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Conflits au travail : une responsabilité organisationnelle partagée

Gérer des personnes fait appel à plusieurs compétences de gestion, notamment quand il est question de gestion des conflits. À qui revient cette tâche ingrate? Il est difficile même de déterminer quand on doit intervenir et si on le doit. 

12 mars 2012
Marie-Josée Douville, CRHA

On dira que la gestion des conflits, c’est l’affaire de tous. Cela implique l’organisation même où se produisent ces conflits; celle-ci a un rôle à jouer, car elle est aussi une personne morale.  

Les composantes d’un conflit

Outre son objet même, le conflit implique une relation, souvent teintée par une dynamique de pouvoir et d’émotivité qui fait naître le conflit. Le conflit constitue une brèche (une faille) dans la relation qui oppose les personnes concernées. Cette relation peut être professionnelle, contractuelle ou hiérarchique.  

Comment déterminer s’il faut agir? La question ne se pose pas : il faut agir, ne serait-ce que pour tous ceux qui gravitent autour du conflit, les collègues, les amis et même les familles. On n’aura pas à se dire : « J’aurais donc dû agir » ou « Si j’avais su! » Car un conflit non géré pourrait prendre des proportions démesurées.

Quand le conflit devient harcèlement
La majorité du temps, le harcèlement débute par un conflit non géré. Il est totalement utopique de croire qu’un conflit se dissipera de lui-même. Il laisse des traces, des sentiments amers pour ceux qui les vivent, de l’insatisfaction pour ceux qui n’ont pu obtenir ce qu’ils voulaient. 

Responsabilités du gestionnaire
Les gestionnaires ont une responsabilité directe en matière de gestion des conflits. L’évitement ou l’inaction auront un prix considérable, qui est loin d’être négligeable. Depuis l’adoption des dispositions sur le harcèlement psychologique, les gestionnaires ont l’obligation1 de prévenir le harcèlement et d’intervenir quand ils sont au courant de la situation afin de la faire cesser.

Responsabilités de l’entreprise
L'entreprise aura quant à elle à fournir les moyens, les ressources et les possibilités diverses pour permettre aux gestionnaires d’agir. Elle peut non seulement établir un cadre de valeurs, voire un code d’éthique, mais aussi des politiques qui permettront aux gestionnaires d’inscrire leurs actions dans une philosophie partagée et communiquée.

L’escalade d’un conflit

Il y a trois dimensions au conflit et chacune de celles-ci est une zone potentielle d’intervention...  

  1. Avant le conflit : cette phase laisse place aux activités de prévention et de sensibilisation du milieu et du climat de travail et permet également la promotion du respect au travail.
  2. Pendant le conflit : il s’agit de la phase d’intervention qui permet de rétablir la relation brisée.
  3. Après le conflit : il n’est pas rare que les gestionnaires oublient cette phase, une fois l’intervention terminée. Mais que de potentiel de récidive sans cette dernière phase!  
Confusion du rôle : un risque dangereux!
  • Le gestionnaire/psychologue : Dans une entreprise, les gestionnaires ont les guides en matière d’intervention. Mais attention, on n’attend pas d’eux qu’ils se transforment en psychologues et entrent en relation d’aide. Pour cela, il y a le programme d’aide aux employés ou des ressources externes.  
  • Le gestionnaire/juge et partie : Il arrive fréquemment que les gestionnaires prennent position et deviennent juges de la situation. Les parties impliquées n’ont pas besoin d’un troisième joueur dans leur différend, mais plutôt d’un facilitateur qui leur permettra de rétablir la situation. 
Les pièges potentiels

En matière d’intervention, deux pièges sont spontanément identifiés : l’ignorance et l’évitement. 

  • L’ignorance : qui n’est pas un signe de mauvaise volonté, mais plutôt la résultante des limites de chacun. Être gestionnaire ne signifie pas toujours qu’on a les habiletés relationnelles en matière de gestion des personnes. Mais on peut pallier aisément cette ignorance par la formation ou le coaching. Mais attention, il ne faut pas que l’ignorance devienne une excuse à l’inaction.  
  • L’évitement : c’est le piège le plus fréquemment rencontré. On dira : « Pas dans ma cour, ils sont assez grands pour gérer leur conflit ensemble, ce sont seulement des enfantillages ». À partir du moment où on observe des répercussions sur la productivité, sur le climat ou sur le rendement, on est obligé d’intervenir pour faire cesser le conflit. Vous n’avez pas à qualifier le différend, vous avez à le faire cesser.  
Conclusion

L’établissement du lien de confiance avec les personnes impliquées est primordial et passe par une écoute active et la démonstration d’une empathie réelle. La limite se pose d’elle-même à partir du moment où le constat démontre qu’on ne va nulle part. La mise en place d’un contexte propice à l’échange et à l’ouverture à l’autre a pour but de permettre de rétablir la situation problématique. Si tel n’est le cas, il faut opter pour une autre stratégie ou demander l’aide de personnes-ressources. 

Applications pratiques 

Comportements à privilégier par le gestionnaire
  • Être sensible et alerte aux modifications du climat de travail dans l’équipe.
  • Voir plus loin que le conflit lui-même et tenter de saisir l’ampleur de la situation et ses répercussions.
  • S’appuyer sur un réseau de ressources-conseils qui valideront la démarche.
  • Ne pas avoir peur d’agir ou de poser un geste qui pourrait modifier la situation conflictuelle ou du moins permettre de la reconnaître. 

Comportements à privilégier par le professionnel RH

  • S’assurer de doter les gestionnaires d’outils et de ressources pour agir en cas de conflit.
  • Permettre aux gestionnaires de bien saisir ce qu’on attend d’eux en matière de gestion des conflits.
  • Communiquer la volonté d’agir aux gestionnaires en leur faisant comprendre qu’ils seront appuyés par l’organisation.
  • Ne pas avoir peur de recourir à une aide externe lorsque les interventions ne semblent pas porter fruit. 
Pour aller plus loin
  • Cormier, Solange. Dénouer les conflits relationnels en milieu de travail, Presses de l’Université du Québec, 2006.
  • ROSENBERG, Marshall B. Dénouer les conflits par la Communication Non Violente, Éditions Jouvence, Auflage, 2005.

Marie-Josée Douville, CRHA, est consultante principale et formatrice chez Drolet Douville et associés inc. Elle se spécialise en gestion de conflit et principalement dans le domaine du harcèlement psychologique. On peut la joindre par téléphone [418 681-6007 / 1 800 966-1611] ou par courriel [mjdouville@drolet-douville.com].

1 Article 81.19 de la Loi sur les normes du travail


Marie-Josée Douville, CRHA