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L'équipe de travail : un organisme vivant à gérer soigneusement

La direction d’un centre de santé et de services sociaux (cas fictif) a décidé de mettre en place des équipes interdisciplinaires afin d’améliorer la qualité des soins aux bénéficiaires. L’équipe qui nous concerne aujourd’hui est composée d’un médecin et de différents professionnels : une infirmière, un orthophoniste, un psychologue, un travailleur social et une préposée aux bénéficiaires.

24 juillet 2006
Michel Maletto, CRHA

Cette équipe a été mise en place il y a un an à peine. Au début, le climat semblait satisfaisant et chacun était motivé à donner le meilleur de lui-même dans la réalisation de sa tâche. Voilà que depuis quelques semaines, la tension monte, particulièrement entre la préposée aux bénéficiaires et le psychologue. Lors de la rencontre hebdomadaire, la préposée a décidé d’ouvrir les discussions en demandant si elle était la seule à éprouver un problème avec le psychologue. Elle aurait pu démontrer plus de doigté mais, la connaissant, ses collègues ne sont pas surpris de son manque de diplomatie. Son intervention déclenche toutefois une discussion fort animée et le responsable se rend vite compte que la charge affective des propos des participants indique qu’il y a sûrement certains problèmes latents au sein de l’équipe. Le lendemain, il décide de consulter le service des ressources humaines. D’un commun accord, le gestionnaire et lui conviennent d’enclencher une démarche de résolution de conflit. Le gestionnaire aurait pu entreprendre cette démarche lui-même, mais son emploi du temps ne le lui permet pas. De plus, en raison de la charge affective perçue, il estime qu’il serait opportun de faire appel à un consultant externe pour s’assurer que tous puissent s’exprimer avec la plus grande liberté.

Le modèle d’analyse
Tout comme un individu au cours de sa vie, une équipe de travail peut être en état de survie, de maintien ou de développement. L’équipe dont il est question ici est visiblement en état de survie. Selon Katzenback, il existe quatre types d’équipe :

  • la pseudo équipe;
  • l’équipe potentielle;
  • l’équipe authentique;
  • l’équipe de haute performance.

Dans une équipe de haute performance, les membres ont :

  • un projet ou des objectifs communs;
  • une complémentarité des compétences;
  • des rôles et des responsabilités clairs;
  • une démarche commune;
  • un engagement mutuel.

De plus, chaque équipe évolue dans un environnement organisationnel qui lui est propre. Il est donc nécessaire de vérifier ces conditions organisationnelles. Par exemple, pour n’énumérer que les principales :

  • la compréhension des enjeux stratégiques;
  • la contribution de l’équipe à la réalisation du plan stratégique;
  • la coordination entre les différentes équipes de l’organisation;
  • le domaine d’expertise (core business);
  • le style de gestion qui prévaut dans l’organisation;
  • les changements en cours et à venir;
  • la charge de travail.

Enfin, on doit aussi connaître les comportements individuels, qui influencent le climat de travail et la performance de l’équipe.

À partir de ces paramètres, il faut élaborer un questionnaire d’entretiens individuels, parfois un canevas écrit, afin de vérifier ces diverses caractéristiques.

La démarche utilisée
Revenons à notre cas fictif. La consultante en développement organisationnel du centre de santé et de services sociaux a entrepris la démarche suivante.

Rencontre d’introduction avec l’équipe
Cette rencontre a pour but de présenter la démarche aux participants, mais surtout l’esprit dans lequel cette démarche doit être conduite. Ici, il ne s’agit pas de trouver des coupables ni de blâmer qui que ce soit. Il qu’une personne arrive à faire comprendre aux membres d’une équipe comment elle a produit le conflit, la situation est déjà presque entièrement résolue ou, à tout le moins, la tension a considérablement diminué. Les difficultés prennent alors tout leur sens pour les membres de l’équipe.

Afin de donner à tous un cadre de référence, la consultante présente pendant cette rencontre le modèle des équipes de haute performance. D’ailleurs, c’est souvent ce qui fait défaut en situation de conflits. Peu d’équipes ont un modèle qui leur permet de comprendre ce qui se passe et surtout de pouvoir prévenir et agir avant que la situation s’envenime et que les individus se blessent inutilement.

Entretiens individuels
Les entretiens individuels permettent de demander à chacun sa perception des éléments mentionnés ci-dessus. Ils donnent également à chaque individu concerné l’occasion de faire une certaine introspection et d’identifier comment il a personnellement contribué à établir ou à maintenir cette situation. Pour certains, l’entretien devient un soutien psychologique ou une occasion de valider leur perception. De plus, il permet au consultant de créer une relation de confiance avec chacun. Il aura besoin de cette relation par la suite puisqu’il devra donner une rétroaction, faire des commentaires ou solliciter une contribution. Le type de relation qu’il aura établie avec une personne déterminera ce qu’il pourra lui dire.

Analyse et synthèse
Dans le cas qui nous concerne, l’équipe n’avait pas eu le temps de se structurer avant que ses membres commencent à travailler ensemble. Comme pour une équipe sportive, disons que le plan de match doit être clair pour chaque joueur si on souhaite coordonner les efforts durant la joute. Un coach d’une équipe sportive bien connue a d’ailleurs déjà fait le commentaire suivant : « Vous, les gens d’affaires, je ne vous comprends pas. Vous souhaitez être les meilleurs, mais vous êtes toujours sur la patinoire, et pas souvent dans la salle des joueurs. Nous, la partie se joue autant dans le vestiaire que sur la patinoire ».

Présentation du rapport
Voici un résumé du rapport que la consultante a présenté au gestionnaire de l’équipe, puis à l’équipe.

– L’équipe…
Tous les membres se sont bien approprié tant les objectifs que les rôles et responsabilités. Cependant, les membres ne travaillent pas conformément au modèle d’équipe interdisciplinaire.

Les compétences complémentaires : ces professionnels ont une haute maîtrise des compétences dans leur secteur d’activité, mais les compétences personnelles et interpersonnelles sont à développer.

Une démarche commune : c’est ici que la plupart des équipes connaissent des difficultés. Dans le cas présent, la démarche commune consiste à standardiser la façon de recueillir les données auprès des bénéficiaires, de les traiter, de les échanger en tenant compte du champ de compétences de chacun et de convenir du plan de soins.

L’engagement mutuel semble ne pas satisfaire les attentes de chacun. Dans une équipe de haute performance, chaque membre est responsable non seulement des objectifs de l’équipe et de ses propres objectifs, mais aussi des objectifs de ses collègues.

Le leadership exercé dans cette équipe demeure un point critique. Le leadership de compétence est reconnu par tous, mais le leadership relationnel est laissé pour compte. Cette lacune est souvent un facteur déterminant dans les conflits au sein des équipes de travail. Un leader qui possède les compétences nécessaires pour bien assumer son rôle, les compétences relatives au domaine d’expertise de l’équipe, les compétences relationnelles et les compétences personnelles exerce nécessairement un ascendant sur les membres du groupe et peut ainsi influencer son équipe dans différents aspects. Ce leader anticipe les situations conflictuelles, les traite et permet à son équipe de développer son plein potentiel. Le leadership transformationnel est sans conteste un puissant antidote aux conflits dans les équipes de travail.


– L’organisation

La mise en place du centre de santé et de services sociaux est un changement majeur. Or, la consultante se rend compte que ce changement n’a pas été géré de manière à permettre aux différents personnels de faire le deuil de leurs anciennes organisations et à favoriser ainsi la création d’une nouvelle culture et l’émergence d’un nouveau sentiment d’appartenance à l’organisation.

La charge de travail est également un facteur contribuant au conflit dans cette équipe. L’organisation du travail mériterait d’être révisée.


– Les individus

L’attitude de la préposée aux bénéficiaires n’est qu’un symptôme illustrant certaines difficultés relationnelles identifiées par la consultante. D’autres membres présentent des caractéristiques que l’on attribue aux personnalités difficiles. Le respect de l’autorité n’est pas évident et pose des difficultés, en ce sens que ces professionnels ne sentent pas qu’ils ont à rendre des comptes à l’organisation.

Tous ces facteurs cumulés ont fait émerger la situation conflictuelle au sein de cette équipe. La consultante constate qu’ils n’ont pas été perçus par le gestionnaire et que l’équipe a été mise en activité sans que les conditions de réussite nécessaires à son plein développement aient été analysées.

Des recommandations appropriées à cette analyse ont été proposées par la consultante et acceptées par l’ensemble de l’équipe.

Conclusion
Une équipe de travail est un organisme vivant dont la naissance, le développement, la maturité et le déclin doivent être constamment gérés, faute de quoi elle risque de se retrouver dans une situation de survie. Les différents aspects organisationnels, groupaux et individuels, s’ils ne sont pas pris en compte, viendront tôt ou tard affecter le climat de l’équipe et, en conséquence, sa performance. Les conflits sont inévitables. Par ailleurs, s’ils sont bien gérés, ils peuvent être autant d’occasions de croissance. Les équipes qui ont su gérer leurs différends et qui ont appris à se parler ont toujours permis à elles-mêmes et à leurs membres ainsi qu’à l’organisation de se développer.

Michel Maletto, CRHA, Maletto et associés Inc.

Source : Effectif, volume 9, numéro 3, juin/juillet/août 2006


Michel Maletto, CRHA