En mars 2020, le monde tel que nous le connaissions a vécu sa pire crise sanitaire d’ampleur mondiale, nous rappelant ainsi la pandémie grippale qui s’est répandue dans les années 1920.
Un coupable est connu : le nouveau coronavirus; la Covid-19. Ce virus a chamboulé le monde, sa propagation étant accélérée par la mondialisation. De fil en aiguille, l’économie mondiale s’est trouvée très affectée, et le Québec ne fut pas en reste : notre économie a été mise sur pause et tout a fermé, y compris les frontières, donnant au passage une gifle aux alliances régionales (ALENA, Union européenne et autres).
Le gouvernement canadien a fermé ses frontières aux étrangers. Au Québec, la pandémie nous a permis de constater les dysfonctionnements de notre système de santé, ainsi que notre dépendance et celle de notre économie vis-à-vis des travailleurs étrangers (agriculture, soins aux aînés). Le Canada a toujours été une terre d’immigration et de mélange des peuples; la pandémie a confirmé la nécessité de cet état de choses. Conséquence de la crise, le plan d’immigration du Canada, qui devait accueillir 341 000 immigrants reçus en 2020, ne sera pas atteint. Selon un rapport de la Banque Royale, nous prévoyons atteindre 70 % de cette cible à la fin de l’année, mais au cours des six premiers mois de 2020 le Canada n’a autorisé l’entrée au pays qu’à 103 420 résidents permanents[1].
Dans les mois à venir, la mise à l’arrêt du traitement des demandes d’immigration va creuser l’écart par rapport à l’objectif visé – surtout qu’il faut plusieurs mois pour traiter les demandes d’immigration des travailleurs étrangers (jusqu’à 9 mois en général). Les répercussions sur l’économie ne se feront pas attendre : avant de reprendre notre rythme d’avant la pandémie, nous allons ressentir un manque important de main-d’œuvre étrangère.
La pandémie a cependant redistribué les cartes des besoins en main-d’œuvre. De nouveaux secteurs seront en pénurie de main-d’œuvre (santé, entrepôts, logistique, agriculture, pour ne nommer que ceux-là). De plus, selon un sondage d’une grande firme nord-américaine en recrutement, plusieurs métiers qualifiés (mécaniciens, machinistes, soudeurs, etc.) demeureront en pénurie[2]. Tant et aussi longtemps que les compétences de la main-d’œuvre québécoise ne seront pas suffisantes pour atteindre un bon niveau de productivité – ou du moins le temps que nous mettrons à assimiler ces nouvelles compétences –, il sera capital pour les entreprises de recourir au recrutement international.
Si nous voulons maintenir le niveau de productivité de notre économie, 20 % des emplois devront être comblés par l’immigration1. Le recrutement international sera donc une solution que nos entreprises canadiennes devront envisager. La récente crise sanitaire ne change par ailleurs rien à des enjeux démographiques dont nous sommes conscients depuis plusieurs années.
L’immigration participe activement à la croissance économique canadienne, notamment en stimulant la croissance des villes, en attirant des talents mondiaux qui participent à l’innovation industrielle, ou en palliant au vieillissement de la population.
Les politiques d’immigration du Canada devraient encourager ou du moins faciliter l’implantation permanente au Canada des étudiants et travailleurs étrangers. Au Québec, c’est le but du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), dont la réforme a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois[3]. Il serait en effet dommage que des étudiants et travailleurs qui acquièrent chez nous un savoir-faire de nos technologies et s’imprègnent de notre culture doivent au final retourner dans leur pays d’origine.
La stratégie qui consiste à recourir à l’immigration au sein des entreprises est un moyen clé pour diversifier le tissu social et accroître l’ouverture de nos entreprises sur le monde. On pourrait dire qu’embaucher un travailleur immigrant permet de contribuer de façon plurielle à la croissance économique.
Conclusion
Le recrutement international n’est pas la solution unique à tous les problèmes de main-d’œuvre, mais il gagnerait à faire partie de votre stratégie globale de recrutement!
Applications pratiques
Comment un CRHA peut-il aider les leaders concernant ces enjeux?
- En faisant un exercice de planification de la main-d’œuvre à court, moyen et long terme.
- En mettant en place des pratiques visant à promouvoir la diversité et l’inclusion au sein de son entreprise.
- En ayant recours au recrutement international et à des candidats issus de l’immigration pour pallier la pénurie de main-d’œuvre.
- En évaluant et comparant sa culture d’entreprise actuelle à celle visée pour réaliser la vision de l’entreprise.
- Considérant sa complexité, les CRHA doivent s’informer des différentes étapes et coûts liés au recrutement international.
- En comprenant les nombreux avantages d’une main-d’œuvre internationale et diversifiée.
Sources :
1. Agopsowicz, Andrew, Le rêve Canadien repoussé : une reprise de l'immigration est peu probable à court terme , analyse conjoncturelle économique, RBC, 2020.
2. Association de la construction du Québec, Pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction : l’ACQ estime qu’il manquera près de 20 000 travailleurs pour répondre à la demande , octobre 2019.
3. Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), Programme de l'expérience québécoise (PEQ) – Une réforme du PEQ qui s'inscrit dans la modernisation du système d'immigration québécois , juillet 2020.
Fiche technique de la réforme du PEQ (MIFI)
Réforme du PEQ : d'autres mesures requises pour répondre aux besoins de main-d’œuvre des manufacturiers , Manufacturiers et Exportateurs du Québec, 9 juillet 2020.
Réforme du PEQ : la mobilisation se poursuit , La Tribune, 11 juillet 2020.
Journée d'actions pour un Québec ouvert à l'immigration – Manifestation contre la réforme du PEQ , FTQ, 18 juillet 2020.
La réforme finale : le nouveau Programme de l’expérience québécoise en vigueur depuis le 22 juillet 2020 , Norton Rose Fullbright, Global Workplace Insider, 3 sept. 2020.
PEQ : POLYTECHNIQUE DEMANDE PLUS D’OUVERTURE DE LA PART DU GOUVERNEMENT , Polytechnique Montréal, 17 sept. 2020.
Cauchemar universitaire pour des étudiants étrangers , Le Soleil, 28 octobre 2020.
A propos des auteurs
Consultant senior et coach exécutif, Éric Boily, CRHA, est président du Groupe RH Affaires (RHA International). Il possède une vaste expérience acquise en tant que vice-président aux ressources humaines dans les domaines manufacturier et du commerce de détail, en milieu syndiqué et non syndiqué. Mounir Bendaoud est spécialiste en recrutement et immigration au sein de RHA International. Les auteurs peuvent être joints aux coordonnées suivantes : 514 880-7080 ou info@rhaffaires.com.