcèlement ou autres allégations de contravention aux normes du travail, lésions professionnelles, etc.). Elle possède une connaissance approfondie et une approche pratique de la gestion du rendement, de l’absentéisme, des comportements problématiques au travail et des questions liées à l’invalidité ou à la santé au travail. Me Biron est reconnue pour son approche avec les clients. Elle est aussi reconnue par ses adversaires pour son doigté. Elle est fréquemment invitée à prononcer des conférences ou à fournir des outils de formation pratiques à des gestionnaires en ressources humaines et en relations du travail.

Author
Me Manuel Côté Avocat Langlois Avocats
Manuel Côté conseille et représente les clients dans les divers aspects du droit du travail et de l’emploi. Il s’intéresse particulièrement aux relations de travail en milieu syndiqué, notamment dans des dossiers d’arbitrage de griefs, d’interprétation de conventions collectives, de relations de travail, de négociation et de conformité aux normes du travail.

Source : VigieRT, novembre 2024