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Gérer l’absentéisme, c’est au quotidien que ça se passe

L’histoire des congés de maladie est fortement liée à la montée de la vigueur du syndicalisme au Québec. L’après-guerre voit s’installer la réduction de la semaine de travail et l’ajout d’avantages tels des semaines de vacances, des congés de maladie et des régimes de retraite[1]. Dans le même ordre d’idées, les mouvements de défense des droits des femmes, de plus en plus présentes sur le marché du travail, jouent un rôle très important dans la revendication des congés de maladie.

18 octobre 2017
France Lefebvre, CRHA

Aujourd’hui, ces congés de maladie sont acquis et protégés par la Loi sur les normes du travail (LNT), les conventions collectives ou les politiques d’entreprise. Au Canada, on estime que l’absentéisme a coûté 16,6 milliards de dollars à l’économie en 2013[2]. Pourtant, l’enquête annuelle Tendances 2014 en rémunération et ressources humaines (Morneau Shepell, 2014) note que 64 % des employeurs ne font pas le suivi du coût des absences occasionnelles[3]. Sommes-nous trop permissifs?

L’article qui suit vous propose de placer la responsabilité de la gestion des absences ponctuelles de type répétitif, tels les « lundites », « vendredites » et « fériérites » ou les absences de courte durée et les retards, là où elle doit être, c’est-à-dire sur le terrain, dans le camp des gestionnaires de proximité.

La prémisse

De prime abord, si un membre du personnel est malade, l’objectif est qu’il prenne soin de sa santé, donc qu’il consulte un médecin afin de veiller à l’amélioration de sa situation, guérisse et revienne au travail en pleine forme.

Toutefois, les absences sont occasionnellement douteuses ou non reliées à la maladie. D’ailleurs, l’enquête Le vrai visage de l’absentéisme au travail (Morneau Shepll, 2015) note que 52 % des employés affirment que leur dernière absence n’était pas liée à un problème médical[4].

C’est cet absentéisme, qui constitue une faute de la part des employés, soit les absences sans motif ou pour des motifs qui se révèlent faux ainsi que les absences très fréquentes et abusives, que les gestionnaires de proximité doivent gérer avec rigueur et constance.

Le contrat de travail

Une notion de base dans la gestion de l’absentéisme renvoie au contrat de travail, qu’il soit individuel ou collectif.

En contrepartie de leur prestation de travail, l’employeur verse un salaire aux employés, ce qui crée le lien de subordination. Ainsi, en cas d’absence, ils ne remplissent pas leur partie du contrat. Le paiement de la rémunération par l’employeur lui donne pourtant le droit de s’attendre à une prestation de travail régulière. Si ce n’est pas le cas, il est en droit de se poser des questions.

Le fameux certificat médical

Gérez-vous les absences à coup de certificats médicaux? Une méthode facile qui procure un sentiment d’équité. Toutefois, le message que vos employés reçoivent est probablement que vous n’avez pas confiance en eux. Ce n’est pas très bon pour la mobilisation!

Accordez-leur plutôt à toutes et à tous le bénéfice du doute de prime abord. Cependant, lorsque vous doutez de la raison de l’absence d’une personne, vous pouvez exiger un certificat médical pour la justifier. Il doit être rempli par un médecin et comprendre les renseignements suivants :

  • La cause exacte de la maladie;
  • La durée;
  • Le pronostic;
  • Le traitement, s'il y a lieu;
  • La date du prochain rendez-vous, s'il y a lieu.

À titre de guide, vous devriez avoir besoin d’exiger un certificat médical dans environ 5 % des cas d’absence. Par exemple :

  • Une personne vous a menti et s’est fait prendre.
  • Une personne vous a dit qu’elle vous mentirait. Vous lui refusez un congé, et elle vous annonce que puisque c’est ainsi, elle va prendre un congé de maladie. Le matin du congé souhaité, un message sur votre boîte vocale vous informe qu’elle a une gastro et ne pourra pas travailler.
  • Vous avez noté un modèle récurrent dans les absences de cette personne.

Dans de tels cas, vous êtes en droit de douter de la véracité de la raison donnée pour justifier l’absence. N’hésitez à l’aviser qu’à son retour, il vous faudra un certificat médical dûment rempli par un médecin.

« Je n’ai pas à te dire pourquoi je suis absent, c’est personnel »

Ce n’est pas tout à fait comme ça que ça fonctionne! Il est généralement admis que l’employeur peut exiger de connaître la raison de l’absence des employés, d’autant plus si cette situation se présente souvent.

Il est toutefois possible que la personne refuse de communiquer la raison de son absence à sa superviseure ou à son superviseur.

Pour obtenir l’information, tout en respectant ce désir de confidentialité, la ou le gestionnaire de proximité pourra recommander cette personne à la professionnelle ou au professionnel RH, membre de l’Ordre, qui est soumis à un devoir de confidentialité. Ultimement, le médecin d’entreprise peut valider la nature incapacitante de la maladie et sa durée.

D’un point de vue pratique, il faut se rappeler que l’employeur a le droit de vérifier la légitimité des absences de son personnel. Ce droit devrait être utilisé à bon escient, c’est-à-dire quand il y a une raison de douter.

Les gestionnaires de proximité au cœur de la gestion quotidienne de l’absentéisme

Seuls les cas graves et les absences à long terme devraient se retrouver au service des ressources humaines, et selon la situation, plus précisément au service des relations du travail.

Gérer l’absentéisme, c’est d’abord gérer l’humain dans toute sa complexité. L’idéal, c’est de se tenir loin de la discipline qui risque fortement de nuire à la relation de confiance entre les gestionnaires et les employés. La discussion ouverte et sincère donnera de meilleurs résultats dans la majorité des cas.

Les gestionnaires de proximité doivent être en mesure de faire face à ces conversations difficiles et souvent délicates. Ils devraient d’abord s’inquiéter des raisons des absences des employés. Manquent-ils d’intérêt pour leur travail? Vivent-ils une situation personnelle problématique (séparation, maladie d’un enfant, etc.)? Une telle conversation doit reposer sur des faits. Il faut donc commencer par documenter les absences.

Une simple analyse permettra de repérer des modèles répétitifs, par exemple la gastro du lundi ou l’enfant fiévreux du vendredi matin, justement le lendemain de la partie de hockey hebdomadaire... Une fois solidement documentée, une discussion avec la personne concernée permettra de mieux comprendre la situation, de l’encourager à voir un médecin ou de s’organiser pour être au travail même les lundis, les vendredis et autour des jours fériés!

Pour être à l’aise dans ce type de conversation, les gestionnaires de proximité ont besoin d’outils et doivent connaître la taille de leur carré de sable. Quel type de questions peuvent-ils poser et jusqu’où peuvent-ils pousser l’exercice?

Il faut aussi prendre garde de ne pas donner de solutions. Quelle que soit la situation, c’est à la personne concernée qu’il revient de régler le problème. Le rôle des gestionnaires est de nommer la situation, d’amener les employés à réaliser que leurs absences ont des répercussions sur l’équipe et le climat de travail ainsi que de les laisser trouver les moyens pour qu’ils soient au travail. En fait, il s’agit de les responsabiliser.

Cette approche d’échange et de responsabilisation est beaucoup plus susceptible d’amener les employés à s’engager à corriger leur comportement. Dans la réalité, celles et ceux qui agissent de mauvaise foi sont plutôt rares. Toutefois, si nous devons en venir à la discipline, il faut se rappeler que le processus disciplinaire doit être mené jusqu’au bout pour qu’il soit crédible. Le choix du type d’intervention de gestion doit en tenir compte.

Conclusion

Les gestionnaires de proximité subissent les conséquences des problèmes liés aux absences, comme les retards de production ou les frustrations des autres membres de l’équipe. Ils ont aussi le pouvoir de communiquer les bons messages. Si les collègues constatent qu’il n’y a pas de conséquences à s’absenter, pourquoi faire des efforts?

Gérer l’absentéisme requiert de faire preuve de courage managérial. C’est plus facile quand on est bien outillé. Il nous appartient à nous, expertes et experts en ressources humaines, de voir à ce que les gestionnaires soient équipés pour faire face à ces situations difficiles en préservant la relation et la mobilisation.


Author
France Lefebvre, CRHA Formatrice-coach, consultante en développement organisationnel et gestion Technologia

Coach d’affaires certifiée, formatrice, conférencière et consultante axée sur la consolidation des compétences des gestionnaires d’équipe, France accompagne les clients de Fortuna depuis 2009. Elle est reconnue pour ses approches concrètes qui placent le gestionnaire de proximité au cœur du succès des organisations. Sa conviction profonde que chaque humain possède en lui les solutions à ses enjeux fait d’elle une coach qui insuffle le gout d’agir. Certifiée Profil NOVA, France a également co-écrit le guide pratique pour implanter des groupes de codéveloppement professionnel, Collaborer et agir | Mieux et autrement (2017).


Source :

Source : VigieRT, octobre 2017.

1 Rouillard, Jacques Pr. (2015). « Les jalons de l’histoire du syndicalisme québécois ». RevueDroits et libertés, 33(2), automne 2014.
2 Morneau Shepell, citant le Conference Board of Canada. Conférence « Pratiques exemplaires en gestion des absences et des invalidités ». Congrès de l’Ordre des CRHA, 2017.
3 Morneau Shepell, citant MS 14, L’enquêteTendances 2014 en rémunération et ressources humaines. Conférence « Pratiques exemplaires en gestion des absences et des invalidités ». Congrès de l’Ordre des CRHA, 2017.
4 Morneau Shepell, citant MS 2015, L’enquêteTendances 2014 en rémunération et ressources humaines. Conférence « Pratiques exemplaires en gestion des absences et des invalidités ». Congrès de l’Ordre des CRHA, 2017.