Il dresse un portrait des conditions d’admissibilité permettant de bénéficier du congé pour obligations familiales prévu à l’article 79.7 de la Loi sur les normes du travail (la « L.N.T. »). Tel que nous le verrons, le droit de s’absenter pour des raisons familiales n’est pas absolu.
Cette disposition prévoit qu’un employé pourra s’absenter de son travail, sans rémunération, 10 jours par année afin de remplir des obligations relatives, entre autres, à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint. À cette fin, l’employé devra en aviser l’employeur le plus tôt possible et prendre des moyens raisonnables dans le but de limiter la prise et la durée du congé. Il pourra être fractionné en journées, lesquelles pourront également être fractionnées si l’employeur y consent.
À titre de remarque préliminaire, il est utile de rappeler que ce congé pour obligations familiales est à la disposition des employés qui ont des enfants pour « des situations ponctuelles et occasionnelles », et non pas pour leur permettre de bénéficier d’un nouvel horaire de travail[1]. Ce congé ne saurait toutefois être limité uniquement aux situations imprévues, hors du contrôle des parents ou pouvant être qualifiées d’urgentes. Par exemple, a été considéré comme un congé pour obligations familiales valide le fait qu’une mère doive s’absenter de son travail pour assister à une réunion de parents à l’école de son enfant[2].
CONDITIONS D’ADMISSIBILITÉ
Dans une décision récente[3], la Commission des relations de travail (la « C.R.T. ») rappelle les conditions d’admissibilité permettant de bénéficier du congé pour obligations familiales prévu à la L.N.T. Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l’employé, lequel doit démontrer qu’il :
- s’est absenté du travail 10 jours ou moins par année;
- le fait pour remplir des obligations liées à la garde, à la santé à ou l’éducation de son enfant;
- a avisé son employeur le plus tôt possible de cette absence et;
- a pris les moyens raisonnables pour limiter la prise et la durée de cette absence.
Le défaut de se conformer aux conditions d’admissibilité pourra faire en sorte que le congé ne soit pas protégé par la L.N.T., empêchant dès lors l’employé de bénéficier de la mesure de protection prévue à l’article 122 de la L.N.T.
a) Première condition d’admissibilité : l’absence doit être de 10 jours ou moins à l’intérieur d’une même année
Dans une décision arbitrale, l’arbitre a eu à se prononcer sur la signification du terme « année » mentionné à l’article 79.7 de la L.N.T. Après une revue des méthodes d’interprétation juridiques proposées par les parties, il en est venu à la conclusion que le législateur fait référence à la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre de chaque année, rejetant ainsi la prétention de l’employeur selon laquelle elle signifiait plutôt une période de douze mois consécutifs ayant comme point de départ la première absence[4].
Le deuxième alinéa de l’article 79.7 de la L.N.T. prévoit que le congé peut être fractionné en journées et que celles-ci pourront également être fractionnées à condition que l’employeur y consente. La question du fractionnement fait l’objet d’une maigre jurisprudence. Il en ressort néanmoins que, dans tous les cas, le fractionnement est permis uniquement si l’employeur y consent[5].
b) Deuxième condition d’admissibilité : les obligations à remplir doivent être liées à la garde, à la santé ou à l’éducation de l’enfant
À cet égard, la jurisprudence souligne l’importance d’énoncer les raisons motivant la demande d’absence. Afin de pouvoir bénéficier de l’application de l’article 79.7 de la L.N.T., un employé ne peut uniquement alléguer un motif personnel. Il est tenu d’informer son employeur des motifs qui justifient son absence. La jurisprudence reconnaît que permettre aux salariés de s’absenter du travail, sans être tenus de préciser au préalable les raisons de leurs absences, pourrait engendrer de nombreux abus, que les directions des entreprises ne sauraient être obligées de subir[6].
Par ailleurs, l’employeur est en droit de s’assurer que le parent demande un tel congé pour remplir des obligations liées à la garde, à la santé ou à l’éducation de l’enfant, tel que l’indique la loi. En effet, un parent ne pourrait demander un tel congé pour une activité de loisir avec son enfant (p. ex., un tournoi de hockey).
Dans l’affaire Unifor, section locale 183 (SCEP SECTION LOCALE 183) c. Produits forestiers Temrex (Usine Nouvelle)[7], l’employé ne veut pas donner à son employeur les raisons motivant sa demande de congé pour obligations familiales. Selon lui, il s’agit de sa vie privée et les raisons au soutien de sa demande de congé ne concernent personne, ni même l’employeur. Ce dernier refuse d’autoriser son absence.
L’arbitre a confirmé le devoir de l’employé de fournir les raisons au soutien d’une demande de congé pour obligations familiales. Il a affirmé que « [l]es dix journées prévues à la L.N.T. ne sont pas des journées où le salarié peut prendre congé à ses frais. Il faut que ce congé soit nécessaire pour le salarié afin de remplir ses obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant […]. Il est donc nécessaire que le salarié informe l’employeur des raisons qui motivent sa demande de congé […]. »
c) Troisième condition d’admissibilité : l’employé doit aviser son employeur le plus tôt possible
La jurisprudence nous donne des exemples de ce qui constitue un avis donné « le plus tôt possible » à l’employeur. Par exemple, la C.R.T. a reconnu qu’un parent ayant avisé son employeur de son absence le matin même où il apprend que la gardienne ne pourra garder son enfant a avisé son employeur « le plus tôt possible ». Il en est de même pour l’avis donné le matin même de la journée où le parent doit prendre un rendez-vous médical d’urgence pour son enfant, compte tenu de l’état de santé de ce dernier[8].
A contrario, dans une affaire où un employé est arrivé 15 minutes en retard en raison de la maladie de sa conjointe et où il a expliqué la situation à sa supérieure dès son arrivée au travail, la C.R.T. a refusé de considérer que l’employeur avait été avisé « le plus tôt possible ». En effet, selon elle, rien n’empêchait l’employé d’aviser son employeur avant d’être en retard puisqu’il se trouvait chez lui, en train de surveiller l’état de santé de sa conjointe[9].
En somme, il ressort de la jurisprudence qu’un employé désirant bénéficier d’un congé pour obligations familiales doit informer son employeur de son intention de s’absenter dès que les motifs justifiant son absence prennent naissance ou dès qu’il a connaissance de ceux-ci, et autant que possible, avant le début de la journée de travail affectée.
d) Quatrième condition d’admissibilité : l’employé doit prendre les moyens raisonnables pour limiter la prise et la durée du congé
La L.N.T. n’impose pas à l’employé de prendre « tous » les moyens raisonnables pour limiter la prise et la durée du congé, mais « les » moyens raisonnables pour les limiter.
La jurisprudence reconnaît qu’un employeur n’a pas à supporter la volonté arrêtée et inflexible d’un employé de ne considérer aucune autre solution de rechange généralement utilisée dans notre société pour la garde de ses enfants que celle de demander l’aide de sa famille immédiate. Se limiter à un cercle aussi restreint de personnes en mesure d’assumer la garde de ses enfants lorsqu’un employé doit se présenter au travail selon son horaire est loin d’être un moyen raisonnable pour limiter la prise d’un congé pour obligations familiales[10].
Des amis, une liste de gardiennes, le service de garde de l’école, la garderie, un oncle ou une tante, un voisin que l’on connaît bien : bref, l’employé doit démontrer une réelle volonté de trouver des solutions de rechange pour limiter ses absences et leur durée.
CONCLUSION
Personne ne peut contester qu’il est légitime que des parents souhaitent consacrer le plus de temps possible à leurs enfants. Toutefois, le droit de s’absenter pour des raisons familiales n’est pas absolu.
Le législateur a assujetti le droit au congé pour obligations familiales aux conditions décrites ci-haut. Lorsque celles-ci sont respectées, l’employé en question pourra bénéficier d’un congé sans solde pour remplir les obligations découlant de la garde, de la santé ou de l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint.
La règle générale veut qu’un employé n’ait pas l’obligation de fournir de pièces justificatives pour motiver sa demande de congé pour obligations familiales. Dans certains cas, tels que le retard d’une gardienne par exemple, une telle pièce justificative peut d’ailleurs être très difficile, voire impossible à fournir. Toutefois, si l’employeur a des motifs raisonnables de douter de l’honnêteté de l’employé, ou dans un contexte d’absentéisme ou de retards excessifs, il sera alors justifié de lui demander une telle preuve.
Afin de faciliter la gestion des demandes de congé pour obligations familiales, il est recommandé de les documenter. Non seulement cela vous permettra de vous assurer que les conditions d’admissibilité sont respectées, mais cela vous aidera, au surplus, à déceler les situations d’abus.
Comme certains employeurs le font présentement, il est possible de créer un formulaire que devra remplir l’employé au retour de son absence, lequel reprendra en quelque sorte les conditions d’admissibilité prévues à l’article 79.7 de la L.N.T. Par exemple, les questions suivantes pourraient y figurer : « Quels moyens avez-vous pris pour éviter de devoir vous absenter? » et « Quels moyens avez-vous pris pour limiter le plus possible la durée de votre absence? »
Par ailleurs, si votre entreprise est syndiquée, il sera primordial de vérifier si la convention collective applicable contient des dispositions sur la prise de ce type de congé ou sur la durée minimale du fractionnement de celui-ci.
Source : VigieRT, avril 2015.