Au fil des derniers mois, le législateur fédéral a posé plusieurs gestes visant à adapter les lois fédérales aux nouvelles réalités du monde du travail, bien que plusieurs de ces modifications ne soient toutefois toujours pas en vigueur. Qu’en est-il des modifications annoncées concernant le droit à la déconnexion, la transparence salariale et l’équité salariale?
Droit à la déconnexion
Le droit à la déconnexion est une notion cherchant à assurer un équilibre entre les sphères professionnelle et privée des travailleurs. Il peut notamment se traduire par le droit de ne pas répondre aux demandes formulées en dehors des heures normales de travail ou en limitant l’usage des outils numériques professionnels. Le droit à la déconnexion s’avère particulièrement d’actualité depuis l’essor du télétravail et l’utilisation de nouveaux outils technologiques.
Certaines protections législatives permettent déjà d’assurer indirectement une certaine protection face à une trop grande connexion au travail. Au Québec, la Loi sur les normes du travail prévoit, par exemple, le droit des salariés de refuser de faire des heures supplémentaires, le droit à un repos hebdomadaire et à des pauses repas ainsi que la protection à l’égard du harcèlement psychologique.
Cependant, même si le droit à la déconnexion est déjà bien implanté dans plusieurs pays européens, l’Ontario est actuellement la seule province canadienne dotée d’une loi portant spécifiquement sur la déconnexion du travail. Bien que n’allant pas jusqu’à accorder aux travailleurs un véritable droit à la déconnexion, elle oblige néanmoins les employeurs ontariens à mettre en place une politique écrite sur la déconnexion du travail.
Afin d’intégrer à son tour cette notion, le législateur fédéral a récemment adopté la Loi no 1 d’exécution du budget de 2024. Notamment, et similairement à l’Ontario, celle-ci ne crée pas un véritable droit à la déconnexion, mais prévoit diverses modifications au Code canadien du travail, dont l’obligation pour les employeurs de compétence fédérale de mettre en place une politique sur la déconnexion du travail.
Entre autres, cette politique devra comporter une règle générale concernant les communications professionnelles en dehors des heures de travail prévues, notamment concernant les attentes de l’employeur et toute possibilité pour les employés de se déconnecter des moyens de communication.
Ces nouvelles dispositions doivent entrer en vigueur à la suite de la publication d’un décret par le gouverneur en conseil, ce qui, en date de la publication du présent article, n’avait pas encore été fait. Les employeurs fédéraux demeurent donc en attente, et il faut donc rester à l’affût de la suite des choses. Malgré tout, le sujet soulève des questions, et certains employeurs fédéraux se préparent à y répondre et à l’encadrer pour leurs employés.
Transparence salariale
La transparence salariale couvre un vaste éventail d’usages, mais réfère généralement à la pratique consistant à divulguer publiquement des informations relatives à la rémunération au sein d’une organisation. Cette notion repose sur l’idée que les travailleurs ont le droit légitime de connaître leur salaire ainsi que les structures et barèmes de rémunération en vigueur chez leur employeur.
Au Canada, plusieurs provinces ont déjà entamé le processus législatif afin d’intégrer des pratiques relatives à la transparence salariale, dont Terre-Neuve-et-Labrador (Pay Equity and Pay Transparency Act), la Nouvelle-Écosse (Bill 386 – Pay Equity and Pay Transparency Act) et l’Île-du-Prince-Édouard (Employment Standards Act). À titre d’exemple, la Pay Transparency Act de la Colombie-Britannique prévoit notamment que toute offre d’emploi annoncée publiquement doit préciser le salaire attendu, ou la fourchette salariale, le cas échéant. De même, cette loi protège contre les représailles les travailleurs britanno-colombiens ayant divulgué leur salaire et force les employeurs à rendre public un rapport annuel présentant les écarts de rémunération entre les employés hommes, femmes et personnes non binaires.
Au niveau fédéral, diverses législations prévoient des dispositions favorisant indirectement une certaine transparence salariale. À titre d’exemple, bien que la Loi sur l’équité salariale ait pour objet principal d’obliger les employeurs assujettis à mettre en place un plan d’équité salariale visant à corriger les écarts salariaux, une partie de ses dispositions participe aussi indirectement à une meilleure transparence salariale pour les membres du comité d’équité ayant été constitué et aux fins de l’exercice d’équité. Cela dit, il n’est alors pas question, à proprement parler, d’une réelle transparence requise par la loi.
À l’heure actuelle, et bien que certaines entreprises se dotent volontairement de telles pratiques, aucune législation fédérale portant spécifiquement sur la notion de transparence salariale n’est en vigueur. Cela étant, la transparence salariale fait l’objet de questions fréquentes pour les CRHA et les avocats en droit du travail, et il importera de suivre l’évolution de la législation fédérale aussi sur ce sujet.
L’équité salariale
La Loi sur l’équité salariale est en vigueur, et les employeurs fédéraux doivent déjà avoir procédé à la constitution de leur comité d’équité, à l’établissement de la valeur des emplois et à la mise en place de leur plan d’équité, et ce, depuis le 3 septembre 2024. Plusieurs employeurs fédéraux ont requis des prolongations de délai, et bon nombre se sont adjoint le soutien de cabinets juridiques et de firmes spécialisées en rémunération, l’exercice d’établissement du plan d’équité salariale étant complexe et passablement technique. Ils devront également effectuer un exercice de maintien dans cinq ans. Les employeurs fédéraux sont donc appelés à avoir et à conserver une structure de rémunération bien ficelée.