ressources / developpement-organisationnel

Le développement organisationnel : de l’intégration de bases solides à la réalisation de projets

Depuis plusieurs années déjà, on entend dire que les organisations se transforment, que c’est l’ère de la mondialisation, que les fusions et acquisitions sont d’actualité, que la conjoncture économique et sociale force les entreprises à s’adapter, sans parler des crises économiques. La compétition est omniprésente dans le monde des affaires, les entreprises doivent composer avec la pénurie de main-d’œuvre et la nouvelle réalité démographique, les générations doivent mieux s’accorder, les technologies sont de plus en plus sophistiquées et doivent être apprivoisées en temps réel.

26 février 2010
Chantal Teasdale, CRHA

Le développement organisationnel dans tout ça? Bien que cette discipline ait vu le jour dans les années 1940 chez nos voisins américains et qu’elle ait évolué avec des hauts et des bas, elle a pris une place plus importante dans les années 1980 et 1990, compte tenu des changements vécus dans les entreprises. En fait, les dirigeants ne pouvaient plus subir les changements, ils devaient amener leurs organisations à se transformer elles-mêmes. C’est aussi le cas aujourd’hui, en 2010. Le développement organisationnel s’adapte aussi et dessine de nouvelles solutions. Or, si nos organisations sont de plus en plus éprouvées par des enjeux économiques, culturels, sociaux ou démographiques, le développement organisationnel doit avoir un rôle contributif exceptionnel pour leur permettre de survivre, de se démarquer et d’être performantes. Et encore plus dans les années à venir…

Une discipline plus présente que jamais!
Le développement organisationnel est une discipline de plus en plus présente. Il y a un nombre accru de consultants, de cours de formation et de conférences dans ce domaine; les structures organisationnelles laissent plus de place à cette discipline, en créant des postes sur mesure ou en confiant de nouvelles responsabilités aux acteurs en place. En effet, il n’est pas rare de retrouver dans les très grandes entreprises au moins une quarantaine d’experts consacrés au développement organisationnel, sans compter les consultants qui remplissent des mandats particuliers. Au sein des grandes et moyennes entreprises, il est de plus en plus fréquent qu’il y ait un expert en développement organisationnel portant le titre de directeur ou de chef du développement organisationnel et qui assume la supervision d’une équipe dévouée. Dans les moyennes et petites entreprises, le professionnel de la gestion des ressources humaines doit souvent jongler avec cette discipline, avec aisance ou non. Ce qui est certain, c’est que le développement organisationnel est maintenant intégré dans la fonction ressources humaines et que de plus en plus de généralistes s’approprient cette discipline au quotidien.

Mais qu’est-ce au juste que le développement organisationnel? Poser cette question, c’est risquer d’obtenir un nombre varié de réponses. C’est impressionnant et déroutant à la fois. D’ailleurs, plusieurs réponses tournent autour d’activités ou de pratiques de gestion des ressources humaines : gestion du changement, plan de relève, formation, développement des employés… Ou elles sont en rapport avec l’amélioration continue, la qualité, l’efficacité organisationnelle et même les relations avec les employés qui ont un impact sur le climat.

Différentes définitions formulées par des auteurs ne suscitent pas le consensus. Mais celle qui réfère aux vues les plus courantes sur le sujet est celle donnée par Porras et Robertson en 1992 :

« Le développement organisationnel constitue un ensemble de théories, de valeurs, de stratégies et de techniques basées sur les sciences du comportement, visant un changement planifié de l’environnement de travail afin d’améliorer le développement individuel et la performance organisationnelle à travers la modification des comportements au travail chez les membres de l’organisation. »

Pour notre part, nous utilisons cinq « P » pour ne pas perdre de vue les concepts et vulgariser la définition : le développement organisationnel, c’est un processus planifié qui vise la performance de l’organisation, en tenant compte du plan d’affaires et des personnes. La notion de processus planifié sous-entend que le développement organisationnel a un début et une fin et qu’il comporte des étapes, des activités, des stratégies, des théories, des valeurs, etc. Il s’appuie sur un plan d’affaires qui s’inspire de la vision, de la mission et des valeurs de l’organisation. Il s’appuie aussi sur les personnes incluant les employés et ceux qu’on veut attirer, tout comme les clients et les fournisseurs.

Intégrer le développement organisationnel sur des bases solides dans les PME
Si le développement organisationnel est mieux connu et fait ses preuves dans les grandes entreprises, il y a lieu de lui fixer certaines bases particulièrement dans les moyennes et petites entreprises. Pour ce faire, il faut se poser un certain nombre de questions. Si on y répond par l’affirmative, tout va pour le mieux. À l’inverse, un défi doit être relevé. De fait, les défis auxquels devra faire face la fonction ressources humaines dans les entreprises se résument ainsi :

  • définir le développement organisationnel
  • être considéré comme un partenaire d’affaires

  1. Le développement organisationnel est-il bien défini et sa portée est-elle bien comprise?
    Si on utilise le développement organisationnel à toutes les sauces, cette discipline perdra son sens et son importance. En conséquence, si un changement est requis pour favoriser la performance d’une organisation, la gestion du changement devra se faire globalement, en tenant compte de toutes les composantes de l’organisation, tant internes qu’externes.

    En fait, le développement organisationnel, c’est une façon de faire, une façon de penser… Il invite la fonction ressources humaines à jouer un rôle plus stratégique et moins opérationnel, en s’assurant que les programmes, les politiques, les activités et les outils sont alignés sur les enjeux d’affaires et, qui plus est, contribuent à la performance de l’organisation.

    En conséquence, les professionnels de la gestion des ressources humaines doivent s’assurer que la haute direction a une bonne compréhension de ce qu’est le développement organisationnel et rechercher son engagement dans la mise en place de stratégies ou d’activités pertinentes.
     

  2. La fonction ressources humaines se positionne-t-elle comme un partenaire d’affaires, de même niveau que les autres fonctions?
    On en parle comme si la situation n’évoluait pas aussi rapidement qu’on le souhaiterait. D’ailleurs, le contexte économique difficile rappelle que les acquis sont fragiles. Existe-t-il un service des ressources humaines dans l’organisation? Le directeur ou vice-président des ressources humaines est-il présent au comité de direction? Est-il alors considéré comme un partenaire stratégique?

    Si gérer stratégiquement les ressources humaines, c’est d’abord guider l’action par une pensée stratégique, comment se traduit alors cette pensée? Par une pensée orientée sur l’organisation, en ayant un intérêt pour le monde des affaires et le marché dans lequel se positionne l’organisation. Les outils et les processus viennent ensuite s’y greffer, pour répondre aux réels besoins d’affaires, contribuant significativement à la mobilisation des employés, et pour assurer un impact positif sur la performance individuelle et organisationnelle.

    Ainsi, penser stratégiquement, c’est d’abord analyser constamment son environnement pour y déceler les enjeux d’affaires et de gestion des ressources humaines et en dégager les impacts. D’un point de vue positif, il s’agit d’occasions d’amélioration de l’organisation. Dans ses aspects négatifs, il s’agit de problèmes à résoudre ou d’obstacles à contourner. Des choix pourront donc être faits dans les solutions proposées selon les priorités. Cette analyse doit nécessairement s’aligner sur le plan d’affaires de l’entreprise. Évidemment, les solutions retenues devront être cohérentes entre elles. Et enfin, la pensée stratégique conduit à la mesure, à l’évaluation des pratiques mises en place afin de s’assurer de leur valeur ajoutée pour l’organisation.

    En conséquence, les professionnels de la gestion des ressources humaines qui doutent de leur maîtrise du sens stratégique ou qui observent que l’entreprise ne leur donne pas cette place devront chercher à se développer pour acquérir ces compétences ou ils devront promouvoir les avantages d’un partenariat d’affaires à la haute direction. Nous ne le répéterons jamais assez : la fonction ressources humaines doit faire plus de place au stratégique qu’à l’opérationnel.

Influencer la direction pour mettre des initiatives de l’avant
Les gestionnaires des ressources humaines doivent mettre à profit leurs habiletés politiques et posséder le talent d’influencer pour obtenir l’adhésion et l’engagement de la direction. En fait, il est important de percevoir les habiletés politiques comme une compétence essentielle pour quiconque veut influencer de façon manifeste les décisions et les orientations de son service ou de son organisation.

Il existe une définition positive des habiletés politiques : elles constituent une combinaison de deux éléments, soit savoir quels comportements adopter dans une situation particulière et savoir comment manifester ces comportements de manière convaincante (Perrewé, Ferris, Frink et Anthony, 2000).

Ainsi, évoluer dans une organisation implique qu’on fait face à des luttes de pouvoir, à des conflits; en conséquence, réussir à faire passer ses idées et ses projets devient un véritable défi, à tous les niveaux hiérarchiques. Il faut aussi connaître les membres de la direction et savoir s’adresser à eux. Généralement, un individu qui possède de bonnes habiletés politiques sait créer des alliances avec les joueurs clés, sait persuader et est capable de se mettre en valeur d’une façon humble et honnête, tout en demeurant intègre.

Les professionnels de la gestion des ressources humaines s’en mettent souvent beaucoup sur les épaules pour tenter de convaincre, par exemple en se documentant le plus possible pour bâtir des présentations qui s’adresseront à des groupes cibles. Et si on oubliait les fameux PowerPoint? Et si on oubliait les exposés? Par la maîtrise des habiletés politiques, les professionnels RH sauront mieux utiliser leurs habiletés relationnelles pour influencer. Ils seraient mieux avisés de poser des questions, de comprendre les préoccupations, d’utiliser des moyens novateurs pour sensibiliser un groupe cible, incluant les membres de la direction. Ils y gagneront en crédibilité et en efficacité.

Communiquer par le dialogue
L’apport de la communication dans les entreprises est souvent sous-estimé, notamment dans les contextes de changement de toute nature. Des progrès sont observés, mais la communication est encore trop fréquemment transposée en informations qui sont diffusées soit par la haute direction, soit par les gestionnaires ou par d’autres mécanismes, en négligeant l’écoute et le dialogue avec les employés. Au contraire, il faut instaurer une écoute active des questions, des préoccupations ou des suggestions provenant des employés, à tous les niveaux hiérarchiques. On observe que des gestionnaires craignent d’ouvrir la discussion avec les employés, de crainte d’être bombardés de questions auxquelles les réponses peuvent manquer ou d’entendre les préoccupations des employés et de passer pour des résistants au changement. Quelle place occupe le dialogue ouvert dans l’organisation? Qu’en est-il des processus qui permettent de recueillir les commentaires et suggestions des employés, de poser les gestes requis et de faire un suivi? Y a-t-il de la considération ou de la reconnaissance pour les idées émises par les employés pour améliorer des méthodes ou des processus? Quel est l’apport des gestionnaires dans le dialogue avec les employés? Quelle proximité le président et ses représentants ont-ils avec les employés?

Définitivement, savoir écouter et parler aux employés de façon claire, sincère et simple est un défi actuel, et il le sera encore plus à l’avenir. Malgré la vitesse des changements de toutes sortes qui sont introduits dans les organisations et l’introduction de nombreuses technologies pour communiquer (écrire et lire donc sans interaction), le besoin des employés d’être écoutés et considérés. de savoir ce qui se passe et d’en comprendre les raisons et les impacts deviendra plus important lui aussi.

Les stratégies et les solutions mises en place doivent se démarquer, se réaliser rapidement et être souples
Les organisations doivent se démarquer pour survivre aux transformations qui frappent l’organisation du travail. Dans un tel contexte, nul besoin de mentionner que les entreprises doivent plus que jamais être créatives sur une base quotidienne. Ainsi, elles doivent lancer de nouveaux produits ou des services inusités, améliorer les pratiques et les processus, rehausser les standards de productivité.

Les gestionnaires savent-ils mobiliser leurs employés pour rechercher des solutions et des idées innovatrices? Créent-ils un environnement propice à l’émergence et à la concrétisation de nouvelles idées? Prennent-ils des risques? Osent-ils déranger un peu?

La créativité, c’est la capacité d’inventer ou d’imaginer quelque chose de nouveau, la capacité de produire de nouvelles idées en changeant et en combinant celles qui existent déjà. L’innovation diffère de la créativité en ce qu’elle demande, pour réaliser de nouvelles choses, de prendre des risques, de démontrer du courage, de l’engagement et de la persévérance, qualités nécessaires à la mise en œuvre d’idées créatives.

Par ailleurs, nous savons aussi que les changements s’introduisent rapidement et que les entreprises se transforment. Ainsi, les solutions qui appuient des stratégies de développement organisationnel doivent non seulement être alignées sur le plan d’affaires et viser la performance de l’organisation, mais elles doivent aussi être plus personnalisées aux individus, dans un horizon réaliste. Par exemple, est-il réaliste de considérer les plans de développement du leadership ou de la relève sur un horizon de cinq ans? Nous savons que cinq ans, c’est trop long. Donc, toute initiative de développement se doit d’être efficace et réalisée de manière accélérée. Il en est de même pour l’acquisition de talents, l’intégration des nouveaux employés, le transfert des connaissances, la planification de la main d’œuvre, les programmes de reconnaissance, etc.

Enfin, les solutions mises en place, qu’elles prennent la forme de politiques, programmes, moyens ou outils, doivent pouvoir s’actualiser dans le temps, sans trop d’investissement en ressources humaines, financières et matérielles, afin qu’elles ne perdent pas leur valeur et leur efficacité, lorsque des mises à jour sont requises en raison d’un nouveau contexte organisationnel.

Conclusion
Voilà les défis que devra relever la fonction ressources humaines en matière de développement organisationnel. D’abord, principalement au niveau des petites et moyennes entreprises, il est nécessaire d’avoir une compréhension commune de ce qu’est que le développement organisationnel, en plus d’agir comme un véritable partenaire d’affaires et de contribuer de façon significative à la performance de l’organisation. Ensuite, les enjeux de développement organisationnel peuvent être introduits par la fonction ressources humaines à la condition qu’elle ait la capacité d’influencer la direction, à l’aide d’habiletés politiques. De plus, la communication demeurera une composante cruciale du succès des initiatives de développement organisationnel tout comme de la gestion du changement. Cependant, l’ouverture au dialogue avec les employés sera encore plus un défi dans l’avenir. Enfin, non seulement les solutions mises en place doivent contribuer à la performance de l’organisation, mais elles doivent aussi être créatives, innovatrices, souples et réalisées dans un temps record, afin de permettre à l’organisation de se démarquer, de réagir rapidement pour répondre aux besoins des dirigeants et des employés et de s’actualiser advenant la venue d’un changement interne ou externe.

Chantal Teasdale, CRHA

Source : Effectif, volume 13, numéro 1, janvier/février/mars 2010.


Chantal Teasdale, CRHA