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Opération brise-glace!

Prendre la parole devant un groupe. Créer un lien spontané qui permettra de garder l'attention des participants quelques heures durant. Les dix premières minutes d'une formation sont cruciales et font la différence entre une animation réussie ou ratée. Heureusement, certains trucs existent. Quand les experts dévoilent leurs recettes secrètes…

1 avril 2004
Guylaine Boucher

Évelyne Morrisseau, CRHA, est conseillère, formation et développement organisationnel au réseau français de télévision de Radio-Canada. Chaque jour, ou presque, elle doit animer des rencontres de formation. Pour elle, il ne fait aucun doute que « le succès d'une formation se joue dans les premières minutes de l'animation ».
Même son de cloche du côté de la Commission scolaire de la Capitale, où Claude Paradis, CRIA, agit comme responsable du service aux entreprises. « En formation, peu importe le sujet abordé, le défi est toujours le même. Il faut savoir susciter la curiosité des gens et les placer en éveil. Les activités brise-glaces sont fondamentales. Quand les gens partent à la pause parce qu'ils trouvent “le groupe froid”, c'est signe que ça n'a pas fonctionné. Une ouverture de formation manquée, c'est une occasion de communication ratée. »

Travailler avant, animer après
Formatrice depuis trente-cinq ans, Renée Noreau, CRHA, qui travaille pour Les Consultants L.N.A., a vécu toutes sortes d'expériences, certaines positives, d'autres moins. Le temps lui a cependant appris que quelques éléments peuvent contribuer au succès. Aussi, affirme-t-elle, avant même de prétendre mettre des dizaines de personnes à l'aise, le formateur doit briser sa propre glace. « Malgré toute mon expérience, j'ai toujours le tract avant de commencer une formation. Je prends donc le temps de me préparer, de me détendre et de me rendre disponible. J'arrive en moyenne une heure avant la formation. Je place la salle et je m'approprie les lieux. Quand les gens arrivent, je les accueille un à un et je les invite à s'installer. Ça m'aide à savoir à qui je m'adresse. »

La préparation est aussi essentielle dans l'esprit d'Évelyne Morrisseau. Elle accorde par exemple une attention spéciale au profil de son groupe. « Comme formateur, le travail est très différent selon que l'on rencontre des gestionnaires ou des gens qui travaillent sur une ligne de production, parce que ces personnes n'ont pas les mêmes préoccupations. Il faut chercher à avoir de l'information préalable, connaître les besoins, la réalité des gens qui seront devant soi de manière à se sentir en confiance. Lorsqu'on arrive stressé parce qu'on n'est pas bien préparé, l'auditoire le sent et ça n'aide pas à briser la glace. »

Parce qu'elle s'informe toujours de la réalité vécue par les gens qu'elle doit rencontrer, Huguette Rouillier, CRHA, formatrice à la firme Adeptes, se fait par exemple un point d'honneur d'adapter son attitude aux personnes qui sont devant elle. « Mes cours de formation portent pour la plupart sur le comportement, aussi je n'hésite pas à caricaturer certaines choses. Dans un groupe trop parfait où la tension est palpable, où l'erreur n'est pas permise, il m'est par exemple déjà arrivé d'échapper volontairement mes cahiers d'animation ou d'oublier des choses pour détendre l'atmosphère et montrer que l'on a le droit de se tromper, de ne pas être parfait. Ça donne le ton dès le départ. »

Identifier les places qui seront occupées par les gens en prenant bien soin de séparer les personnes qui travaillent quotidiennement ensemble favorise aussi le dialogue. D'ailleurs, dans un même ordre d'idées, les formateurs s'entendent pour dire qu'une bonne stratégie consiste à laisser un certain temps de discussion informelle au début de la session.

À chacun son truc
Au delà de la préparation et du ton donné aux activités, divers trucs peuvent aussi être utilisés pour mettre les participants à l'aise, d'entrée de jeu. Avec les années, Claude Paradis a notamment conçu divers moyens pour rendre le début de l'activité moins formel. « Les techniques utilisées sont très personnelles à l'animateur. On peut par exemple demander aux gens de s'associer à un animal qui leur ressemble, leur demander de faire un dessin représentant leur hobby ou encore d'écrire un poème de quatre ou cinq lignes qui les décrit. Parce qu'elles font rire et amènent les gens sur des terrains qu'ils ne fréquentent pas souvent, ces activités sont intéressantes, surtout si l'animateur récupère l'information et fait des liens avec la formation elle-même. »
Pour détendre l'atmosphère, Huguette Rouillier, elle, demande fréquemment aux personnes présentes si elles connaissent une bonne blague. La plupart du temps, « soit environ huit fois sur dix », ça fonctionne. De son point de vue, l'exercice « permet aussi de savoir qui est le leader du groupe, parce que c'est généralement lui ou elle qui va s'avancer pour raconter la blague. Évidemment, précise-t-elle, tout cela est inutile si on n'en profite pas aussi pour demander aux gens de se présenter, de dire qui ils sont, ce qu'ils font et quels sont leurs objectifs ou attentes par rapport à la formation. »

En matière de tour de table et de présentation, Évelyne Morrisseau privilégie pour sa part la surprise. « J'aime choisir les gens au hasard pour leur demander de se présenter et d'exprimer leurs attentes. De cette façon, ils sont obligés de demeurer attentifs parce qu'ils ne savent pas quand viendra leur tour. C'est beaucoup plus efficace. »

Demander aux gens de préciser leurs intérêts personnels et professionnels est aussi, selon Renée Noreau, une bonne façon de plonger. « L'information fournie par les gens permet non seulement de les mettre à l'aise, mais aussi d'aller les interpeller durant la présentation en faisant des liens. »

Poussant l'exercice plus loin encore, thermomètre en main, Claude Paradis aime demander aux gens quel est leur motivation à participer à la formation. Il leur demande à quel titre ils y participent et ce qu'ils pourront apporter au groupe, selon eux. Fait individuellement ou à deux, l'exercice est, à son avis, « très intéressant parce qu'il fait en sorte que les gens se sentent aussi responsables de la qualité de la formation qu'ils recevront ».

Pour les mêmes raisons, expliquer clairement aux gens ce qu'ils peuvent espérer de la formation, que ce soit en matière de contenu ou d'horaire, est aussi essentiel. Pour Évelyne Morrisseau, il s'agit d'une question de respect des participants. Il faut d'ailleurs, selon elle, vérifier si ce qui est présenté leur convient et savoir vivre avec les réponses fournies. « Il m'est déjà arrivé de me faire dire par quelqu'un qu'il ne comprenait pas pourquoi il était là, que c'était son patron qui lui demandait d'assister à la formation. À chaque fois, dans ces situations-là, j'applique les trois mêmes règles. Je respecte la position des gens, je place mes limites en leur disant que j'ai malgré tout une formation à donner et je passe à l'action. »

Elle avoue toutefois que les gens sont aujourd'hui beaucoup plus ouverts aux activités de formation que par le passé. « Auparavant, les employés qui venaient en formation considéraient que, s'il leur avait demandé d'y assister, leur patron devait juger qu'ils étaient incompétents. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Lorsqu'ils ont accès à une formation, les employés sont fiers de voir que leur patron les trouve assez importants pour investir en eux. Ça change beaucoup de choses. »

Guylaine Boucher est journaliste indépendante.

Source : <Effectif, volume 7, numéro 2, avril / mai 2004


Guylaine Boucher