Chaque individu peut développer ses habiletés à gérer son stress et son temps de façon à mieux concilier ses responsabilités personnelles et professionnelles. Cependant, le milieu de travail a un rôle important à jouer pour maximiser les chances de succès de ces initiatives personnelles. En effet, plusieurs études sur le sujet ont démontré que c’est l’attitude du supérieur immédiat qui compte dans la perception des employés à l’égard de la conciliation. Si l’employeur se montre compréhensif devant les absences pour motif personnel et ouvert à une certaine flexibilité des horaires, tout est prêt pour une culture favorable à la conciliation. Si, au contraire, les réunions sont fixées en fin de journée, que des heures supplémentaires sont continuellement exigées, que les vacances sont reportées et que les besoins personnels ne sont pas reconnus, il est fort probable que les employés ressentiront de l’insatisfaction quant à la qualité de vie au travail.
Dans un contexte où la fidélisation du personnel est un enjeu important, une organisation gagne à mettre en place des stratégies qui lui permettra d’être perçue comme un employeur de choix. Ainsi, plusieurs des meilleures pratiques à implanter revêtent un caractère directement relié à la conciliation travail vie-personnelle. En voici quelques exemples :
- horaires flexibles
- horaire à la carte (temps annualisé, accumulé pour congés personnels)
- travail à temps partiel/partage de poste
- banque de congés avec ou sans solde
- congés différés
- télétravail
- service de garde (aide ou allocation)
- conciergerie (nettoyeur, traiteur, services automobiles, etc.)
- services de santé et de mieux-être (abonnement à un centre sportif, massothérapie, cours de yoga, atelier de sensibilisation sur la gestion du stress ou la gestion du temps, etc.)
Par ailleurs, si vous souhaitez implanter ce type de mesure dans votre organisation, il est important de procéder par étapes. La première consiste à vérifier et à améliorer, s’il y a lieu, la charge de travail (organisation et processus) du personnel ainsi que la reconnaissance prodiguée par les gestionnaires. Ensuite, lorsque ces éléments sont solidement établis, la démarche recommandée pour implanter une culture de conciliation est la suivante...
- Élaborer un dossier d’affaires (business case) convaincant, incluant :
a. le portrait actuel de l’organisation (mesures d’absentéisme, taux de roulement, productivité, invalidités, accidents, niveau de satisfaction, etc.);
b. des données et statistiques sur les coûts dans l’organisation ou le marché en général (par exemple, pour ceux qui craignent les difficultés d’organisation du travail, il est bon de savoir que la plupart des pratiques ne sont utilisées que par 1 % à 2 % des employés, mis à part les horaires flexibles qui sont plus populaires);
c. une étude de balisage (benchmarking) portant sur les pratiques implantées dans les organisations concurrentes ou comparables;
d. une liste d’avantages pour l’organisation (ex. : meilleur service à la clientèle, diminution de l’absentéisme, contribution environnementale dans le cas du télétravail, etc.). - Obtenir l’engagement de la haute direction (communications, budget, subventions et ressources disponibles) et impliquer le syndicat (s’il y a lieu).
- Sonder les besoins des employés, en fonction de leurs caractéristiques (génération, ratio homme/femme, etc.).
- Procéder à un projet pilote pour tester certaines pratiques pertinentes auprès d’un échantillon d’employés, sur une base temporaire (environ 3 à 6 mois).
- Évaluer les résultats et faire des ajustements au besoin.
- Implanter la ou les politiques de façon globale :
a. communication des pratiques et de leurs critères d’admissibilité;
b. intégration au manuel des conditions de travail des employés et/ou au renouvellement de la convention collective;
c. affichage des pratiques dans la section « Carrière » du site Internet de l’organisation (question d’attraction). - Faire un suivi régulier des résultats et des impacts sur les mesures initiales (absentéisme, taux de roulement, productivité, invalidités, accidents, niveau de satisfaction, etc.).
Une fois que la culture organisationnelle a suffisamment évolué, il se peut que l’entreprise soit prête à se qualifier de façon officielle, afin de lancer aux candidats potentiels le message qu’il fait bon y faire carrière. À ce chapitre, deux certifications ISO peuvent s’avérer pertinentes : « Entreprise en santé » (en vigueur depuis 2008) et « Conciliation travail-famille » (lancée en 2011). Dans les deux cas, l’approbation est décernée par le Bureau de normalisation du Québec, qu’on peut consulter pour obtenir plus de détails (www.bnq.qc.ca). Certains consultants spécialisés dans les domaines de la conciliation, de la santé et du mieux-être peuvent aussi accompagner le professionnel en ressources humaines dans l’implantation des politiques ainsi que dans le suivi de la méthodologie requise.
Dans le but de faire évoluer cette culture de conciliation, on peut même inclure des objectifs en ce sens dans le processus d’appréciation de la performance. En effet, il peut s’avérer très mobilisant de savoir que les gestionnaires seront évalués sur leur capacité à répondre aux besoins personnels des employés (dans la mesure où les objectifs organisationnels n’en souffrent pas, évidemment). Il s’agit de beaux défis et d’investissements payants. En effet, on estime en moyenne à 3 $ le rendement de chaque dollar investi. Et le prochain sondage de climat organisationnel pourrait amener l’entreprise à des sommets en ce qui a trait à la satisfaction… Le jeu en vaut certainement la chandelle!
À propos de l’auteure
Psychologue organisationnelle, consultante en mobilisation et gestion de carrière chez GD Ressources, Guylaine Deschênes, CRHA offre ses services autant aux entreprises qu’aux individus. On peut la joindre par téléphone [514 827-1523] ou par courriel [gdeschenes@gdressources.com].
Pour aller plus loin
Deschênes, Guylaine (2013). Harmoniser sa vie : L'art de concilier le travail et la vie personnelle, Montréal, Éditions Québec-Livres, 216 pages.