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La valeur des contrastes en mentorat pour développer le leadership

Dans le but de réaliser les meilleurs jumelages possibles en mentorat, on tente généralement de déterminer les compatibilités entre les personnes, mais on s’arrête trop souvent aux compatibilités de surface alors qu’il faudrait aussi tenir compte des contrastes.
16 janvier 2024
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow

« Croissance et confort ne coexistent pas », affirmait Ginni Rometty, ex-PDG de IBM. Cela est particulièrement vrai dans le domaine du développement du leadership qui requiert des réflexions en profondeur et parfois des remises en question qui ne sont pas toujours faciles à réaliser en solo. À cet égard, la recherche a démontré que l’accompagnement mentoral peut faciliter le développement du leadership tant chez les personnes mentorées que chez les mentors. Toutefois, les relations mentorales étant généralement complexes, il peut être intéressant de comprendre les éléments particuliers d’une relation mentorale qui soutiennent de facto le développement du leadership.

Le leadership se développe dans la profondeur

Une équipe de recherche de l’Université de Calgary[1] s’est intéressée aux conditions optimales d’appariement entre la personne mentore et la mentorée lorsque l’objectif du mentorat est le développement du leadership des personnes mentorées. Pairer des individus sur la base de leurs similarités offre bien sûr un espace pour établir une relation relativement confortable.[2] Cet état de confort peut toutefois limiter les possibilités d’apprentissage des deux partenaires, car les membres d’une dyade forte en similarités peuvent simplement renforcer leurs préconceptions et expériences personnelles et demeurer à la surface des choses. Or, le leadership se développe dans des zones plus profondes de réflexion.

Le bon appariement, selon cette recherche, sera celui qui génère un peu de friction en raison des contrastes individuels, par exemple, entre des personnes qui ont des formations, des personnalités ou des expériences différentes. Les responsables de programme devraient donc considérer ces éléments de contraste lors du jumelage dans le cadre d’un programme destiné au développement du leadership.

Donner du temps au mentorat

De plus, il faut aussi s’assurer que les membres des dyades passeront suffisamment de temps ensemble pour aborder des sujets plus profonds comme le désir de croissance personnelle, la consolidation de l’identité personnelle et professionnelle, les aspirations ainsi que les besoins d’actualisation de soi. Il ne s’agit pas de rechercher une multitude de contrastes entre les deux partenaires, mais il devrait y en juste assez pour éventuellement générer une friction créative qui exigera de la dyade un effort et du temps pour aller au fond des choses.

Apparier les identités au lieu des personnalités

Le mentorat n’est généralement pas une rencontre de personnalités comme on le croit souvent. Il s’agit plutôt d’un jumelage d’identités différentes construites sur des vécus individuels qui deviennent des éléments précieux d’apprentissage à partager et où même les histoires embarrassantes ont leur place.[3]

C’est parfois dans les moments de maladresse, de confusion et même un peu déplaisants que nous pouvons accéder au développement du leadership en mentorat, car ces moments représentent de manière plus réaliste le type d’interaction auquel beaucoup de leaders font face chaque jour.

Il y a toutefois deux dimensions personnelles chez les partenaires en mentorat qui augmentent le potentiel d’obtenir des résultats concrets des relations mentorales et qu’on devrait tout le temps considérer lors d’un jumelage :

  1. l’ouverture à l’expérience afin d’être en mesure de sortir de ses zones de confort et
  2. un esprit consciencieux pour s’engager pleinement dans la relation mentorale.

Conclusion : maintenir l’agréabilité malgré les contrastes

Si l'on recherche des effets de contraste susceptibles de créer certaines frictions à l’occasion, cela ne signifie pas que les relations ne peuvent pas être cordiales. À cet effet, on souhaite toujours voir un bon degré d’agréabilité ou d’amabilité comme caractéristique personnelle chez les partenaires en mentorat. Cette caractéristique facilite le démarrage d’une relation et contribue à la maintenir positive durant tout son déroulement, malgré les contrastes entre les deux personnalités. L’agréabilité est une qualité humaine indispensable en mentorat, même entre personnes qui ne voient pas le monde à travers les mêmes lentilles.


Author
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow Conseiller en mentorat Yvon Chouinard

Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow, est conseiller en mentorat. Il œuvre activement comme bénévole à Mentorat Québec au sein de son comité Veille et Recherche. Il est en particulier rédacteur en chef de La Sentinelle mentorale qui est publiée en janvier lors du Mois du mentorat.


  1. Samuels, K.L., Reynolds, G. and Turner, N. (2023), Finding fit in friction: the value of contrast in mentoring for leadership development, Leadership & Organization Development Journal, Vol. 44 No. 2, pp. 291-303. https://doi.org/10.1108/LODJ-05-2022-0245
  2. Allen, T. D.. , Day, R. & Lentz, E. (2005). The Role of Interpersonal Comfort in Mentoring Relationships. Journal of Career Development, Vol. 31, No. 3, Spring 2005. DOI: 10.1007/s10871-004-2224-3
  3. Turban, D., & Lee, F. (2008). The role of personality in mentoring relationships: Formation, dynamics, and outcomes. In The Handbook of Mentoring at Work: Theory, Research, and Practice, Eds. Belle Rose Ragins & Kathy E. Kram. SAGE Publications, Inc., https://doi.org/10.4135/9781412976619