Introduction
Plus tôt cette année, par le dépôt du projet de loi C-19, également connu sous le nom de Loi d’exécution du budget de 2022[1], le Gouvernement fédéral a annoncé son intention, de manière conséquente avec les tendances qu’il est possible d’observer dans d’autres juridictions en matière de réforme du droit de la concurrence, de modifier à plusieurs égards la Loi sur la concurrence[2] afin d’en élargir la portée et de la renforcer.
Le 23 juin dernier, le projet de loi C-19 a été adopté. Ce dernier a reçu la sanction royale le jour même.
Certaines des modifications apportées à la Loi sur la concurrence sont entrées en vigueur dès la sanction royale, tandis que d’autres entreront en vigueur exactement un an après la date de la sanction royale, soit le 23 juin 2023.
À titre informatif, le Bureau de la concurrence a publié un Guide des modifications apportées en 2022 à la Loi sur la concurrence, lequel présente, à haut niveau, les différentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence. Le Bureau a également annoncé qu’il allait tenir une séance d’information publique en septembre au cours de laquelle des représentants du Bureau de la concurrence discuteront des récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence.
Certaines des modifications apportées à la Loi sur la concurrence auront des répercussions non négligeables sur les employeurs, et ce, peu importe s’ils relèvent d’une juridiction provinciale ou de la juridiction fédérale. Cet article propose un tour d’horizon de ces modifications.
Les modifications susceptibles d’avoir des conséquences significatives dans le monde du travail
L’une des modifications apportées à la Loi sur la concurrence a pour effet d’élargir la notion de complot criminel de manière à rendre illégales les ententes de fixation des salaires et les ententes de non‑sollicitation ou de non-embauche entre des employeurs non affiliés[3]. Par cette modification, le Canada suit le pas déjà emboîté par d’autres juridictions, dont les États-Unis.
Lorsque ces modifications entreront en vigueur, il deviendra criminel de faire des ententes avec d’autres employeurs non affiliés sur les salaires, les traitements ou les conditions d’emploi qu’ils accordent à leurs employés et de faire des ententes par lesquels ils s’engagent à ne pas solliciter ni embaucher leurs employés respectifs. Les employeurs qui prendront part à de telles ententes s’exposeront à des sanctions pouvant prendre la forme d’une amende, dont aucune valeur maximale n’est fixée par la loi, ou d’une peine d’emprisonnement dont la durée maximale est fixée à 14 ans, ou les deux[4].
Les employeurs qui prendront part à de telles ententes seront, au surplus, susceptibles de faire l’objet d’une poursuite en dommages-intérêts, qui pourrait, entre autres, prendre la forme d’une action collective par les personnes sur lesquelles ces ententes ont eu des effets préjudiciables[5].
Toutefois, comme c’est déjà le cas pour les autres infractions de complots, d’accords ou d’arrangements entre concurrents, il sera possible pour les employeurs de soulever une défense fondée sur les restrictions accessoires[6]. La défense fondée sur les restrictions accessoires, prévue au paragraphe 45(4) de la Loi sur la concurrence, prévoit que nul ne peut être déclaré coupable d’avoir pris part à complot, à un accord ou à un arrangement prohibé par la Loi sur la concurrence, s’il est démontré que le complot, l’accord ou l’arrangement, selon le cas, est accessoire à un accord ou à un arrangement plus large ou distinct qui inclut les mêmes parties, qu’il est directement lié à l’objectif de l’accord ou de l’arrangement plus large ou distinct et est raisonnablement nécessaire à la réalisation de cet objectif et que l’accord ou l’arrangement plus large ou distinct, considéré individuellement, ne constitue pas lui-même un complot, un accord ou un arrangement prohibé par la Loi sur la concurrence.
L’entrée en vigueur des modifications ayant des conséquences significatives dans le monde du travail
Ces modifications à la Loi sur la concurrence font partie des modifications qui entreront en vigueur exactement un an après la sanction royale, soit le 23 juin 2023[7]. Ce délai de grâce a pour but de permettre aux employeurs de procéder aux ajustements nécessaires pour se conformer à la loi.
Ce que les employeurs doivent retenir
D’ici l’entrée en vigueur des dispositions criminalisant les ententes de fixation des salaires et les ententes de non-sollicitation ou de non-embauche entre des employeurs non affiliés, les employeurs devraient revoir toutes leurs ententes avec d’autres employeurs non affiliés pour vérifier si certaines d’entre elles contiennent des clauses de fixation des salaires et des clauses de non-sollicitation ou de non-embauche de leurs employés respectifs et procéder aux changements qui s’imposent. Les employeurs devraient, au surplus, revoir toutes leurs méthodes et procédures pour s’assurer qu’ils ne s’engagent pas, dans le futur, dans des pratiques avec d’autres employeurs non affiliés qui pourraient être considérées comme des ententes de fixation des salaires ou de non-sollicitation ou de non-embauche ou toute autre pratique qui pourrait être considérée comme facilitant de telles ententes.
1 | L.C. 2022 c. 10 (ci-après « Loi d’exécution du budget de 2022 »). |
2 | LRC 1985, c. C-34 (ci-après « Loi sur la concurrence »). |
3 | Article 257 (1) Loi d’exécution du budget de 2022. |
4 | Article 257 (2) Loi d’exécution du budget de 2022. |
5 | Article 36 (1) Loi sur la concurrence. |
6 | Article 257 (4) Loi d’exécution du budget de 2022. |
7 | Article 275 Loi d’exécution du budget de 2022. |