Très souvent, en contexte de développement, on peut entendre des réflexions du type « Je suis fait comme cela », « Que veux-tu, je suis d’même ». D’ailleurs, une partie de ce que la psychologie positive a apporté d’intéressant en matière de développement, c’est qu’elle propose de mieux solliciter nos forces plutôt que de s’essouffler à développer nos besoins potentiels d’amélioration.
Par contre, on oublie parfois un joueur clé dans cette réflexion : notre cerveau.
En effet, notre cerveau, dans le but de préserver notre estime de soi et notre confiance en soi, a la fâcheuse tendance à nous jouer des tours et à favoriser des croyances et des comportements réconfortants. Par exemple, demandez à un introverti ce qu’il pense des extravertis, il vous dira très souvent « ils parlent pour rien dire ». Inversez les rôles et un extraverti dira « on se demande parfois s’ils sont intéressés par la rencontre, on dirait qu’on les ennuie ». Ces pensées sont certes réconfortantes, car il est plus facile de juger négativement le comportement inverse que d’en reconnaître la valeur. Imaginez la chose : si un extraverti devait reconnaître que l’introverti apporte quelque chose d’unique par la qualité de son recul, ses réflexions, et qu’il voit des choses qui peuvent contribuer significativement au groupe, cela justifierait de faire des efforts en ce sens. Et vice-versa, un introverti qui reconnaît que les échanges multiples d’un extraverti peuvent davantage contribuer à susciter l’effervescence des idées de l’ensemble du groupe en partageant ses pensées devrait penser s’y mettre de temps en temps…
Ce type d’analyse simpliste, comme quoi les traits opposés sont négatifs, c’est notre cerveau qui souvent l’impose. Malgré sa volonté d’apprendre, de se développer et de s’actualiser, une partie de ce dernier reste préoccupée par la gestion de l’énergie dont il dispose. Puisque se développer, changer des comportements, croyances, pensées, etc. requiert de l’effort, une partie de notre cerveau s’efforce de nous convaincre que ce n’est pas nécessaire… C’est donc à nous d’être très vigilants.
Et pourtant, Dieu sait que nous évoluons pendant toute notre vie, en général. Pour la majorité d’entre nous, nous ne sommes plus les mêmes à 20, 30, 40, 50 ou 60 ans… Heureusement d’ailleurs!
Comment contrecarrer les stratégies pernicieuses de notre cerveau
La rétroaction des autres
Malgré la croyance de plusieurs selon laquelle ils se connaissent bien et sont en mesure d’un haut degré d’introspection, c’est davantage par les autres que nous en apprenons le plus sur nous-mêmes. Nous avons besoin de la rétroaction des autres pour en arriver à une vision équilibrée de ce que nous apportons à notre milieu de travail et de ce sur quoi nous pourrions fournir des efforts de développement utiles. Or, une recherche récente montre que malgré notre intérêt pour la rétroaction des autres, nous nous éloignons de ceux qui nous fournissent un regard critique et constructif, alors que nous nous rapprochons de ceux qui nous complimentent et qui nous offrent un regard parfois complaisant. Certes, sur le coup, une rétroaction corrective peut pincer un peu, mais elle est essentielle pour notre propre progression. Faire l’effort d’aller chercher cette rétroaction auprès d’individus plus critiques est donc particulièrement payant et aide à faire taire le cerveau protecteur. Évidemment, tout est une question d’équilibre; il reste important pour notre estime de soi et notre confiance en soi de nous exposer ou de favoriser la reconnaissance des autres à notre égard (même si on pense ne pas en avoir besoin…).
Reconnaître la valeur ajoutée de traits/comportements différents des nôtres
Une autre stratégie intéressante à envisager consiste à développer une plus grande vigilance à l’égard de nos réactions à des façons d’être, propos, comportements, qui, naturellement, nous « dérangent » ou nous heurtent. L’idée étant de détecter quand cette partie du cerveau se met en activité et de la forcer à analyser les comportements manifestés de façon opposée. Par exemple, au lieu de se dire que quelqu’un qui manifeste des comportements de sens politique est une personne peu fiable, manipulatrice, peu authentique, essayer de voir quels sont les avantages pour l’organisation ou l’équipe de ces comportements/compétences peut être une avenue très intéressante à envisager. Ainsi, le discours intérieur pourrait se transformer, dans ce cas-ci, en un discours où on reconnaît que quelqu’un qui a un bon sens politique facilite les rapprochements entre acteurs clés, favorise la collaboration et aide à ce que chaque partie prenante en arrive à une compréhension plus juste de la réalité de chacun.
Alors dorénavant, lorsqu’une pensée du type « que veux-tu que j’y fasse, je suis fait comme cela » émerge, posez-vous la question suivante : qui parle? Est-ce votre partie du cerveau qui veut conserver votre énergie, ou celle qui fait un choix conscient et réfléchi sur ce que vous souhaitez réellement ou non développer?
Antoine Devinat, CRHA, psychologue industriel et organisationnel et coach certifié PCC (Professional Certified Coach) par l’International Coach Federation, intervient à titre de consultant dans le domaine des ressources humaines depuis près de vingt ans. Ses champs d’expertise et d’intervention principaux sont l’évaluation et le développement des compétences de tous les niveaux de postes dans les organisations publiques, parapubliques et privées. On peut le joindre par courriel à adevinat@adnleadership.com.
Site web : www.adnleadership.com
Pour en savoir plus : McGonigal, Kelly. L’instinct de volonté : comment renforcer votre persévérance et mettre fin à la procrastination pour atteindre enfin tous vos objectifs (The Willpower Instinct). Disponible sur Kindle ou chez les éditions Guy Trédaniel