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Une démarche d’intervention rigoureuse en cas de conflit

Les milieux travail comportent des dynamiques conflictuelles qui constituent de beaux défis pour les gestionnaires qui doivent gérer ces délicates situations. Comment maximiser l’efficacité de l’accompagnement offert par les CRHA et CRIA?
28 mars 2024
Marie-Josée Douville, CRHA, ECH, Distinction Fellow, Médiatrice accréditée
Ce texte a été publié en décembre 2008 et mis à jour par l’auteure en mars 2024

Reconnaissance des besoins

La première étape de l’accompagnement consiste à préciser et clarifier le besoin de la clientèle- gestionnaire. Il s’agit de saisir les besoins dérivés exprimés dans le discours et parallèlement, cerner les zones d’incertitude. À cette étape, le rôle joué par la ou le professionnel RH est stratégique : établir un mandat clair, tout en sensibilisant déjà la personne gestionnaire à l’engagement qui lui sera demandé tout au long de l’intervention. Il importe que la personne gestionnaire comprenne l’importance de demeurer flexible et d’avoir conscience que les besoins peuvent changer au fur et à mesure que la situation évoluera.

Clarification des rôles et des responsabilités

Une fois le mandat cerné et établi, il faut bien clarifier les responsabilités individuelles, à partir du rôle respectif de chacun, toujours dans l’optique de susciter l’engagement à l’action et à la responsabilité qui découlera des gestes posés.

Détermination des personnes concernées

Par la suite, il est nécessaire de déterminer, en collaboration avec la personne gestionnaire, les personnes concernées dans la situation conflictuelle. Il pourrait même être intéressant de produire un schéma graphique de la situation indiquant clairement à l’aide de flèches les personnes qui exercent ou subissent les pressions, le préjudice ou les représailles possibles selon les observations. Cet exercice permet de visualiser l’ampleur réelle de la situation.

Qualification du conflit

Une fois cet aspect réglé, il s’agit de qualifier le problème. Il est alors impératif d’établir s’il s’agit d’un conflit et d’en préciser la source. La réponse orientera l’intervention.

Source du conflit
Intervention proposée
Source du conflit : Conflit de pouvoir
Intervention proposée : On l’apprivoise.
Source du conflit : Conflit d’intérêts
Intervention proposée : On le négocie.
Source du conflit : Conflit de besoin
Intervention proposée : On le comble.
Source du conflit : Conflit d’opinion
Intervention proposée : On s’explique.
Source du conflit : Conflit de valeurs
Intervention proposée : On anime le respect mutuel.

Ce travail d’analyse peut paraître banal de prime abord, mais il permet d’établir une stratégie reposant sur des faits observables et mesurables en fonction des effets qui en découlent, plutôt que de structurer l’intervention sur les bases d’une simple perception ou d’une apparence de conflit.

Détermination des conséquences observées

De cette réflexion vient par la suite la détermination des effets du problème. Il faut être en mesure de ratisser large et de voir les conséquences possibles, au-delà de ce que le conflit offre présentement comme information. Ce qu’on connaît s’avère généralement la pointe de l’iceberg. Il faut maintenant découvrir tout ce qui se cache en dessous et qui, il ne faut pas se leurrer, est souvent plus important qu’il n’y paraît. Par la même occasion, cela nous permettra également de bonifier les pistes de solutions qui seront ultérieurement explorées.

Pour mettre en place une stratégie d’intervention efficace, il est primordial d’en définir la finalité. La ou le professionnel RH sera donc appelé à interroger la personne gestionnaire sur cet aspect à l’aide de questions comme:

  • Que voulons-nous obtenir comme résultat?
  • Que voulons-nous corriger?
  • Que tentons-nous de préserver?
  • Que cherchons-nous à observer?

Finalité recherchée

Il importe de comprendre les motifs qui amènent la personne gestionnaire à formuler ses réponses, afin d’arriver à le situer dans le conflit. Trop souvent, on néglige cette étape d’analyse et de planification au profit d’une intervention rapide ou irréfléchie. Dans ces cas, force est de constater que le résultat est souvent de courte durée, donnant droit à une petite accalmie et à la fausse perception d’une intervention réussie. Il faut donc porter une attention particulière au danger de vouloir accélérer le processus en oubliant de clarifier la difficulté rencontrée. Il s’agit d’une étape cruciale qui permettra de peaufiner une stratégie d’intervention afin que celle-ci permette de corriger la situation.

Mise en place d’une stratégie d’intervention

Celle-ci doit être flexible et prévoir diverses options. L’évaluation du degré de risque permettra d’établir le choix de la stratégie à adopter. C’est précisément à cette étape qu’intervient la responsabilité de la personne gestionnaire à l’égard du conflit à régler. Être responsable, c’est reconnaître qu’on a le pouvoir et la capacité de prendre des décisions, d’en assumer les conséquences, de demander de l’aide quand on en a besoin. La responsabilité amène la personne à intérioriser son rôle, c’est-à-dire à prendre le plein contrôle d’une situation : cesser de blâmer les autres pour assumer sa part de responsabilité concernant les mesures à prendre.

À cette étape, la ou le professionnel RH exerce un rôle-conseil. Elle ou il soutient la démarche et accompagne la personne gestionnaire dans son intervention. Il ne s’agit pas de lui dire quoi faire, mais de l’orienter dans la façon de s’y prendre. En d’autres termes, il faut responsabiliser la personne gestionnaire dans l’exercice de son leadership.

Établissement d’un échéancier

Il faut ensuite se fixer un échéancier réaliste. Le fait d’établir un calendrier d’intervention oblige la personne gestionnaire à s’y tenir. Il arrive que l’urgence du moment fasse en sorte que certains dossiers prioritaires passent au second plan. En matière de résolution de conflit, la cohérence et la constance importent dans ses actions et ses suivis. C’est pourquoi cet échéancier est un guide dans la stratégie. La ou le professionnel RH peut en même temps suivre l’évolution du dossier et maintenir son soutien auprès de la personne gestionnaire si elle ou il entrevoit des zones de difficulté dans l’application de la stratégie.

Mise en place d’une communication transparente

Le processus de communication est garant du succès de la démarche. Les communications doivent être honnêtes, transparentes et justes à l’égard de toutes les parties concernées.

La ou le professionnel RH doit donc vérifier l’habileté de la personne gestionnaire à établir une communication efficace. Si nécessaire, elle ou il doit l’outiller et concevoir avec elle des techniques (reflet, reformulation, questionnement, etc.) qui faciliteront ses interventions.

La qualité des communications pratiquées au travail détermine en grande partie l’atteinte des résultats. Lorsque la personne gestionnaire s’adresse aux parties concernées dans le conflit, elle doit être claire et concise. Il lui faut mettre l’accent sur le résultat souhaité et non sur la façon dont elle souhaite que ça se fasse. Il lui faut éviter de tenir un discours empreint de critiques, de reproches ou de menaces, mené par l’envie de vouloir un changement instantané! La critique n’amène jamais quiconque à modifier sa façon d’agir ou de penser. La personne gestionnaire qui se sert de la critique négative pour modifier les valeurs ou les comportements de ses collaboratrices et collaborateurs n’obtient généralement pas leur soutien.

Le rôle d’accompagnement de la ou du professionnel RH est donc d’une importance majeure à cette étape, car c’est souvent ici que le bât blesse. En effet, on a souvent affaire à une personne bien intentionnée, mais qui ne sait pas toujours comment livrer son message. De plus, la personne gestionnaire doit comprendre que son rôle en matière de gestion de conflit consiste à amener les parties à réfléchir sur la situation et à élaborer avec elles des pistes possibles de règlement. Questionner est un art qui s’apprend.

Participation des parties

Il faut rappeler à la personne gestionnaire de respecter, dans sa stratégie, la place à donner aux parties concernées dans la situation conflictuelle. Elle ou il doit les écouter afin de cerner avec elles la situation. Il ne s’agit nullement de décider laquelle des parties a raison, mais bien de s’entendre sur une réalité commune. À la limite, celle-ci pourrait consister à convenir qu’on ne voit pas la situation du même œil.

L’objectif est de trouver un point qui unit les parties, quel qu’il soit. Cet élément commun pourra même être puisé à l’extérieur du conflit s’il le faut (par exemple, deux parties s’entendent sur le fait qu’elles ne veulent plus retourner à la maison avec le poids de ce qu’elles vivent au travail). Il faut chercher à regarder dans la même direction pour pouvoir construire un avenir et préserver la relation.

S’il y a conflit, c’est en effet qu’il y avait initialement une relation. Il s’agit peut-être de la préserver, de la reconstruire ou d’y mettre fin. Quoi qu’il en soit, la solution ne devrait pas être imposée. La personne gestionnaire devra amener les parties à construire cette solution ensemble.

N’oublions pas qu’essentiellement, tout conflit organisationnel appartient à l’organisation. Il revient donc à la personne gestionnaire, par son rôle et ses responsabilités de gestion, de le régler. Il est aussi de son ressort de rappeler clairement l’attente organisationnelle, à savoir l’application du principe de tolérance zéro à l’égard de tels comportements au travail.

Suivis périodiques

Dans la pratique, il est très fréquent de constater qu’une fois la relation rétablie, on préfère passer à autre chose. Le suivi est souvent négligé dans une intervention de règlement en gestion de conflit. Ce qui fait qu’on évalue mal le risque de récidive. On doit se souvenir que les personnes demeurent encore fragiles et qu’il est possible que la solution privilégiée au départ ne soit pas la plus convenable. Les parties doivent reconnaître et accepter cette possibilité.

De plus, par ses suivis auprès de la personne gestionnaire, la ou le professionnel RH sera à même de suivre l’évolution du dossier et de maintenir son appui à la personne gestionnaire, voire à son équipe, si nécessaire. Elle ou il pourra ainsi revoir avec la personne gestionnaire la stratégie d’intervention ou l’accompagner dans la mise en place des solutions retenues. Il sera également possible d’évaluer l’émergence ou la recrudescence des conséquences qu’on associait au conflit au tout début.

Ces suivis lui permettront aussi de mettre en évidence l’apport positif de l’intervention de la personne gestionnaire à partir des résultats observés.

Après quelques mois, on pourra faire le choix de procéder à un diagnostic de climat organisationnel pour se donner des indicateurs précis de l’évolution de la situation, surtout si le conflit touchait un bon nombre de personnes.

Les contextes organisationnels d’aujourd’hui sont changeants et mouvants. Ils nécessitent de la flexibilité, de la constance et de la rigueur dans la façon d’aborder les situations difficiles. Il importe donc de développer chez les gestionnaires le réflexe de s’occuper rapidement d’un conflit de travail. Les gestionnaires pourront ainsi préserver un équilibre et une attitude positive tout au long de la démarche d’intervention.


Author
Marie-Josée Douville, CRHA, ECH, Distinction Fellow, Médiatrice accréditée Présidente, Associée - Enquêtrice certifiée et médiatrice accréditée Drolet Douville et Associés inc.

Marie-Josée Douville, CRHA, ECH, est enquêtrice certifiée en matière de harcèlement et médiatrice accréditée au sein de la firme Drolet Douville et Associés. Ses champs de compétence concernent le règlement de différends, le harcèlement psychologique au travail, le coaching de gestion, les diagnostics de climat et la gestion des conflits au travail. Bref, tout ce qui gravite autour du conflit et de l’accompagnement offert auprès des divers intervenants, tant patronaux que syndicaux. Elle est aussi coauteure du livre Comment gérer un employé difficile, paru aux Éditions Transcontinental inc., collection Entreprendre, en février 2004. Cet ouvrage à succès sera réédité par le même éditeur en 2023, dans la collection Les Affaires, avec l’ajout notamment d’un chapitre sur le courage managérial.