ressources / developpement-organisationnel

Durabilité : faire partie de la solution grâce aux compétences RH

Comment les ressources humaines peuvent-elles devenir des leaders de changement en matière notamment de développement durable et d’ESG?
11 février 2025
Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

« On est sur une trajectoire qui est absolument intenable quant à la consommation de ressources naturelles, mais aussi sur le plan social avec des modèles qui ne répondent pas aux besoins humains. Par rapport aux ESG [facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance], on voit surtout comment réduire nos empreintes négatives. Il faut aussi se demander : comment peut-on mettre nos entreprises et nos modèles économiques au service du bien commun et de l’amélioration de la situation afin d’avoir un effet positif? » explique Esther Dormagen, CRHA, cofondatrice et présidente chez Ellio.

Esther Dormagen cite en exemple le film Don’t Look Up, qui montre le déni et l’inaction lorsqu’une comète menace de détruire la Terre. « On vit dans ce film. La plupart des leaders, gestionnaires et citoyens n’ont pas conscience des conséquences de leurs organisations sur la planète », avance-t-elle. 

« On voit la Terre comme un puits où l'on va prélever des ressources, déplore-t-elle. On peut aussi voir le monde et nos organisations comme des systèmes vivants pour aller vers la régénération. Comment peut-on utiliser nos activités pour améliorer la situation? Résoudre les problèmes? Je pense à un producteur de café, par exemple, qui régénère les sols en plantant des arbres. Est-ce qu’on peut avoir des pratiques qui vont régénérer la capacité des écosystèmes à fournir leurs services qui sont par ailleurs gratuits? »

« La situation rappelle la métaphore de l’entonnoir, fait remarquer Esther Dormagen. Les ressources naturelles sont en diminution alors que la population et les modes de vie augmentent la pression sur nos écosystèmes. Nos possibilités se rétrécissent au fur et à mesure. C’est à nous de choisir : est-ce qu’on veut heurter un mur en continuant comme avant ou bien nous recentrer sur nos façons de faire pour aller dans une bonne trajectoire afin de perdurer? Plus on sera nombreux à le faire, moins l’entonnoir va se rétrécir et plus on va pouvoir, on l’espère, l’ouvrir pour augmenter à nouveau le champ des possibles. »

D’incroyables occasions

Esther Dormagen rappelle plusieurs aspects négatifs liés aux changements climatiques : « l’incidence possible sur les chaînes d’approvisionnement; la hausse des coûts de l’énergie, de l’alimentation et du transport; l’obsolescence de certains métiers; les difficultés d’accès au capital et aux assurances puisque certains endroits ne seront plus assurables, etc. » Des entreprises devront aussi renoncer à certaines activités, puisque certains services ou produits n’auront plus de sens.

Ces grands enjeux sont aussi porteurs d’espoir, selon la CRHA. « Les organisations auront l’occasion de développer de nouveaux marchés et produits pour répondre à de nouveaux besoins. C’est aussi une belle occasion de miser sur la réputation de la marque en s’investissant dans le développement durable. Si certains métiers risquent de disparaître, d’autres vont sûrement se créer. Il y a aussi des possibilités d’économies financières en allant par exemple vers la sobriété énergétique. C’est phénoménal tout ce qu’on peut aller chercher! » lance avec enthousiasme Esther Dormagen.

La présidente d’Ellio incite à se questionner sur le besoin de ressources naturelles non renouvelables et sur leur capacité de résilience. « On parle de ressources minérales, énergétiques. Est-ce que vos produits et services apportent un bénéfice social net? Quelles sont les répercussions positives ou négatives des changements climatiques sur votre entreprise? »

« On associe beaucoup le développement durable à l’environnement, à la planète, poursuit-elle. Mais le bien-être et le progrès social sont interconnectés. On veut que les gens vivent bien partout à travers le monde. On ne doit pas adapter la planète et la société au modèle économique, mais plutôt modifier nos modèles économiques en tenant compte des limites planétaires dans le but de créer un bénéfice social et humain. »

D’après elle, au cours de ces réflexions, le monde des ressources humaines doit garder en tête les 17 objectifs de développement durable, dont l’abolition de la pauvreté et de la faim, l’atteinte d’une bonne santé et du bien-être, une éducation de qualité, l’égalité entre les sexes, une eau propre, une énergie propre à un coût abordable et les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques.

Le rôle primordial des ressources humaines

Selon une étude du Conseil du patronat du Québec publiée en janvier 2022, 94 % des entreprises sondées « aimeraient voir davantage une collaboration entre toutes les parties prenantes pour développer des solutions aux problèmes d’environnement et de changements climatiques ». La population abonde aussi dans ce sens : 86 % de la population québécoise « voudraient que les entreprises déploient plus d’efforts et travaillent de pair avec le gouvernement ainsi qu’avec les groupes sociaux et environnementaux ». Parmi les personnes sondées, 84 % « pensent que les gouvernements devraient adopter des lois beaucoup plus sévères pour forcer les entreprises à réduire la pollution qu’elles génèrent ».

Les ressources humaines se retrouvent au cœur de ces réalités du marché du travail et seront essentielles pour mener ces transitions à bien, de l’avis d’Esther Dormagen. « Les spécialistes RH pourront notamment prendre un rôle stratégique en tant que membres de la direction et spécialistes des métiers. En plus d’assurer une vigie de l’évolution des métiers et du développement de nouvelles compétences, les RH pourront mettre sur pied des cellules d’innovation et de collaboration. L’engagement social et la philanthropie sont aussi fort utiles », précise-t-elle.

Comment les ressources humaines peuvent-elles exercer du leadership face à ces grands enjeux? « Il faut remettre en question la raison d’être de l’organisation au sein du comité de direction et amener ces sujets dans la planification stratégique, indique Esther Dormagen. Comment voulez-vous contribuer à la société? Trouvez une définition du succès de votre entreprise durable, robuste, résiliente et passionnante. »

La présidente d’Ellio encourage aussi les spécialistes en ressources humaines à faire partie de comités de travail ESG, par exemple. « Si aucun gestionnaire ne le fait, demandez-vous quelles seront les conséquences possibles des changements climatiques sur votre organisation? » Elle nous incite à voir large et loin. « Devenez prospectiviste! » Que ce soit à l’égard des risques en santé et sécurité, des attentes possibles des employées et employés vis-à-vis de nouvelles formes de travail, en faisant un diagnostic de durabilité… « L’idée est de faire consensus au sein de l’organisation en sachant d’où on part. Il faut travailler en écosystème. »

Pour progresser, Esther Dormagen suggère « d’aligner les processus internes en liant par exemple la rémunération variable à des objectifs sociaux ou environnementaux, en investissant les fonds de pension et de liquidités dans des fonds éthiques… » Elle propose aussi d’améliorer l’effet des activités RH en « diminuant la surconsommation, en favorisant le transport en commun, en choisissant des traiteurs en économie sociale, en organisant des événements écoresponsables, etc. ».

Pour mobiliser les équipes, elle conseille de créer des cellules de créativité sur les ESG et le développement durable, d’encourager le bénévolat, etc. « Les entreprises doivent réinventer leurs modèles! » résume Esther Dormagen.


Ordre des conseillers en ressources humaines agréés