La méthode du codéveloppement est de plus en plus populaire dans les organisations. Toutefois, implanter des groupes de codéveloppement requiert une réflexion préalable afin de choisir la stratégie qui convient à la culture de l’organisation. C’est différent d’une activité de développement habituelle. Il faut donc s’assurer que les gestionnaires comprennent le fonctionnement et les implications reliées à leur participation à un groupe et adhèrent aux règles fixées par le groupe.
Rappelons que, selon Payette et Champagne (2000), un groupe de codéveloppement est « une approche de développement pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique ».
Comment instaurer le codéveloppement dans votre entreprise en vous donnant les meilleures chances de succès du point de vue organisationnel, des participants et de l’animateur?
Sur le plan ORGANISATIONNEL, l’expérience nous enseigne que :
- la direction de l’entreprise doit adhérer au projet;
- le plan est essentiel pour bien communiquer le projet; à titre d’exemple, ce plan pourrait inclure :
- une présentation formelle à la direction;
- des présentations aux gestionnaires concernés;
- une session d’information, dans laquelle le haut dirigeant communiquera comment l’entreprise entend appuyer le projet; cette session pourrait inclure une démonstration sous la forme de la technique du cercle excentrique (fish bowl), qui permet de démystifier le déroulement d’une rencontre de codéveloppement.
- plusieurs options s’offrent aux entreprises pour créer un groupe de codéveloppement : inviter des participants ciblés à former un groupe pilote, lancer une invitation générale; tout dépend de l’objectif visé par l’entreprise, de son degré d’ouverture et de sa culture organisationnelle;
- les professionnels RH internes sont souvent choisis de facto pour animer les groupes; il faut faire attention; d’un côté, il est clair que le professionnel RH interne connaît la culture de l’entreprise et est à même de comprendre les problématiques soulevées par les participants; toutefois, comme son rôle l’amène aussi à intervenir dans diverses situations pouvant avoir des répercussions sur la carrière des participants, ceux-ci pourraient ne pas partager des émotions ou autres informations délicates par crainte de créer une mauvaise impression qui pourrait leur nuire un jour; il pourrait donc être souhaitable d’utiliser les services d’un animateur perçu comme neutre;
- les groupes doivent être composés de gens complémentaires de même niveau hiérarchique ;
- la participation à un groupe de codéveloppement doit être alignée sur le plan de développement professionnel de la personne.
Du point de vue du PARTICIPANT, les éléments suivants sont incontournables :
- obtenir le soutien de son supérieur hiérarchique; une entente d’engagement du participant envers le groupe est souvent utilisée; cette entente devrait être signée par le participant et son supérieur immédiat;
- être motivé à devenir plus compétent;
- faire preuve d’ouverture d’esprit;
- faire preuve de générosité, vouloir donner autant que recevoir;
- identifier les compétences à développer par le codéveloppement et faire le lien avec son plan de développement professionnel;
- noter ses apprentissages; c’est motivant et ça permet de mesurer ses progrès;
- tenir un journal de bord quotidien sur ses questionnements professionnels, qui permet de prendre du recul, découvrir ses modèles d’intervention, ses bons et mauvais coups et ramener ses réflexions au groupe.
Du point de vue de l’ANIMATEUR, les éléments suivants devraient être considérés :
- posséder de solides compétences en animation de groupes;
- suivre une formation sur l’animation d’un groupe de codéveloppement;
- être soi-même membre d’un groupe de codéveloppement où on ne joue pas le rôle d’animateur;
- pour le professionnel RH qui anime bien souvent le groupe, distinguer son rôle d’expert en ressources humaines de son rôle d’animation;
- clarifier le rôle de l’animateur auprès des dirigeants; à cet effet, l’Association québécoise de codéveloppement professionnel a élaboré un code d’éthique fort intéressant : http://www.aqcp.org//client_file/upload/document/AQCP_Code-d-ethique_codeveloppement_professionnel.pdf
La mesure du succès : les apprentissages réalisés
Le succès d’un groupe de codéveloppement est tributaire des apprentissages réalisés par les participants; l’animateur joue un rôle essentiel dans leur identification. Voici des moments charnières où l’animateur doit amener les participants à s’arrêter pour réfléchir à leurs apprentissages :
- au début des rencontres, inviter les participants à porter attention aux occasions d’apprentissage tout au long de la session;
- arrêter le processus après chaque grande étape et demander : qu’est-ce que le client nous apprend dans notre pratique respective?; laisser quelques minutes pour écrire dans son cahier d’apprentissage;
- lorsqu’une intervention particulièrement porteuse se produit, demander : qu’est-ce qui fait que cette question aide vraiment le client?;
- être constamment à l’affût de ce qui peut profiter à tous en termes d’apprentissage et le faire ressortir;
- à la fin de la séance de consultation, demander à chacun de noter ses apprentissages et de les partager ensuite avec le groupe (voici ce qui m’a étonné, voici les questions avec lesquelles je pars, etc.);
- lors de la rencontre suivante, demander aux participants de nommer les réflexions et apprentissages réalisés depuis la dernière rencontre.
Conclusion
Le succès d’un groupe de codéveloppement repose sur l’alliance de tous les intervenants pour favoriser l’apprentissage. Tous les éléments sont importants. Il n’y a pas de magie, simplement une volonté commune de mettre en œuvre les moyens pour que les gens apprennent, se développent et deviennent meilleurs.
Références et suggestions de lecture
- Adrien Payette et Claude Champagne. Le groupe de codéveloppement professionnel, Presses de l’Université du Québec, 2000.
- « Le codéveloppement et autres formes d’apprentissage-action », sous la direction d’Adrien Payette, Université de Sherbrooke, Interactions, vol. 5, n° 2, automne 2001.
- Code d’éthique du codéveloppement professionnel, Association québécoise de codéveloppement professionnel.
- Actes du GRAND FORUM sur le codéveloppement professionnel (avril 2013).
À propos de l’auteure
France Lefebvre, CRHA est présidente de Fortuna Groupe Conseil, cabinet spécialisé en services-conseils en gestion du talent. Elle anime des ateliers de formation, en français et en anglais, notamment Animer des groupes de codéveloppement et Virage 180 : Recadrer sans discipliner. On peut la joindre par téléphone [514 573-4383] ou par courriel [france.lefebvre@fortunagroupeconseil.com].