Cet article, s’appuyant sur une expérimentation réalisée dans le cadre d’une recherche partenariale portant sur l’optimisation des GCP[1] présente trois questions clés qu’un facilitateur doit se poser pour transformer sa posture présentielle en virtuelle.
-
Comment redéfinir les attentes de toutes les parties prenantes (répondant organisationnel, participants, facilitateur)?
Un GCP virtuel demande à tous d’adopter de nouvelles manières de faire. Il est donc essentiel de redéfinir et de s’approprier collectivement cette nouvelle pratique de facilitation. Il importe de réfléchir à l’expérience humaine qui se vit dans un groupe virtuel par rapport à celle vécue en mode présentiel, aux besoins technologiques et aux compétences qui y sont associées, aux coûts ainsi qu’aux avantages et bénéfices de faire partie d’un GCP à distance (Sabourin et Lefebvre, 2017).
-
Comment redéfinir l’expérience humaine dans un groupe virtuel?
Le succès d’un GCP repose entre autres sur les relations établies entre les participants ainsi que sur la confiance et le plaisir ressentis durant l’expérience de groupe. Toutefois, quiconque ayant déjà participé à un GCP en présence s’est construit une conception de l’expérience humaine vécue qui peut être différente en mode virtuel. Cette expérience, pour qu’elle soit positive, exige de redéfinir notre posture de facilitateur en lien avec l’usage de moyens différents comme :
-
Exploiter la puissance de la technologie.
Certaines plateformes technologiques proposent des outils permettant la collaboration (tableau blanc, ateliers participatifs, partage d’écran, clavardage, sondages interactifs, dépôt de documents, enregistrements vidéo, etc.) qui facilitent les échanges et les partages ainsi que le développement de la cohésion du groupe, en plus de capter l’intérêt des participants.
-
Adopter des outils pour favoriser la communication et le partage entre les participants.
Il est pertinent de prévoir un espace de collaboration afin de développer une communauté virtuelle (groupe Facebook, site web, wiki, etc.) entre les ateliers de codéveloppement.
-
Encourager une présence et une écoute attentives.
Il importe que chaque participant soit entièrement concentré sur la séance. Seul devant l’écran, il est plus facile de se laisser distraire par ce qui se produit dans son environnement. À cet effet, voici quelques conseils : fermer sa boîte courriel et son cellulaire ou se placer dans une pièce isolée afin de ne pas être dérangé.
-
L’observation est la clé.
Si elle est nécessaire lors de la facilitation en présence, elle est fondamentale en facilitation à distance. En effet, comme il peut être plus difficile de ressentir l’ambiance de son groupe, il est primordial d’être attentif, par exemple, aux signes d’intérêt ou d’ennui, de cohésion ou de tension, ce qui permet d’ajuster le tir au besoin.
-
-
Comment demeurer attentif à son groupe tout en pilotant la technologie?
La collaboration avec une personne responsable du volet technologique pendant une séance de GCP est indispensable. En effet, le collaborateur, qui peut aussi assumer la fonction de cofacilitateur, joue un rôle primordial en permettant au facilitateur principal de porter toute son attention sur la démarche et le climat du groupe. Le collaborateur peut, en plus d’assurer le bon fonctionnement technologique, recueillir les informations et questions provenant du groupe dans l’espace clavardage.
Il va sans dire qu’il est essentiel de s’assurer que chacun dispose des moyens technologiques nécessaires et compatibles pour participer pleinement au groupe. Certaines organisations possèdent leur propre technologie. D’autres plateformes sont disponibles sur le web, payantes ou non.
En conclusion : découvrir de nouvelles sources de plaisir dans son rôle de facilitateur virtuel
Si l’expert Jean-Philippe Poupart pose la question « le métier de facilitateur à distance reste-t-il à inventer? » (2017, p.154), il est clair que de nouveaux repères et de nouvelles manières de procéder sont à explorer. Notre succès, comme facilitateurs virtuels, repose assurément sur notre capacité à redéfinir notre posture et nos pratiques pour découvrir de nouvelles sources de plaisir et de motivation. Pour cela, il importe aussi de faire preuve de persévérance, de flexibilité, et surtout de nous donner le droit à l’erreur. Après tout, le facilitateur est aussi un apprenant. Une séance qui s’est moins bien déroulée peut être une source de riches apprentissages! C’est aussi une belle occasion à saisir pour discuter ouvertement avec les participants des défis rencontrés afin de solidifier notre pratique professionnelle et notre leadership d’accompagnement.
Pour aller plus loin…
- Formation CRHA (en collaboration avec l’AQCP) : Initiation à l’animation du groupe de codéveloppement professionnel, 4 et 11 février 2019.
Références
- Sabourin, N., et Lefebvre, F. (2017). Collaborer et agir : mieux et autrement : guide pratique pour implanter des groupes de codéveloppement professionnel. Éditions Sabourin Lefebvre : Montréal.
- Codev-Action. (2018). Conversation avec des experts du codéveloppement professionnel [Vidéo en ligne]. Montréal. Repéré à cette adresse.
- Poupard, J.-P. (2017). Devenir facilitateur : professionnaliser ses pratiques collaboratives en entreprise. 1 min 30 s. Publishing : France.
Association québécoise de codéveloppement professionnel : www.aqcp.org
À propos des auteures
Marie-Josée Gagné, M. A. détient une maîtrise en communication de l’UQAM portant sur le développement de la pensée critique par le codéveloppement professionnel. Elle est active dans le milieu de la recherche sur le codéveloppement professionnel depuis 2013. Elle entreprend présentement un doctorat en informatique cognitive à l’UQAM. On peut la joindre à gagne.marie-Josee@uqam.ca.
Nathalie Sabourin, M. Sc., CRHA, experte en développement organisationnel et facilitation collaborative et coach Strengthsfinder. Elle forme et accompagne des facilitateurs de groupe de codéveloppement professionnel et s’intéresse à la mise en place de nouveaux modes participatifs pour créer des cultures collaboratives et créatives dans les organisations. On peut la joindre à nathalie@sabourinconsult.com.
Site web : www.sabourinconsult.com
Nathalie Lafranchise, Ph. D. est professeure au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal. Elle détient un doctorat en éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières et une maîtrise en communication (profil psychosociologie) de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux de recherche portent sur l’accompagnement sous différentes formes, notamment les groupes de codéveloppement. De plus, depuis 1999, elle soutient les milieux de l’éducation, de la santé, communautaires et associatifs dans l’élaboration et la mise en œuvre de programmes d’accompagnement professionnel. On peut la joindre à lafranchise.nathalie@uqam.ca.
1 Démarche de recherche-action collaborative visant à approfondir l’optimisation et les impacts des groupes de codéveloppement professionnel, dans une perspective transversale des secteurs. www.codev-action.com