C'est à cette question que nous tenterons de répondre dans cet article en insistant sur certains phénomènes intergénérationnels qui permettent de comprendre comment est composé le bassin de main-d'œuvre et nous proposerons des stratégies qui découlent des tendances actuelles en gestion des ressources humaines.
Encore aujourd'hui, les PME sont perçues comme des entreprises de type « familial » dont le style de gestion est conditionné par le paternalisme. Notre expérience nous porte à croire que cette perception est de moins en moins fondée, car les PME sont de plus en plus prêtes à investir dans leurs programmes de gestion des ressources humaines. Mais encore faut-il qu'elles le fassent de la bonne façon!
Rappelons que les Wal-Mart, Ford, Fiat, Jean Coutu, Québécor, Desjardins ont toutes été d'abord des entreprises familiales. Elles ont su, au fil du temps, s'adjoindre des collaborateurs dont les valeurs et le style de gestion étaient compatibles avec les objectifs du moment. Les stratégies d'entreprise devant constamment s'adapter au marché, les compétences recherchées évoluent au même rythme que l'entreprise. Finie l'époque où l'on pouvait espérer faire carrière pour la vie chez le même employeur. Au contraire, dans les entreprises performantes (grandes entreprises ou PME), les candidats qui présentent une bonne variété d'expérience sont les plus recherchés. En conséquence, tant les entreprises que les candidats doivent être flexibles et s'ajuster aux mutations du marché du travail.
Et cette perspective n'est pas différente pour les PME. Par contre, la difficulté réside pour celles-ci dans les moyens. Elles doivent donc être très créatives et surtout investir leurs efforts au bon endroit.
Voyons comment les PME peuvent se frayer un chemin à travers cette jungle dans laquelle elles doivent s'assurer d'embaucher et de retenir les bonnes personnes qui rendront possible l'atteinte de leurs objectifs d'affaires et, par conséquent, de maintenir la compétitivité de l'organisation.
Tout commence par le recrutement !
Trop souvent, dans les PME, on néglige la façon dont on recrute. Il est impératif, particulièrement dans ce type d'entreprises, de structurer les pratiques de recrutement, car il s'agit d'un outil de gestion stratégique qui influence aussi la façon de présenter l'entreprise auprès des candidats. Par conséquent, le processus de recrutement devient le premier outil d'attraction et se doit d'être impeccable. Il faut donc le repenser même dans ses aspects les plus simples.
D'abord, les sources de recrutement sont-elles les meilleures pour le type de candidat recherché? Afficher une petite annonce dans un journal plutôt lu au centre-ville pour un emploi situé dans l'ouest de l'île est-elle la meilleure décision? Et l'annonce reflète-t-elle le dynamisme de l'entreprise et son intérêt pour ses employés? Il ne faut jamais perdre de vue que l'affichage d'un poste, peu importe dans quel média, est une activité de marketing et mérite de recevoir toute l'attention nécessaire.
Il faut accorder aussi une attention toute particulière aux outils de sélection… L'entrevue constitue le premier contact : un candidat qui se présente pour la première fois dans une entreprise aura tendance à observer tous ces petits détails : l'accueil, la durée de l'attente, l'attitude et le professionnalisme de l'intervieweur (encore plus s'il s'agit du patron lui-même), l'atmosphère du lieu de travail, la façon dont l'entrevue est dirigée, la conformité aux exigences de la loi (légalité des questions, consentement à la prise de références, etc.). Par ailleurs, oblige-t-on le candidat, particulièrement celui qui est en emploi, à se soumettre à une batterie de tests qui lui demandera beaucoup de temps et qui l'obligera à s'absenter de son travail? Assure-t-on un suivi dans un délai raisonnable? Et ainsi de suite…
Autrement dit, il vous faut accorder de l'importance à tous ces détails et donner davantage de structure et de sérieux aux pratiques de recrutement, et ce, dans le but de les aligner sur les résultats recherchés.
Nous avons jusqu'à maintenant axé nos propos sur l'aspect technique de l'attraction de bons candidats. Il nous faut maintenant réfléchir sur un aspect intangible, mais d'une importance indéniable en matière de recrutement: les valeurs intergénérationnelles.
Les valeurs intergénérationnelles
C'est maintenant un secret de Polichinelle, les générations expriment des valeurs respectives très dissemblables et cette différence se doit d'être gérée avec le plus d'attention possible. En gros, disons que c'est la génération des baby-boomers qui prend les décisions et ce sont les générations X (25 à 38 ans) et Y (moins de 25 ans) qui constituent le bassin de candidats disponibles. Le défi est donc de travailler l'attraction et la rétention dans cette perspective, de bien en comprendre les enjeux et surtout d'ajuster les pratiques de gestion en conséquence.
De plus en plus, les jeunes sont relativement scolarisés et veulent participer à la croissance et au développement de l'entreprise. Ils s'approprient davantage leur emploi et refusent le paternalisme que peut représenter l'autorité en entreprise. Malgré cette vision d'un emploi, ils rechercheront le défi et l'implication plutôt que «la job pour la job». Ces jeunes sont de cette génération pour qui l'école a été un milieu moins contraignant si on le compare à celui des années '50-'60 (relâchement des règles de discipline, possibilité de réagir à l'autorité, vocabulaire douteux à l'endroit des pairs et de la direction, etc.). Cet environnement a sans aucun doute conditionné leur comportement de travailleur et il faut en tenir compte.
De façon générale, on s'accorde à dire que l'engagement à long terme envers un employeur n'est plus valorisé comme avant par les générations X et Y. Le bien-être de l'individu, les conditions de travail telles que les horaires flexibles, le salaire, les avantages constituent maintenant les principales préoccupations des nouvelles générations. Certaines études qualifieront même les jeunes d'égocentriques qui placent leurs intérêts à l'avant-plan. Pour notre part, nous pensons que, si leurs stratégies sont bien alignées, les entreprises peuvent profiter du dynamisme et de l'esprit entrepreneurial de nombreux jeunes. On sait que plusieurs membres de la génération des baby-boomers ont eu la tendance inverse de consacrer leur vie à leur carrière, à leur entreprise, d'où le choc possible des générations.
Les PME doivent donc s'assurer de placer leurs employés au cœur de l'entreprise et de leur donner la possibilité de se faire valoir. Il faut les écouter, provoquer leur questionnement sur la faisabilité de leur projet, les accompagner dans l'implantation et, finalement, leur faire confiance. La profitabilité de l'entreprise devient l'affaire de tous. L'organisation doit considérer ses employés comme l'un de ses avantages compétitifs les plus importants. Elle doit promouvoir la créativité, l'innovation, l'avant-gardisme et devenir la première à travailler de cette façon dans son domaine. Elle doit habiliter ses employés performants à résoudre les problèmes dans un délai record et leur permettre de maintenir, d'améliorer ou de refaire leur plein de compétences de façon régulière. Et finalement, elle doit avoir un bon programme de reconnaissance de la performance et des bons coups en lien avec ses valeurs et ses orientations stratégiques.
Comme on peut le constater, il s'agit vraiment de se repositionner comme employeur de choix auprès d'une génération de travailleurs qui ne demandent qu'à être respectés dans ce qu'ils sont.
Comment retenir des employés qui sont constamment sollicités?
Si l'on s'intéresse aux diverses raisons qui motivent les gens à changer d'emploi, on constate rapidement qu'elles sont en lien avec les valeurs citées précédemment. Voici donc certaines actions qui permettront aux employeurs de répondre à cette question.
- Accepter que les salaires et avantages ne soient plus les seuls éléments efficaces pour retenir une personne-clé.
- Évaluer la possibilité d'instaurer des horaires flexibles et de promouvoir la qualité de vie personnelle et familiale.
- Reconsidérer les pratiques de recrutement, qui doivent refléter les pratiques de gestion et les stratégies d'entreprise.
- Concevoir des stratégies innovatrices qui tiennent compte bien entendu des disponibilités budgétaires afin d'attirer les bonnes personnes.
- Lors de l'embauche, s'assurer de donner une vision réaliste du poste avec ses avantages et ses inconvénients.
- Implanter un programme d'accueil et d'intégration qui permette aux nouveaux employés de s'investir rapidement dans l'entreprise et assurer un suivi individuel des nouveaux employés durant les premières semaines.
- Instaurer un programme de gestion du rendement et de reconnaissance des «bons coups».
- Revoir le programme d'activités sociales en fonction des intérêts des employés et non pas en fonction de ceux du patron ou de ce qui s'est toujours fait.
- Évaluer la pertinence de l'implantation d'un programme de mentorat ou d'un système de parrainage (buddy system) auprès des employés identifiés comme ayant un potentiel de relève – les employés plus anciens seront fiers d'être sollicités à cette fin.
- Revoir le contenu des postes et, si possible, augmenter la variété, la complexité des tâches ou les responsabilités de la personne (affecter l'employé en fonction de son potentiel et non pas en fonction de la description de poste).
- Et finalement, revoir les conditions de travail et les programmes de gestion des ressources humaines afin de s'assurer qu'ils sont bien alignés sur ce que l'on désire comme organisation.
Comment amener ses employés à partager les objectifs de l'organisation?
La communication devrait être au cœur des préoccupations de la direction des PME. Malheureusement, on constate trop souvent que la communication est le parent pauvre des stratégies de gestion dans les PME. Plusieurs entrepreneurs n'y voient pas l'occasion de marquer des points sur le plan de la mobilisation du personnel alors que les employés ont pour leur part beaucoup d'attentes.
Les employés veulent en effet être informés du développement de l'entreprise, des projets en cours, des choses qui vont bien et de celles qui nécessitent des améliorations, des efforts requis, des changements à venir, des orientations de l'organisation, des objectifs à court et à moyen termes… Ils veulent savoir précisément ce que l'on attend d'eux.
Les PME doivent capitaliser sur ce qu'elles font de bien et la bonne façon de s'en assurer est de privilégier un contact direct avec les employés. La consultation peut être formelle (sondage écrit, réunion ou groupe de discussion) ou informelle (petits déjeuners du président, barbecue estival où la direction est présente, pauses où les collations sont servies par les patrons). Toutes ces activités constituent des exemples de situations durant lesquelles on peut informer, passer les messages importants, mais également écouter. Les PME seront ainsi en mesure d'identifier rapidement les améliorations à apporter afin de satisfaire les exigences de leurs employés et pourront également fournir les explications adéquates si elles ne peuvent donner suite à un projet ou à une suggestion.
Enfin, les PME ne peuvent négliger la communication interne. Ce qu'elles communiquent à leurs employés, la façon dont elles le font, l'intérêt qu'elles portent à leurs commentaires et à leurs suggestions ne pourront qu'améliorer la motivation des troupes et avoir ainsi un effet hautement bénéfique sur la rétention des personnes de qualité.
Dyane Richer, CRHA est directrice des ressources humaines chez Les Consultants Fuller Landau inc.
Source : Effectif, volume 7, numéro 3, juin / juillet / août 2004