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Un faible taux de roulement en restauration? Oui, c’est possible!

Le secteur de la restauration rapide a la réputation de subir un taux très élevé de roulement de la main-d’œuvre. Mais à la cantine Chez Ben on s'bourre la bedaine, sur la rue Principale à Granby, les employés restent longtemps.

27 avril 2015
Entrevue avec Bernard Dubé et Yvan Dubuc, CRHA

Parmi les vingt-cinq employés de Chez Ben – quarante-cinq employés si l’on compte le personnel saisonnier du bar laitier – , certains ont quinze, dix-huit, voire vingt-cinq années de service. Le doyen y travaille depuis maintenant trente-sept ans.

« Si on recule d'à peine dix ans, les restaurants se battaient pour aller chercher des clients. Aujourd'hui, ils se battent autant pour aller chercher des employés que des clients, signale Bernard Dubé, copropriétaire de la cantine Chez Ben on s'bourre la bedaine. De mon côté, ce n’est pas un problème. »

Quel est le secret de la rétention de la cantine Chez Ben?

M. Dubé cherche à conserver ses employés à long terme. Les salaires augmentent selon l'ancienneté. « Il y a beaucoup d'endroits, aujourd'hui, où ils veulent se départir des vieux employés parce qu'ils coûtent cher. Dans mon cas, je préfère payer plus puisqu’ils sont capables de donner un bon service et d'encadrer toutes les jeunes qui entrent. »

Mais M. Dubé ajoute qu'il n'y a pas que les salaires. « Prendre un employé par la main lorsqu'il en a besoin et le reconnaître à sa juste valeur, c'est parfois aussi important qu'un très bon salaire. » En fait, le secret de cette fidélisation serait surtout dû à une culture d'entreprise « bâtie sur un esprit de famille », répond Bernard Dubé. D'ailleurs, il dit avoir beaucoup appris de son père, qui dirigeait l'entreprise avant lui.

S'il a un conseil à donner aux patrons, c’est de « rester humain avec les employés ». « Je vois tellement de places où l'on prend les employés pour des numéros. Je pense que c'est important d'avoir du plaisir avec ses employés. »

Selon Yvan Dubuc, CRHA, qui consacre à ce restaurant un chapitre dans un livre sur la gestion des ressources humaines dans les petites entreprises à paraitre prochainement, les propriétaires de la cantine « sont des leaders qui délèguent beaucoup, qui participent, qui sont très à l'écoute de leurs employés et qui sont très respectueux envers eux. Ils ne les considèrent pas seulement comme des facteurs de production, comme c'est souvent le cas dans les commerces de détail. Ils font équipe avec eux ». Lorsque M. Dubuc décrit l’atmosphère de travail qu’il a observée dans le restaurant, les mots « convivialité » et « complicité » reviennent fréquemment.

Certes, lorsque vient le temps de travailler en cuisine, les employés doivent laisser leurs problèmes personnels à la maison. Cependant la porte du bureau de M. Dubé est toujours ouverte si l'un de ses employés désire lui faire part de difficultés personnelles. « On travaille avec eux et on leur donne un coup de main pour les aider à se sortir de leurs petits problèmes. Il y en a pour qui ce sont des problèmes d'argent, d'autre de santé », explique M. Dubé. Il affirme que certains employés lui ont déjà témoigné leur reconnaissance face à son soutien. C'est dans ces moments qu'il sent qu'il a joué son rôle. « On trouve ça important que tout le monde soit heureux au travail et en dehors du travail. »

Pour raffermir l'esprit de groupe, plusieurs activités sociales sont organisées en dehors des heures de travail. Parmi elles, M. Dubé évoque des course de karting, de sorties à des spectacles ou la participation un souper-bénéfice pour un organisme de bienfaisance. « On fait plein d'activités pour améliorer l'atmosphère. C'est une des choses nécessaires pour garder un esprit de famille. Nous avions arrêté d’en faire pendant un an et demi, puis on s'en est vite rendu compte, indique le copropriétaire. On voit vraiment la différence dans la cuisine. »

Pour instaurer une bonne ambiance, M. Dubé ne se fit pas seulement sur la vie à l'extérieur. « Quand j'entre travailler, je suis de bonne humeur. Toujours de bonne humeur. Puis je fais le tour de tous mes employés. Je dis bonjour à tout le monde, même si c'est plein de clients », raconte-t-il.

Comme propriétaire, M. Dubé donne l'exemple en effectuant lui-même des tâches généralement attribuées à des subalternes dans la restauration rapide. « Si je veux avoir un esprit de famille, je ne vois pas pourquoi je passerais mon temps à demander à quelqu'un à côté de moi de ramasser un papier tombé au sol. Si c'est moi qui suis à côté, je vais me pencher pour le ramasser. Si c'est un dégât de liqueur, cela ne me dérange pas d'aller chercher la vadrouille pour tout nettoyer. »

« Il n'y a pas de hiérarchie, note Yvan Dubuc dans les manières d'opérer sur le plancher. C'est quasiment une coopérative de travailleurs. » Cette façon de faire se répercute dans la communication en milieu de travail, constat-t-il après ses visites au restaurant. « Il n'y a pas de barrière dans la communication. Et s'il y a des suggestions, elles sont les bienvenues. »

La rétention, ça rapporte!

En conservant ses employés aussi longtemps, la productivité est renforcée, estime M. Dubuc. « Quand ça fait vingt ans que tu fais ça, tu n'es plus un néophyte. Les employés sont efficaces et ils ont les habiletés requises. Et ils savent très bien que la valeur de l'entreprise, c'est de servir le client rapidement, mais avec des aliments de qualité. »

Pour résumer l'appartenance à la cantine, Bernard Dubé compare la situation au hockey, dont plusieurs de ses employés sont friands. « Avant, on disait que les joueurs du Canadien de Montréal avaient le CH tatoué sur le cœur. Moi, mes employés ont Ben tatoué sur le cœur! »


Entrevue avec Bernard Dubé et Yvan Dubuc, CRHA