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Rendement insuffisant ou incompétence : pour congédier dans les règles de l’art

La marche à suivre pour mettre fin au lien d’emploi d’un salarié en raison de son rendement insatisfaisant ou de son incompétence est bien établie en jurisprudence.

13 février 2017
Danielle Gauthier, CRHA

En effet, depuis l’arrêt Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante1, avant de procéder à un congédiement de nature administrative pour l’un ou l’autre de ces motifs, tout employeur doit satisfaire aux exigences suivantes :

  1. le salarié doit connaître les politiques de l'entreprise et les attentes fixées à son égard;
  2. ses lacunes doivent lui avoir été signalées;
  3. il doit avoir obtenu le soutien nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
  4. il doit avoir bénéficié d'un délai raisonnable pour s'ajuster;
  5. il doit avoir été prévenu du risque de congédiement à défaut d'amélioration de sa part.

Ces exigences sont encore rigoureusement appliquées par la jurisprudence récente. Les exemples suivants nous permettent d’ailleurs de tirer quelques leçons concernant les meilleures pratiques à appliquer pour procéder à ce type de congédiement.

Exemples jurisprudentiels récents

Dans l’affaire Steward2, le Tribunal administratif du travail a annulé le congédiement pour incapacité à répondre aux exigences du poste d’un diplômé universitaire et chargé de projet en gestion environnementale. L’employeur ne lui avait pas réellement permis de démontrer sa capacité à répondre aux besoins de l’entreprise. De plus, il ne l’avait informé de ses lacunes qu’au moment de son congédiement, sans lui accorder de délai raisonnable ni lui fournir le soutien requis pour lui permettre de s’amender.

Dans l’affaire Bouasse3, la Cour supérieure a conclu que l’employeur n’avait pas démontré qu’il avait congédié son employé pour un motif sérieux (il s’agit ici d’un rendement insuffisant); en effet, ses lacunes et les attentes de l’entreprise à son égard ne lui avaient pas été formulées avec suffisamment de clarté.

À l’inverse, lorsque l’ensemble des critères énumérés ci-dessus sont respectés, le congédiement est généralement maintenu. Par exemple, dans l’affaire Ravaoarinoro4, l’employeur avait congédié la salariée en raison de son impossibilité à accomplir les tâches liées à son emploi. Le Tribunal administratif du travail a retenu qu’avant son congédiement, la plaignante avait reçu un soutien adéquat de l’employeur et avait été clairement avisée du risque de congédiement si elle n’améliorait pas sa performance au travail. En ce cas, le délai d’environ quatre mois donné par l’employeur à la plaignante pour s’améliorer a été jugé raisonnable5.

Considérations pratiques

Un nombre imposant de décisions sur ce sujet est publié chaque année. Les exemples récents illustrent bien qu’en matière de congédiement administratif pour cause de rendement insuffisant ou d’incompétence, tout employeur doit s’assurer de satisfaire l’ensemble des critères énoncés par la Cour d’appel dans l’affaire Costco. De plus, certains décideurs ajoutent que l’employeur doit démontrer qu’il a agi de bonne foi.

Dans de telles circonstances, il faut donc s’assurer de documenter soigneusement :

  • les moyens utilisés pour communiquer les politiques et attentes de l’entreprise à l’employé (courriels, mémos, accusés de réception, rencontres, etc.);
  • les démarches entreprises pour signaler ses lacunes à l’employé (quand, par qui, sujet discutés lors de rencontres, etc.);
  • les outils et moyens proposés ou mis à la disposition de l’employé pour qu’il puisse s’améliorer (formations, coaching, etc.);
  • les échéanciers convenus (plan d’amélioration de performance);
  • les véhicules par lesquels l’employé a été avisé du fait qu’à défaut de s’améliorer, son emploi était en péril (lettres, courriels, notes de rencontre, etc.).

1 2005 QCCA 788.
2 Steward et WSP Canada inc., 2016 QCTAT 2714.
3 Bouasse c. Gemme Canadienne P.A. inc., 2016 QCCS 1263.
4 Ravaoarinoro et Centre hospitalier de l'Université de Montréal 2016 QCTAT 2042.
5 Pour un autre exemple de cas de congédiement pour performance inadéquate maintenu, voir Breault c. Services Bombardier Aéronautiques ltée, 2016 QCTAT 11.


À propos de l’auteure

Me Danielle Gauthier, CRHA, est associée au sein du secteur Droit du travail et de l’emploi du bureau de Sherbrooke de Lavery Avocats. Elle conseille une clientèle majoritairement composée d’employeurs relativement à divers enjeux juridiques liés au droit de la santé, des relations du travail, de l’information, de la vie privée ainsi que de la santé et de la sécurité du travail. On peut la joindre par téléphone [819 346-8073] ou par courriel [dgauthier@lavery.ca].


Author
Danielle Gauthier, CRHA Avocate Lavery De Billy SRL
Me Danielle Gauthier, CRHA est associée et a développé une expertise en matière de droit de la santé, de relations de travail, d’information et de vie privée et de santé et sécurité au travail. Elle a acquis une solide expérience en représentation devant les tribunaux civils et administratifs. De plus, elle accompagne ses clients dans les modes alternatifs de règlement des litiges par la négociation et la médiation. Sa pratique s’étend aux institutions publiques et parapubliques et aux secteurs privé, de commerce de détail et manufacturier. Elle agit à titre de conseillère juridique auprès d’employeurs confrontés à des problèmes inédits de relations de travail engendrés par l’évolution des lois du travail qui créent des obligations en matière de droits de la personne, d’accommodement, de prévention du harcèlement et de responsabilité accrue visant la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Pendant 20 ans, Me Gauthier a agi comme chargée de cours à la Faculté de droit et au programme de maîtrise en droit de la santé de l’Université de Sherbrooke ainsi qu’au Barreau du Québec. Elle s’intéresse aux récents défis juridiques du monde du travail, aux règles d’éthique et de gouvernance, à l’impact des médias sociaux chez les employeurs, aux changements démographiques et à la mondialisation. Elle est médiatrice accréditée par le Barreau du Québec en médiation civile, commerciale et du travail. En 2017, elle a complété sa formation d’arbitre en matière civile et commerciale.