Le 16 avril 2024, le gouvernement fédéral a publié son budget de 2024 (le « Budget »)[1] lequel propose plusieurs modifications au Code canadien du travail (le « Code ») et à la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Le 2 mai 2024, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C-69 intitulé Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024 (Loi no 1 d’exécution du budget de 2024) (la « Loi d’exécution du budget »).[2]
Droit à la déconnexion
La Loi d’exécution du budget propose de modifier le Code en y ajoutant une nouvelle section obligeant les employeurs sous réglementation fédérale à établir et mettre à jour périodiquement une politique sur la déconnexion relativement aux communications liées au travail. La politique ne s’appliquerait pas aux employés qui sont exemptés de certaines dispositions sur les heures de travail en vertu du Code.
En vertu de la loi proposée, la politique devrait inclure :
- une règle générale concernant les communications liées au travail en dehors des heures de travail prévues;
- les attentes de l’employeur et toute possibilité pour les employés de se déconnecter;
- toute exception à la règle générale.
Les employeurs auraient l’obligation de consulter leurs employés dans le cadre de l’élaboration et de la mise à jour de leur politique et leur accorder un délai de 90 jours pour fournir leurs commentaires.
Cette section du Code ne s’appliquerait pas à un employeur dont les employés sont syndiqués si le syndicat et l’employeur s’entendent sur le fait que la convention collective satisfait aux exigences. En cas d’incompatibilité entre la politique et la convention collective, les dispositions de la convention l’emporteraient.
Les employeurs auraient un an à compter de la date d’entrée en vigueur de l’obligation pour élaborer une politique et auraient l’obligation de la mettre à jour tous les trois ans et en afficher une copie sur le lieu de travail. De plus, les employeurs auraient l’obligation de fournir une copie de leur politique à chaque employé dans les 30 jours suivant la date à laquelle elle commence à s’appliquer.
Travailleurs à la demande
Le Budget propose de modifier le Code afin d’améliorer la protection des travailleuses et travailleurs à la demande sous juridiction fédérale en renforçant les interdictions en lien avec la classification erronée d’employés (p. ex. traiter une personne qui est un employé comme un entrepreneur indépendant). Nous avons abordé plus en détails la question de ces modifications possibles dans un article précédent sur l’économie à la demande.[3]
Toutefois, les modifications proposées au Code dans la Loi d’exécution du budget semblent avoir un champ d’application plus large. Elles ajouteraient au Code une présomption selon laquelle toute personne qui reçoit une rémunération d’un employeur est un employé, à moins que l’employeur puisse démontrer le contraire. En outre, la Loi d’exécution du budget :
- érigerait en infraction le fait de traiter un employé comme s’il n’était pas un employé;
- permettrait aux employés de déposer une plainte s’ils estiment avoir été mal classés.
Le Budget prévoit également qu’Emploi et Développement social Canada (« EDSC ») et l’Agence du revenu du Canada concluront les ententes d’échanges de données nécessaires pour faciliter les inspections et l’application de la loi en ce qui concerne la classification erronée d'employés.
Modifications de nature technique
La Loi d’exécution du budget propose également plusieurs modifications de nature technique au Code, dont notamment :
- introduire un pouvoir réglementaire permettant d’établir un délai dans lequel un poste de représentant en matière de santé et de sécurité doit être comblé en cas de vacance et définir les termes « quart de travail » et « période de travail » pour l’application du Code;
- préciser que le délai pour mettre fin à une infraction au Code est laissé à la discrétion du chef de la conformité et de l’application;
- introduire des dispositions de clarification concernant le recouvrement d’un avis de cessation d’emploi et d’une indemnité de départ ainsi que la capacité du Conseil canadien des relations industrielles de rendre certaines ordonnances dans le contexte d’une plainte de congédiement injuste.
Loi sur l’équité en matière d’emploi
Selon les recommandations formulées dans le rapport du Groupe de travail sur l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi publié en avril 2023,[4] le Budget propose des modifications législatives visant à moderniser la Loi sur l’équité en matière d’emploi, notamment en élargissant les groupes désignés par l’équité en matière d’emploi.
Le Budget ne précisait pas les groupes désignés élargis. Toutefois, en décembre 2023, le gouvernement fédéral avait annoncé ses engagements initiaux visant à moderniser la Loi sur l’équité en matière d’emploi, qui comprenaient :
- la création de deux nouveaux groupes désignés : « personnes noires » et « personnes 2ELGBTQI+ »;
- le remplacement du terme « Aboriginal peoples » par « Indigenous peoples » dans la version anglaise de la Loi sur l’équité en matière d’emploi et la mise à jour de la définition du terme « autochtones » pour y inclure les Premières Nations, les Métis et les Inuits pour veiller à ce qu’elle soit conforme à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones;
- le remplacement du terme « personnes issues des minorités visibles » par « personnes racisées » et la mise à jour de la définition correspondante;
- l’harmonisation de la définition de « personnes handicapées » avec celle de la Loi canadienne sur l’accessibilité pour la rendre plus inclusive.[5]
Le 3 mai 2024, EDSC a annoncé qu’il menait des consultations sur la mise en œuvre de ces changements et a sollicité des commentaires sur l’état actuel de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et sur les moyens de l’améliorer. Les parties intéressées sont invitées à faire part de leurs commentaires jusqu’au 31 juillet 2024.
La Loi d’exécution du budget ne propose aucune modification à la Loi sur l’équité en matière d’emploi.
Prochaines étapes
Les modifications proposées s’accompagnent d’un soutien financier du gouvernement fédéral. Le Budget propose également de verser 3,6 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2024-2025, pour permettre au Programme du travail d’EDSC de mettre en œuvre ces modifications législatives proposées au Code.