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Rendement insatisfaisant – l’évaluation des solutions de rechange avant le congédiement

La Cour d’appel a confirmé il y a près de 10 ans, dans l’arrêt Costco[1], les critères à rencontrer avant de mettre fin à l’emploi d’un salarié pour cause de rendement insatisfaisant :

19 mai 2015
  1. Le salarié connaît les politiques de l’entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son égard;
  2. Ses lacunes lui ont été signalées;
  3. Il a obtenu le soutien nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
  4. Il a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster;
  5. Il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part.

Ces critères sont ainsi toujours appliqués par les tribunaux dans l’analyse de la décision de l’employeur de congédier un employé pour rendement insatisfaisant ou incompétence.

Deux décisions[2] rendues récemment soulèvent par ailleurs un enjeu additionnel en lien avec l’évaluation que devrait faire l’employeur avant de procéder au congédiement pour incompétence, soit celui des « solutions de rechange » pour éviter le congédiement. Cette question paraît préoccupante dans la mesure où certains prétendent que l’employeur devrait offrir au salarié incompétent un poste disponible qui correspondrait à ses compétences au lieu de mettre fin à son emploi.

Cet article aborde dans un premier temps la décision Commission scolaire Kativik, pour ensuite aborder sommairement la décision Centre de santé et de services sociaux de Saint-Jérôme.

1. La décision Commission scolaire Kativik

Les faits
Le syndicat a contesté le congédiement du plaignant ainsi que l’imposition d’un « plan d’amélioration personnelle » (ci-après : le « plan »).

Le plaignant a été embauché par l’employeur en 1998 pour occuper un poste de remplacement de secrétaire-réceptionniste à l’éducation des adultes. En 1999, il a obtenu un poste permanent de secrétaire à l’éducation des adultes et, finalement, en 2004, le poste de technicien en administration.

À titre de technicien en administration, il fut requis du plaignant, par son supérieur de l’époque, de mettre à profit son expérience de vie afin de travailler sur un projet intitulé « Job Skills Plus ». Il accompagnait alors le conseiller pédagogique dans les communautés où il donnait des ateliers. Il est évident que ces tâches s’éloignaient considérablement des fonctions normales d’un technicien en administration.

En octobre 2013, une nouvelle directrice de l’éducation des adultes a été embauchée par l’employeur. Celle-ci rencontra le plaignant afin de réviser sa description de tâches ainsi que de discuter de nouvelles tâches qui pourraient lui être assignées.

Malgré diverses rencontres avec le plaignant ayant pour but de le soutenir dans l’exécution de ses tâches, la directrice a constaté que son rendement demeurait insatisfaisant. C’est à ce moment qu’il a été convenu d’adopter le plan. L’employeur décida de ne pas demander l’appui du syndicat dans cette démarche étant donné qu’il s’agissait d’un processus administratif.

À la suite de l’établissement du plan, plusieurs rencontres ont eu lieu entre l’employeur et le plaignant. Par contre, l’employeur a noté qu’il n’y avait aucun progrès quant aux objectifs fixés dans le plan. En juillet 2014, l’employeur a informé le plaignant qu’il pourrait mettre fin à son emploi si ce dernier ne parvenait pas à compléter son plan avec succès. Aussi, il lui a offert la possibilité d’intégrer un poste de réceptionniste et lui a demandé de lui donner la réponse quant à cette offre au courant de la même semaine.

Lors d’une autre rencontre, le plaignant a refusé le poste de réceptionniste et soutenu qu’il désirait continuer avec le plan. Après quelques rencontres supplémentaires, l’employeur a mis fin à l’emploi du plaignant en raison de son incapacité à remplir les fonctions de technicien en administration.

L’argumentation des parties
Le syndicat a souligné que le plaignant bénéficiait d’un statut de salarié permanent et, donc, d’une sécurité d’emploi. Ce dernier a occupé son poste une dizaine d’années sans que l’employeur ne lui ait fait aucun reproche.

De plus, le syndicat a affirmé que l’employeur avait décidé d’attribuer de nouvelles tâches au plaignant sans lui fournir de formation à cet égard. Aussi, il a rappelé que l’employeur ne pouvait préciser si c’était l’attitude ou la compétence du plaignant qui lui avait permis de conclure que le plan revêtait toutes les caractéristiques d’une entente de dernière chance. Ainsi, le syndicat a affirmé que l’employeur n’avait pas respecté les conditions prévues à la convention collective en imposant le plan au plaignant.

D’autre part, selon le syndicat, l’employeur n’avait pas satisfait les critères qui doivent être considérés afin qu’un congédiement administratif pour incompétence soit maintenu.

Quant à l’employeur, celui-ci a affirmé que le plan n’était pas une entente de dernière chance, mais plutôt l’exercice de son droit de gérance. L’employeur a soutenu qu’il était en droit de faire évoluer le poste du plaignant selon ses besoins.

L’employeur a rappelé que la notion d’incompétence inclut les situations de changement de tâches d’un salarié qui ont pour conséquence de le rendre inapte à exercer ses fonctions. Il a reconnu avoir l’obligation de permettre au salarié d’exécuter convenablement sa prestation de travail en lui fournissant les outils nécessaires et en le supervisant adéquatement.

Finalement, l’employeur a soutenu avoir rempli les critères relatifs à un congédiement pour incompétence tels que définis par la jurisprudence.

La décision
Le tribunal d’arbitrage a premièrement dû qualifier la mesure prise par l’employeur à savoir s’il s’agissait d’un congédiement disciplinaire ou administratif. L’arbitre en est venu à la conclusion qu’il s’agissait bien d’un congédiement administratif lié au manque de compétence du plaignant. À cet égard, l’arbitre a donc dû déterminer si la mesure, soit le congédiement, était abusive, discriminatoire ou de mauvaise foi.

Il est à noter dans ce dossier que l’employeur avait accordé au plaignant un titre d’emploi ne correspondant pas aux tâches effectuées par ce dernier et, au surplus, rien dans la preuve ne démontrait qu’il n’était pas satisfait des services du plaignant à ce moment. Par contre, au fil des ans, les besoins de l’employeur ont évolué et ce dernier a demandé au plaignant d’accomplir de nouvelles tâches qui correspondaient d’ailleurs à son titre d’emploi.

Lors de l’arrivée d’une nouvelle directrice, celle-ci a rapidement noté qu’il existait un problème sur le plan de la productivité du plaignant. C’est dans ce contexte que le plan avait été mis en place. L’arbitre s’est dit d’avis que les objectifs fixés au plan et les moyens pour les réaliser étaient réalistes. De plus, l’employeur avait bien informé le plaignant quant aux objectifs poursuivis ainsi qu’aux conséquences possibles dans le cas d’un échec à les atteindre.

Cependant, la preuve a révélé que le plan n’apportait aucun résultat et que le plaignant était incapable de faire le travail de technicien en administration. L’employeur offrit alors au plaignant un poste de réceptionniste, offre pour laquelle le plaignant devait fournir une réponse dans un délai de trois (3) jours.

L’arbitre a retenu que le plaignant avait plusieurs années de service chez l’employeur et qu’il bénéficiait d’une sécurité d’emploi. L’employeur avait donc l’obligation de réaffecter le plaignant dans des tâches moins exigeantes. L’arbitre a mentionné à ce sujet :

« [126] Le tribunal estime que l’employeur avait l’obligation, devant l’impossibilité d’améliorer la productivité du plaignant dans sa fonction actuelle, de le “réaffecter dans des tâches moins exigeantes”, d’autant plus que les problèmes de productivité du plaignant n’étaient pas causés par une diminution de ses capacités. »

(Notre soulignement)

Le problème de productivité n’était pas causé par une diminution des capacités du plaignant, mais plutôt par la conséquence de décisions prises par l’employeur au fil des ans. Le tribunal s’est donc dit d’opinion que, dans ces circonstances, il était déraisonnable d’exiger du plaignant une réponse quant au poste de réceptionniste dans un délai de trois (3) jours.

De plus, l’arbitre a signalé qu’en omettant d’impliquer le syndicat dans le dossier, l’employeur s’était privé d’un outil de gestion. En effet, il aurait été utile de se faire un allié du syndicat afin de satisfaire à son obligation de trouver une solution de remplacement au congédiement.

En conclusion, le tribunal s’est dit d’avis que le congédiement constituait une mesure abusive en raison du fait que l’employeur a failli à son obligation de trouver une solution de remplacement raisonnable. Le congédiement a été annulé.

2. La décision Centre de santé et de services sociaux de Saint-Jérôme

Compte tenu des critères relatifs à la présente publication, nous nous limitons à vous soumettre certains enjeux soulevés par l’arbitre dans ses motifs. Cette décision a été rendue dans un contexte où l’employeur avait mis fin à l’emploi du plaignant pour cause de rendement insatisfaisant, une fin d’emploi contestée par celui-ci. Ce congédiement est survenu dans un contexte où le plaignant comptait 25 ans d’ancienneté, dont les 2 dernières années avaient été consacrées au travail dans un programme particulier.

Dans sa décision, de près de 130 pages, l’arbitre en est venu à la conclusion que l’employeur n’avait pas respecté tous les cinq critères de l’arrêt Costco mentionnés précédemment. Cependant, l’arbitre a continué son analyse et souligné que :

« [887] Par ailleurs, même si, et je dis bien si, le Tribunal convenait que toutes ces exigences avaient été complétées par l’Employeur, il doit tout de même s’assurer comme le dit la Cour d’appel, qu’“aucune autre solution de rechange n’était possible” ou acceptable dans les circonstances. »

De l’avis de l’arbitre, l’employeur aurait donc dû, compte tenu notamment de l’ancienneté du plaignant, évaluer de telles solutions de rechange. Cette solution aurait notamment pu, selon l’arbitre de donner une dernière chance au plaignant. L’Arbitres annule donc le congédiement et ordonne la réintégration du plaignant. De plus, dans ces conclusions, en cas d’impossibilité de réintégrer le plaignant dans ses fonctions pour le programme auquel il était affecté, l’arbitre ordonne à l’employeur de trouver une alternative au congédiement du plaignant.

Celles-ci pourraient-elles inclure la possibilité de lui offrir un emploi correspondant à ses capacités? En l’absence de clause spécifique au contrat de travail ou à la convention collective, cette question devrait à notre avis être répondue par la négative.

Conclusion
Ces décisions ont été rendues dans des contextes particuliers, les salariés bénéficiant de conditions de travail particulières prévues à la convention collective et dans les deux cas, bénéficiant d’une ancienneté relativement importante.

L’employeur ne devrait pas se voir imposer l’obligation de trouver une solution de rechange telle que de trouver un poste correspondant au niveau de compétence d’un employé aux prises avec un problème de rendement. La mention de la Cour d’appel, dans l’arrêt Costco, de l’« évaluation de solution de rechange » devrait s’inscrire et se limiter au contexte des cinq critères établis par la Cour.

Par contre, plusieurs autres décisions ont cependant confirmé l’obligation de l’employeur, dans les cas où le salarié est à l’emploi depuis de nombreuses années, de le réaffecter dans un poste moins exigeant.

Source : VigieRT, mai 2015.


1 Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante, 2005 QCCA 788.
2 Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre de santé et de services sociaux de Saint-Jérôme, 2014 QCTA 798; Association des employés du Nord québécois et Commission scolaire Kativik, 2015 QCTA 247.