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Enquête ou médiation?

Lorsqu’un employé s’apprête à déposer une plainte pour harcèlement psychologique, faut-il privilégier l’enquête ou la médiation? Il n'est pas rare qu’un employé, lorsqu’il se sent blessé, qu’il éprouve des difficultés relationnelles avec un collègue ou avec son supérieur immédiat, se tourne vers le moyen le plus connu, c’est-à-dire vers la politique institutionnelle sur le harcèlement psychologique au travail.

7 décembre 2015

Or, des données récentes de la Commission des normes du travail (CNT) ont démontré que, sur les dix ans d’application de la législation en cette matière, « les cas de harcèlement psychologique représentaient 8,3 % du total des plaintes traitées à la CNT » (Etienne Plamondon Emond, Harcèlement psychologique au travail : bilan de dix années de mesures législatives, 2014).

Si la majorité des problèmes signalés ne constituent pas du harcèlement, comment guider les employés vers des modes de résolution alternatifs pour régler leurs conflits? Pour que ceux-ci aient le réflexe de se diriger vers des modes de solution adaptés à leur réalité conflictuelle, l’organisation devrait repenser ses processus internes et mettre en place diverses mesures soutenant l’évolution des pratiques actuelles vers de nouvelles pratiques. Voici, à titre d’exemples, des pistes d’action que certaines entreprises ont mises en place pour effectuer ce virage.

Les mesures à prendre par la haute direction

  • Mettre à jour la politique institutionnelle portant sur le respect ou le harcèlement psychologique en y incluant les modes de résolution alternatifs, comme la médiation, pour traiter les difficultés rapportées par les employés.
Indiquer dans la politique à qui s’adresser lorsqu’une demande d’accompagnement en résolution de conflit est formulée. Ce peut être une autre personne que le responsable de la politique institutionnelle sur le harcèlement psychologique.
  • Former un petit noyau d’intervenants de première ligne ou des «  pacificateurs », qui pourront répondre aux besoins des employés en matière de gestion des différends. Qu’ils soient professionnels en ressources humaines, délégués syndicaux, gestionnaires ou employés, ces intervenants sont reconnus par l’organisation pour intervenir en première ligne. Elles exercent un rôle de détection, de prévention et d’accompagnement auprès des employés qui cherchent à résoudre leurs difficultés, en clarifiant le besoin de l’employé, en le guidant pour amorcer un dialogue constructif avec son opposant ou en le dirigeant vers le mode de solution le mieux adapté.
  • Les actions à privilégier par les professionnels en ressources humaines, les gestionnaires et les délégués syndicaux

    • Communiquer et promouvoir les modes de prévention et de résolution des différends par l’entremise de capsules d’information, d’affiches, de vidéos ou d’autres moyens appropriés.
    • Signaler les situations à risque.
    • Appuyer les démarches de résolution de conflits qui sont proposées aux employés ou aux équipes de travail.

    Les actions à privilégier par les professionnels en ressources humaines

    • Accompagner les gestionnaires lorsqu’ils sont impliqués dans la gestion d’un climat difficile. Leur fournir des outils pour qu’ils puissent intervenir en amont des situations conflictuelles.
    • Faire les médiations nécessaires si leur rôle le permet.

    Les actions à privilégier par les gestionnaires

    • Agir en amont des conflits pour préserver un climat de travail agréable et respectueux.
    • Soutenir les employés dans leur quotidien.
    • Faciliter la résolution des conflits auprès des membres de leur équipe de travail.
    • Rechercher l’aide de professionnels ou d’experts lorsqu’ils font face à des conflits plus complexes, comme des conflits de clans.

    Et pourquoi privilégier la médiation plutôt que l'enquête?
    La médiation ne cherche pas à statuer s'il y a un coupable ou non : elle vise la résolution du problème présenté. S'il y a eu des paroles ou des gestes irrespectueux, plutôt que de chercher à punir l'une ou l'autre des parties, la médiation vise la réparation des blessures par un dialogue constructif. Il y a plusieurs avantages non négligeables à faire valoir lorsqu’on est appelé à mettre de l’avant ce mode de résolution. Entre autres, la médiation :

    • règle les problèmes relationnels à la base en restituant des modes de communication efficaces entre les parties;
    • offre un milieu sécuritaire pour des échanges constructifs et permet de rétablir les ponts de la communication nécessaire à la collaboration en milieu de travail;
    • mobilise les parties envers la résolution de leurs difficultés;
    • favorise l'engagement des parties envers les solutions conjointes qui sont convenues;
    • limite l'effet de contamination du conflit aux autres membres de l'équipe, parce qu'elle n'implique que les employés concernés;
    • est plus rapide que l'enquête;
    • coûte beaucoup moins cher que l'enquête.

    Vu sous cet angle, lorsqu'un employé s'apprête à déposer une plainte dans le cadre de la politique sur le harcèlement, plutôt que de se limiter à l’enquête, le premier réflexe devrait être de lui proposer une démarche de médiation. Si d’autres moyens de résolution, autres que la procédure d’enquête, figurent dans la politique institutionnelle, il sera beaucoup plus facile de faire la promotion de ces modes au sein de l’entreprise.

    Bonne réflexion!


    Ghislaine Labelle, CRHA, M. Ps., CSP (Certified Speaking Professional) est psychologue organisationnelle, conférencière et médiatrice accréditée chez Groupe Conseil SCO.  (www.ghislainelabelle.com; www.groupesco.com). Elle est l'auteure de deux ouvrages réputés sur les conflits : Agir comme médiateur pour rétablir la paix au travail et Comment désamorcer les conflits au travail. Elle aide diverses organisations dans les secteurs privé, public et parapublic à investir dans les modes de prévention et de résolution des différends pour rétablir la paix au travail.