Introduction
Il est indéniable que la pandémie a indubitablement mis en lumière la nécessité pour tous les dirigeants de se doter d’un plan de contingence et de penser aux besoins non planifiés et urgents. Valsant entre un départ pour cause de maladie professionnelle, une démission surprise et une retraite imprévue, certains départs nécessitent une approche planifiée loin de l’improvisation.
Pour le professionnel RH, même l’imprévu se prépare. Dans un contexte de pénurie de la main-d’œuvre, et où les liens d’emplois raccourcissent, les gestionnaires font face à une situation de gestion de la relève très difficile. L’agence Québec International[1] notait en 2022 que les départs à la retraite sont de l’ordre de 20 % sur une perspective de cinq ans et qu’annuellement, pour chaque tranche de 100 employés quittant le marché du travail, il n’y a environ que 87 employés qui accèdent à ce marché. Ces statistiques renforcent ce que La Presse nous apprenait en octobre 2021[2] alors qu’elle notait que pour 100 travailleurs se dirigeant vers la retraite, il n’y avait que 83 travailleurs pour les remplacer.
Ainsi présentée, l’identification de la relève pose de multiples enjeux, et c’est dans ces conditions que le professionnel RH doit relever les défis liés à la mobilisation et à générer de l’intérêt pour les postes de relève, tout en ne négligeant pas la gestion des talents.
La gestion de la relève
Les gestionnaires doivent être responsables de la gestion de leurs talents et du développement de leur relève, mais sont-ils convenablement outillés pour le faire?
Une récente recherche, financée par Ceridian[3], a mis en évidence un constat sans équivoque : les organisations reconnaissent unanimement l’importance de la planification de la relève. Cependant, bon nombre d’entre elles ne prennent pas les mesures nécessaires pour assurer l’efficacité de leurs programmes. En effet, selon les données du rapport datant de 2019, 58 % des grandes organisations ont en place un processus officiel de planification de la relève, comparativement à 29 % des petites entreprises comptant 100 employés ou moins.
Alors que la gestion des talents est un processus continu consistant à attirer, recruter, retenir et mobiliser les talents, les meilleurs candidats et les employés à haut potentiel, la gestion de la relève est un processus continu de planification annuelle visant à évaluer, réévaluer et modifier les stratégies de gestion des talents afin que le professionnel RH et le gestionnaire s’assurent proactivement que les postes soient pourvus sans heurts, et non pas seulement lorsqu’un poste devient vacant.
Dans cette optique, le professionnel RH doit pourvoir des postes clés en gérant à la fois le talent et les employés clés. Pour planifier et gérer efficacement cette relève, le professionnel RH doit viser l’ensemble des employés et pas uniquement les employés clés occupant des fonctions clés.
Pour être efficace et utilisé, un bon plan doit être élaboré dans le but de faciliter la planification de différents scénarios en indiquant qui est prêt maintenant à occuper un poste critique, et qui pourrait l’être à court terme. L’accent doit être mis sur les rôles clés, ceux ne pouvant pas être laissés vacants, tout en gardant à l’esprit l’effet de chaise musicale qui s’en suit. L’employé clé choisi laissera à son tour son poste, pour lequel une relève doit aussi être prévue. Lors de cette planification et cette gestion de la relève, le professionnel RH et le gestionnaire ne doivent surtout pas supposer que les employés choisis accepteront le rôle et les implications que cette relève entraîne.
Puisque gérer la relève c’est gérer l’avenir, l’analyse de la culture de l’entreprise et le degré d’engagement de la haute direction dans la gestion de la relève permettent non seulement de tester la volonté et la compréhension de la haute direction sur ce que signifie réellement gérer la relève, mais aussi de prévoir certains obstacles au moment du déploiement du programme.
La relève et le talent restent-ils?
Gérer le talent et gérer la relève lors des départs sans raison apparente sont parmi les principaux défis pour les entreprises veulent planifier afin d’assurer la continuité de leurs opérations. En effet, selon les données d’une enquête sur la population active de Statistique Canada[4], les jeunes générations sont beaucoup plus susceptibles de connaître une vie professionnelle plus mouvementée. On s’attend à ce que les travailleurs des générations Y et Z occupent entre 12 et 15 emplois au cours de leur vie active. Les travailleurs âgés de 25 à 34 ans changent d’emploi plus rapidement que leurs parents baby-boomers, intégrant un nouveau poste tous les 3,2 ans.
Alors qu’il y avait près de huit travailleurs potentiels par personne de 65 ans et plus en 1971, il n’y en aura plus que deux en 2031. D’ici cette date, le bassin de travailleurs potentiels, soit les personnes de 20 à 64 ans, comptera près de 100 000 personnes de moins. Pour sa part, le gouvernement du Québec anticipe que d’ici 2030, il y aura 1,4 million de postes à pourvoir dans la province[5]. Aujourd’hui, pour 100 postes occupés, plus de 6 sont vacants au Québec, alors que ce taux était à 2 pour 100 postes occupés en 2016.
Actuellement, il y a plus de personnes près de l’âge de la retraite que de personnes en âge d’entrer sur le marché du travail. Pour chaque personne qui quitte le marché de l’emploi, 0,8 personne y accède. Le ratio entre les entrants potentiels sur le marché (20 à 29 ans) et les sortants potentiels (55 à 64 ans) n’a jamais été aussi faible au Québec. Il y a vingt ans, il s’élevait à 1,3.
En conclusion
En conclusion, mettre en place un programme de gestion de la relève efficace, c’est développer un avantage concurrentiel dynamique pour l’entreprise et son avenir. Cela prend une démarche structurée assortie d’une philosophie de gestion de changement. Cela nécessite aussi des outils novateurs que les gestionnaires seront capables de s’approprier. Pour réussir une telle démarche, il est enfin essentiel d’obtenir un engagement sans faille de la part de la haute direction.
Finalement, l’ensemble des éléments présentés prennent forme là où les taux de roulement sont élevés et les taux de rétention plutôt bas. Ainsi, l'absence de ressources, le manque de temps et d’intérêt des gestionnaires occasionnent des délais, des reports ou tout simplement l’abandon des activités liées à la relève.
Pour aller plus loin
Consultez le site de la BDC : https://www.bdc.ca/fr/articles-outils/boite-outils-entrepreneur/gabarits-documents-guides-affaires/glossaire/planification-de-la-releve
Consultez le site de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : https://www.cfib-fcei.ca/fr/ressources/preparer-un-plan-de-releve
Consultez le site de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés : https://ordrecrha.org/
- https://www.quebecinternational.ca/fr/nouvelles/marche-du-travail-bilan-et-perspectives-2021-2022
- https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-10-29/ou-sont-les-travailleurs.php
- https://www.ceridian.com/fr/blog/what-s-getting-in-the-way-of-effective-succession-planning
- https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-008-x/2011002/article/11520-fra.htm
- https://www.ledevoir.com/interactif/2022-08-23/penurie-maindoeuvre/index.html