La stratégie du Canada pour les talents en IA
Face à l’adoption rapide de l’IA, les différentes parties prenantes canadiennes choisissent une approche proactive pour rester compétitives dans la course mondiale aux talents. Elles investissent massivement dans l’éducation et la formation pertinentes par l’entremise d’établissements comme l’Institut Mila à Montréal et l’Institut Vecteur à Toronto. Parallèlement, le Canada tente de renforcer son expertise en matière de sécurité et d’éthique en IA, se positionnant ainsi comme un chef de file dans le développement responsable de cette industrie.
Tandis que la demande d’expertise en IA augmente, de plus en plus de talents canadiens aux compétences très recherchées travaillent à distance pour des firmes internationales. Cette évolution oblige les employeurs locaux à repenser leur approche de la rémunération. Des salaires compétitifs ne suffisent plus; les organisations doivent offrir une rémunération globale attrayante qui inclut des avantages sociaux, de la flexibilité et des perspectives de carrière à long terme.
Une pénurie de spécialistes de l’IA
La demande de talents en IA dépasse largement l’offre, une tendance qui reflète les évolutions passées dans le domaine des technologies. Des tendances similaires ont été observées dans des secteurs comme la cybersécurité, où les analystes en finance et en technologies ont vu leurs salaires augmenter considérablement après 2020 en raison des risques de sécurité accrus liés au télétravail. De même, les secteurs des jeux vidéo et des effets spéciaux ont connu des augmentations de salaire spectaculaires il y a vingt ans, car les besoins en talents spécialisés étaient supérieurs à la main-d’œuvre disponible. L’IA connaît aujourd’hui le même phénomène, avec des salaires qui grimpent à mesure que les organisations de différents secteurs se disputent un bassin limité de talents.
Concentration des talents en IA
Selon Normandin Beaudry, ces talents se retrouvent principalement dans les organisations spécialisées en IA ainsi que dans trois catégories sectorielles clés : hautes technologies, finance et assurance, services professionnels, scientifiques et techniques. Bien que les chiffres exacts ne soient pas encore déterminés, les données préliminaires suggèrent que la plupart des talents en IA sont concentrés dans ces secteurs.
Tendances salariales : des écarts importants pour les rôles liés à l’IA
Les talents en IA obtiennent d’importantes majorations de salaire. Des données issues de l’enquête de rémunération globale de Normandin Beaudry, remun, montrent que les salaires pour les rôles en IA dans les organisations spécialisées dans ce domaine sont, en moyenne, 30 % plus élevés que pour des fonctions comparables dans d’autres secteurs. Même dans les secteurs non axés sur l’IA, les talents qui ont une expertise pertinente en IA gagnent 15 à 20 % de plus que leurs homologues occupant des emplois de même niveau.
Dans tous les secteurs, les salaires des rôles liés à l’IA dépassent systématiquement ceux des fonctions en technologies de l’information (TI) et hors TI. Bien que les talents en TI gagnent généralement 5 à 10 % de plus que les membres du personnel hors TI, leurs salaires demeurent inférieurs à ceux des talents en IA, ce qui confirme la grande valeur accordée à ce domaine d’expertise sur le marché de l’emploi actuel.
Au-delà du salaire : le portrait de la rémunération globale
Pour attirer et fidéliser les talents en IA, les organisations offrent plus que des salaires compétitifs. Les stratégies de rémunération dans les secteurs de pointe comme les hautes technologies, la finance et l’assurance, et les services professionnels, scientifiques et techniques vont au-delà de la rémunération pour inclure des avantages sociaux bonifiés, des initiatives axées sur l’équilibre entre le travail et la vie privée, et d’autres mesures incitatives.
L’édition 2024 de l’enquête remun a également révélé que ces organisations investissent dans la mobilisation du personnel, 36 % d’entre elles menant fréquemment des sondages de satisfaction, ce qui est bien supérieur à la moyenne de 23 % observée, tous secteurs confondus.
L’équilibre entre le travail et la vie privée est un autre facteur clé des stratégies de rémunération pour les postes en IA. Plus de 80 % des organisations qui se font concurrence pour attirer les talents en IA dans les secteurs de pointe mettent l’accent sur cet équilibre dans leur proposition de valeur au personnel, ce qui est nettement plus élevé que la moyenne intersectorielle de 69 %. En outre, 88 % d’entre elles fournissent des services de télémédecine, contre 75 % pour l’ensemble des secteurs. Certaines organisations remboursent même les frais liés à l’activité physique, un avantage offert par 24 % des organisations dans ces secteurs, contre 17 % pour l’ensemble des secteurs.
Les congés payés sont un autre élément distinctif de ces secteurs. Le personnel en début de carrière (entre un et dix ans d’expérience) a droit en moyenne à 18 jours de vacances, contre 15 jours pour l’ensemble des secteurs. De plus, 70 % de ces organisations tiennent compte de l’expérience professionnelle antérieure dans l’attribution des congés, ce qui les rend plus attrayantes pour les talents chevronnés.
L’assurance maladie et les prestations de retraite sont également plus solides dans les secteurs prédominants en IA. En finance et assurance, 78 % des organisations proposent des régimes flexibles d’avantages sociaux, soit plus du double de la moyenne de 36 % pour l’ensemble des secteurs. Également, 72 % d’entre elles proposent des comptes de remboursement de soins de santé, ce qui dépasse largement les 42 % enregistrés dans tous les secteurs confondus. Par ailleurs, les employeurs en hautes technologies cotisent en moyenne l’équivalent de 4,4 % du salaire de leur personnel à des régimes de retraite, contre 4 % en moyenne pour l’ensemble des secteurs, ce qui représente un écart de 10 %.
Tendances en recrutement : la demande croissante de talents en IA
Comme les organisations intègrent de plus en plus l’IA dans leurs opérations, la demande pour ces rôles continue d’augmenter. Cette tendance devrait persister à mesure que les organisations cherchent à développer leurs capacités en matière d’IA. Mais pour les organisations qui tirent de l’arrière dans cette course aux talents, l’attraction des meilleurs pourrait devenir plus ardue, en particulier si les écarts de rémunération se creusent. En outre, à mesure que l’adoption de l’IA se répand, la pression à la hausse sur les salaires et la rémunération globale pourrait s’étendre au-delà des secteurs fortement axés sur l’IA et influencer le marché du travail dans son ensemble.
Compte tenu de la pénurie actuelle de talents, ces défis ne sont pas près de s’estomper. Les employeurs doivent trouver un juste équilibre : offrir une rémunération globale attrayante tout en veillant à ce que les coûts à long terme restent soutenables.
Agilité stratégique : la clé du succès à long terme
Les organisations qui espèrent rester compétitives dans un marché de talents piloté par l’IA doivent faire preuve d’agilité dans leur approche de la rémunération. À court terme, rajuster les structures salariales, bonifier les avantages sociaux ou ajouter de nouvelles mesures incitatives peut aider à attirer les meilleurs talents en IA. Mais à long terme, le succès ne dépend pas seulement des récompenses monétaires. Les organisations qui investissent dans le développement de carrière, qui favorisent une culture organisationnelle solide et qui offrent des possibilités de travail intéressantes, seront plus aptes à fidéliser les talents en IA. L’influence de l’IA sur le marché du travail et la rémunération n’a pas encore montré toute son ampleur, mais il est de plus en plus clair que les organisations qui ne s’adaptent pas à cette dynamique changeante risquent d’être laissées pour compte.
- 2024 Midyear Global Outlook, Waves of transformation, BlackRock Investment Institute, 2024.