- Droits d’auteur
- Avis d’utilisation
- Introduction
- Pourquoi un tel guide?
- Ce que vous y trouverez
- Mise en garde
- L’état des lieux
- L’urgence de revoir nos façons de faire
- Diverses façons de concevoir le développement du potentiel de leadership
- Les croyances à la base du développement des leaders
- Les quatre niveaux de développement chez les leaders
- Les trois logiques du développement de futurs leaders
- Une stratégie intégrée de développement du potentiel de leadership
- Tirer des leçons de l’expérience passée avant de se lancer dans un programme
- Préparer le terrain avant de planter les graines du leadership
- Démontrer à la direction la valeur ajoutée d’investir dans une stratégie de développement des leaders
- Miser sur une diversité de moyens de développement
- Un programme de formation commun à tous
- Des ressources d’apprentissage complémentaires en libre accès
- Un plan de développement individualisé
- Faire vivre des expériences significatives aux aspirants leaders
- Stimuler et accompagner l’apprentissage dans le temps
- Déterminer un ensemble de livrables à produire
- La gestion de certains enjeux
- Quand doit-on commencer à développer les leaders?
- Si l’on privilégie une approche plus individualisée, quel est le bon moment pour établir un plan de développement avec la personne impliquée?
- Quels sont les bons indicateurs de performance d’un programme de développement?
- À quoi peut-on s’attendre pour l’avenir ?
- Annexes
Auteur
Merci à Alain Gosselin, Ph.D., CRHA, Distinction Fellow, professeur honoraire et ancien directeur de l’École des dirigeants à HEC Montréal pour l’élaboration du contenu de cet outil.
Avec la collaboration de Simon Grenier, Ph. D., psy. I/O, professeur adjoint au département de psychologie à l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire LEAD et Lyne Beausoleil, PCC, M. Sc., CRHA, coach professionnelle.
Collaborateurs et collaboratrices
Merci à Étienne Beaulieu, CRHA, associé – stratégie et transformation organisationnelle, Humance, pour sa collaboration à la révision de ce guide.
Merci à Denis Chênevert, D. Sc., CRHA, professeur titulaire et directeur du Pôle santé à HEC Montréal, pour sa collaboration à la révision de ce guide.
Merci à Geneviève Desautels, CRHA, présidente, Amplio Stratégies, pour sa collaboration à la révision de ce guide.
Merci à Christine Corbeil, CRHA, présidente et consultante, Kalibre conseil Inc., pour sa collaboration à la révision de ce guide.
Droits d’auteur
La reproduction, la publication et communication de ce document dans son intégralité sous quelque forme ou par quelque moyen (électronique, mécanique ou autre, y compris la photocopie, l’enregistrement ou l’introduction dans tout système informatique de recherche documentaire) est interdite sans le consentement écrit de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Par contre, pour les CRHA ǀ CRIA ainsi que les abonnés au Carrefour RH, il est permis d’utiliser les exemples contenus dans ce document avec les adaptations nécessaires sans autorisation de l’Ordre.
Avis d’utilisation
Dans le cadre de sa mission de protection du public, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés vous propose cet outil. Ce dernier doit toujours être adapté selon le contexte, les besoins de votre organisation ainsi qu’en tenant compte de l’ensemble des parties prenantes. Il ne constitue en aucun cas un avis juridique.
Si vous êtes un professionnel agréé, vous devez toujours vous référer à votre code de déontologie, aux normes professionnelles, ainsi qu’aux lois et règlements en vigueur et consulter un conseiller juridique au besoin.
Par ailleurs, les propos qui y sont exprimés n’engagent que leur auteur et l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés décline toute responsabilité à leurs égards.
Introduction
Pourquoi un tel guide?
Pendant les 20 dernières années, de nombreux rapports ont documenté les préoccupations des dirigeants. Un constat s’impose clairement. Le développement de la prochaine génération de leaders est régulièrement en tête de liste. La logique des dirigeants est simple : pour faire face à tous les autres défis et à la complexité grandissante du monde du travail (compétition globale, virage numérique ou croissance économique), il faut d’abord avoir mis en place un solide programme de développement de leaders qui seront capables de faire face à la situation.
Malheureusement, et comme nous allons le constater un peu plus loin, tous les signaux indiquent que les façons de faire en matière de développement des leaders ont un urgent besoin d’être revues et améliorées. L’approche classique prônant le développement de compétences spécifiques chez les leaders ne semble pas suffisante pour amener des changements durables dans leurs façons de faire.
Ce guide suggère une démarche qui vous permettra de mettre en place une solution durable, adaptée à votre organisation et aux personnes à développer.
Ce que vous y trouverez
Ce document s’adresse principalement aux professionnels CRHA/CRIA qui ont le mandat de répondre aux besoins de relève dans leur organisation. Il peut aussi intéresser les concepteurs et formateurs qui développent des parcours de formation ainsi que les dirigeants soucieux de se poser les bonnes questions et d’optimiser leurs interventions auprès des leaders en développement.
Mise en garde
- Par souci de variété, nous utilisons les termes « leaders en développement », « aspirants leaders » et « leaders potentiels » pour qualifier ceux qui sont la cible des efforts de développement. Nous voyons ces termes comme des synonymes.
- Ce guide est structuré autour de dix bonnes pratiques concernant le développement des leaders. Celles-ci ne sont pas toujours possibles ou applicables dans tous les contextes. Il vous revient alors de faire un tri pour bâtir votre propre stratégie, selon ce qui convient le mieux à votre mandat, en tenant compte des ressources dont vous disposez. À cet effet, même si elles sont applicables, les pratiques devront sans doute être adaptées ou ajustées pour être en cohérence avec votre contexte organisationnel.
- Le développement du potentiel de leadership est une des étapes d’un processus intégré de gestion des talents. Ce guide se limite à cette étape du processus; il ne traite pas des activités qui précèdent (segmentation et identification des gens de talent) ou qui suivent (fidélisation et déploiement) le développement.
- Ce guide se veut un outil flexible et une référence utile pour vous permettre de répondre à divers mandats et besoins en tant que professionnel CRHA/CRIA :
- Élaborer un programme de formation destiné à un public large, typiquement à l’ensemble des gestionnaires d’une organisation. Former les gestionnaires au leadership sert souvent de levier à un changement organisationnel. À l’inverse, l’implantation d’un changement peut aussi servir à identifier et développer des nouveaux leaders dans votre entreprise.
- Développer une cohorte d’individus identifiés comme ayant un potentiel élevé dans une logique de relève. Dans ce cas, le programme déborde souvent de la formation pour inclure du coaching, du mentorat et/ou des projets qui mettent les participants hors de leur zone de confort.
- Concevoir un programme de développement individualisé, par exemple pour un membre de la famille destiné à prendre la relève d’une entreprise familiale.
L’état des lieux
L’urgence de revoir nos façons de faire
Plusieurs sondages récents, effectués auprès de dirigeants et de professionnels RH, ont investigué l’impact des pratiques de développement des leaders. Le constat est alarmant[1] : nos façons de faire semblent dépassées et peu efficaces; elles ne réussissent pas à combler l’écart grandissant entre les leaders dont les organisations ont besoin et ceux dont elles disposent présentement[2].
Mais le pire, c’est que ce constat n’est pas nouveau. Malgré les nombreux signaux lancés au fil des deux dernières décennies, nous n’avons pas su réagir à la hauteur de l’enjeu. À la fin d’août 2008, un groupe de 37 dirigeants s’était réuni sous l’égide du journal Les Affaires, avec d’autres partenaires, pour réfléchir aux défis de leadership au Québec. De cette rencontre est né un rapport intitulé « Urgence Leadership[3] » qui soulevait déjà des pratiques déficientes telles que des initiatives isolées ou fragmentées, ou l’absence de liens avec la stratégie d’affaires. Ces constats indiquent qu’il est nécessaire de se poser les bonnes questions pour rendre nos programmes les plus utiles possibles, mais également pour que ceux-ci soient adaptés aux différents contextes organisationnels dans lesquels ils sont mis en place.
Or, en dépit de ces appels, les réponses à trois questions – quoi, comment et qui développer – ne semblent pas avoir progressées au même rythme que les besoins sans cesse croissants, tant en quantité qu’en diversité. C’est du moins la principale conclusion de quatre sondages récents.
Corporate Executive Board, maintenant Gartner, est une importante firme de recherche et de conseil reconnue mondialement dans le domaine des ressources humaines. Selon le CEB[4], nous n’allons pas dans la bonne direction :
- 66 % des entreprises investissent temps et argent dans le développement d’employés à haut potentiel pour les faire progresser dans des postes de direction, mais seulement 24 % des dirigeants de ces entreprises considèrent les programmes de développement comme un succès;
- Un maigre 13 % a confiance dans les leaders qui sont en développement au sein de leur firme, alors que ce taux se situait à 17 % il y a trois ans.
Depuis 2001, le Conference Board du Canada publie régulièrement un rapport intitulé Leadership Outlook[5]. En 2017, cet organisme a procédé à une analyse comparative entre les résultats de 2001 et ceux de 2014. Voici deux constats :
- La capacité des organisations à bâtir une capacité de leadership n’a progressé que de 5 %, passant de 26 % à 31 %;
- Seulement 37 % des dirigeants ont donné une note positive à l’efficacité du programme de développement des leaders de leur organisation, visant plus particulièrement les cadres intermédiaires.
Selon le rapport Global Leadership Forecast 2018[6], un consortium composé des firmes DDI, EY et du Conference Board, qui a sondé les opinions de plus de 25 000 leaders issus de 2 488 organisations dans 54 pays et 26 secteurs d’activité :
- Seulement 41 % des dirigeants et 35 % des professionnels RH jugent que les programmes de développement du leadership en place sont susceptibles de répondre aux besoins;
- À peine quatre postes sur dix pourraient être comblés à court terme par un candidat interne.
Selon The 2018 State of Leadership Development Report[7], un rapport réalisé par Harvard auprès de 734 répondants :
- Seulement 33 % des dirigeants se disent plus efficaces à la suite d’un programme de développement du leadership;
- 75 % des responsables RH reconnaissent d’importants besoins d’amélioration à l’égard desdits programmes.
Les critiques à l’égard du développement des leaders ont mis en évidence de nombreuses pratiques déficientes. Vous trouverez une liste de ces déficiences à l’annexe 1. Voyez-vous certaines de ces déficiences au sein de votre organisation?
Bien identifier ce qui ne va pas est un premier pas vers une amélioration de la situation. Ce guide vous ouvre des pistes (ressources, conseils, solutions) à cet égard.
Diverses façons de concevoir le développement du potentiel de leadership
Développer des leaders dans une organisation constitue un défi particulièrement exigeant, entre autres parce que le concept de leadership reste encore mal compris malgré tout ce qui a été écrit sur le sujet. Il vous faut donc éviter que votre approche soit basée sur une compréhension limitée du leadership, ou qu’elle emprunte un modèle de leadership qui n’est pas en adéquation avec les besoins de votre entreprise. Par exemple, il n’est pas souhaitable de développer des compétences liées à l’application d’un modèle très hiérarchisé de la gestion si votre organisation a plutôt une structure de fonctionnement décentralisée.
Comme il s’agit d’un phénomène complexe, plusieurs approches et théories ont été proposées au fil du temps, et il est parfois difficile de bien les distinguer. Si le concept de leadership ne vous est pas familier, nous vous conseillons deux excellents livres[8] assez récents qui vous permettront de démêler cette vaste littérature.
Notez toutefois que ce n’est pas le concept de leadership qui nous intéresse dans le présent guide. Notre attention est plutôt dirigée vers son développement chez les leaders potentiels. Étonnamment, cette préoccupation est demeurée marginale et relativement récente dans tout ce qui s’est écrit sur le leadership. Un livre récent[9], écrit par deux auteurs importants du domaine, aborde cette question. Destiné aux leaders en développement, cet ouvrage propose de nombreuses activités d’autocoaching. Et étant très accessible, cela peut être une lecture que l’on suggérera aux participants d’un programme de développement sur le leadership.
Cette section vous invite donc à prendre un certain recul afin de réfléchir à la façon dont vous allez aborder votre mandat. Nous vous proposons trois façons complémentaires d’articuler ce que vous comptez faire, ainsi que la manière dont vous vous y prendrez.
Les croyances à la base du développement des leaders
Dans un premier temps, il importe que vous précisiez les a priori ou croyances sur lesquelles votre démarche sera fondée. Nous vous proposons ici huit croyances qui sont cohérentes avec une perspective développementale du leadership. À vous de voir lesquelles correspondent le mieux à votre démarche.
- Le leadership est un acquis plutôt qu’un talent inné. Si vous avez l’ambition d’accompagner quelqu’un dans sa démarche vers un rôle de leadership, c’est que vous posez l’hypothèse qu’il dispose d’un capital de leadership à développer, qu’il a du potentiel. Cela dit, plusieurs dirigeants ne voient pas les choses de cet œil : pour eux, le leadership est inné, un talent hors de l’ordinaire, comme une sorte de charisme. De ce point de vue, l’enjeu en est donc un de sélection plutôt que de développement. À ceux qui pensent ainsi, il est bon de rappeler qu’aucun trait de personnalité n’est à 100 % « hérité ». Les individus qui sont considérés comme des leaders reconnaissent rapidement le rôle qu’ont joué des personnes clés ou événements importants dans leur développement à différents moments de leur vie, ceci même lorsqu’ils étaient très jeunes. Dans cet ordre d’idée, il serait bon que vous invitiez les aspirants leaders qui prendront part à vos programmes à réfléchir aux personnes qui ont été des modèles pour eux, aux événements qui ont influencé leurs parcours. Ces réflexions pourront leur permettre de bâtir leur confiance et leur identité en tant que leaders en développement.
- Chacun a un capital de leadership qui mérite d’être développé. Édith Luc[10] propose une belle analogie à cet égard. Pour elle, le leadership est comparable à la forme physique : tout le monde ne peut pas être un athlète olympique, mais chacun peut être plus en forme. Les meilleurs leaders sont en fait les meilleurs apprenants – ils sont naturellement orientés vers l’apprentissage continu. Votre prochain programme de développement du leadership pourrait ainsi élargir ses cibles pour qu’une majorité d’employés puisse participer à des initiatives leur permettant de mieux comprendre comment et quand ils font une différence.
- Le leadership n’est pas l’apanage d’un poste de gestion. Beaucoup de gens associent le leadership à l’exercice d’une autorité formelle, une tendance découlant du fait que l’on est responsable d’une équipe ou que l’on est un patron d’entreprise. Or, le sport nous enseigne tous les jours que le leadership est beaucoup plus distribué qu’on ne le croit habituellement. Vous devez être ouvert à l’idée que le leadership se retrouve à tous les niveaux (paliers) et dans toutes les directions de votre organisation, et pas seulement chez les gestionnaires. Être leader renvoie aux actions que vous posez et à l’impact que vous avez, pas à la position que vous occupez. De plus en plus, on va même jusqu’à suggérer que les leaders sont ceux qui permettent à d’autres leaders d’émerger au sein de leurs équipes. Votre programme pourrait donc identifier des façons de cultiver ce leadership dans les équipes de vos aspirants leaders.
- Le leadership se développe sur une longue période et requiert beaucoup de travail. Une des activités préférées des individus qui s’intéressent au leadership est de lire des livres (biographies) ou des cas qui décrivent le parcours de leaders reconnus. À la lecture de ces ouvrages, ils apprennent que le processus qui amène un individu à devenir un leader s’étale sur toute une vie, et qu’il est lié au développement personnel chez l’adulte. Vous devez accepter l’idée qu’un programme de quelques jours, fût-il exceptionnel, ne peut à lui seul générer des leaders.
- Le leadership est contextuel. Parce qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’exercer du leadership, son développement doit tenir compte des conditions présentes dans le contexte où il s’exerce. Un programme de développement universel de type off-the-shelf ne peut être efficace que s’il fait l’objet d’une mise en contexte importante. Comme nous le verrons plus loin, il y a plusieurs façons d’assurer cette condition de succès, notamment par la participation active au programme de membres de la direction.
- Le leadership est un sport d’équipe. Le leadership est par définition relationnel. Il n’y a pas de leader sans collaborateurs ou followers. Mais que ce soit à l’école ou au travail, nous valorisons toujours davantage les leaders, par conséquent peu d’individus consentent à se positionner uniquement comme des collaborateurs exemplaires. Notre monde a pourtant autant besoin, sinon plus, de bons joueurs d’équipe que de leaders. Toutefois, les croyances et les programmes de développement présument presque toujours que tout repose exclusivement sur les épaules du leader, et que les collaborateurs sont passifs, en attente d’un leader pour les amener à se dépasser. C’est pourquoi on juge bien souvent plus pertinent de réunir les leaders potentiels dans un même programme plutôt que de les développer au sein de leur équipe naturelle. Or, une tendance récente de l’étude du leadership consiste à valoriser la contribution des collaborateurs dans la coconstruction du leader[11]. Pour le moment, cette tendance n’a pratiquement pas percé dans les pratiques de développement du leadership en organisation.
- Le leadership est sujet à de nombreux biais. Jusqu’à récemment, cette croyance était quasiment un angle mort dans le développement des leaders. Mais les mouvements récents (#MoiAussi, Black Lives Matter, racisme systémique) en faveur de la diversité et de l’inclusion ont veillé à ce que la question des biais inconscients fasse désormais partie du cursus des aspirants leaders. Ces biais concernent autant les femmes et les personnes racisées que les membres des groupes LGBTQ+. De nombreux travaux indiquent encore que la stature, le ton de la voix, la force physique perçue sont des caractéristiques qui facilitent l’accès à des rôles de leader. Certaines de ces caractéristiques sont pourtant aussi associées à des styles de leadership qui causent plus de tort que de bien dans les environnements où ils évoluent.
- Développer le potentiel de leadership chez des personnes n’est pas la même chose que développer le leadership. Si cette dernière croyance semble peu évidente de prime abord, notre vision actuelle du leadership et les pratiques de développement qui en découlent mettent essentiellement l’accent sur le développement d’aspirants leaders, donc sur le niveau individuel. Or, on peut élargir sa vision et se donner comme mission de développer le leadership au niveau organisationnel. Cela ouvre un tout autre chantier, plus près des questions de culture du leadership, où celui-ci est distribué et partagé de façon fluide et continue au sein des équipes elles-mêmes, ou dans une constellation (réseau) de leaders, à différents niveaux, qui se reconnaissent et regroupent leur capacité d’influence pour transformer l’organisation[12]. Cette vision pourrait être avantageusement intégrée dès l’étape de conception des programmes de développement. Pour y arriver, il faudra toutefois que vous vous employiez à développer un climat de confiance et de sécurité psychologique au sein de votre entreprise. Cette condition est nécessaire pour que les leaders émergents apprennent à se connaître, acceptent de se faire entendre et se permettent d’essayer des choses nouvelles sans craindre de se faire pointer du doigt.
Les quatre niveaux de développement chez les leaders
Les efforts de développement se résument trop souvent à l’exercice de l’influence du leader auprès des membres de son équipe. L’accent est alors mis sur des thèmes telle la reconnaissance, la cohésion de l’équipe ou le storytelling. Tout cela est certainement pertinent et utile, mais il ne faut pas oublier que le leadership est multiniveau[13]. Son développement peut donc s’effectuer à au moins quatre niveaux différents (voir figure).
Si vous avez la responsabilité de développer le potentiel de leadership chez un groupe diversifié de personnes, vous pouvez concevoir une démarche qui cible quatre niveaux de besoins :
- SOI – C’est-à-dire développer un leader authentique qui se remet en question. Vous devez promouvoir l’idée que la première qualité d’un leader, c’est de bien se connaître et de « se gérer » avant de gérer les autres. Une partie non négligeable de vos efforts doit alors porter sur le travail d’introspection que cela nécessite.
- AUTRES – C’est-à-dire développer un leader de proximité qui crée de l’engagement et de la confiance. C’est un terrain connu qui fait référence au développement des capacités de mobilisation et de coaching de la performance d’une équipe. Ce niveau est généralement celui que privilégient la plupart des programmes.
- ORGANISATION – C’est-à-dire développer un leader stratégique qui voit large et qui voit loin. « Voir large » (360 degrés) fait référence à la nécessité qu’un leader maîtrise les enjeux stratégiques qui préoccupent les dirigeants, et qu’il adhère aux priorités de l’organisation et à sa culture. « Voir loin » veut dire que le leader doit être capable d’anticiper et de se concentrer sur les objectifs à long terme sans se demander si ceux-ci pourraient affecter sa carrière et sa rémunération à court terme. Il doit également avoir une connaissance transversale des divers secteurs de l’organisation, et démontrer sa capacité à collaborer avec ces différents secteurs.
- CONTEXTE – C’est-à-dire développer un leader ayant une perspective globale qui transcende la notion de compétition. Ces personnes sont souvent à l’origine de partenariats (une communauté d’apprentissage, par exemple) qui s’étendent par-delà l’organisation. Le développement de tels leaders passe souvent par une sensibilisation aux enjeux et tendances de l’environnement (monde des affaires, industrie, secteur d’activité) et aux impacts que ces considérations peuvent avoir sur l’organisation.
Les trois logiques du développement de futurs leaders
Vous devez également considérer que le développement d’un leader peut s’articuler autour de trois axes qui sont : renforcer son expertise; diversifier ses compétences; faire évoluer son mode de pensée. Ces trois axes peuvent faire partie d’un même programme de développement.
- La logique professionnelle (renforcer son expertise)
- Les aspirants leaders ont généralement un parcours de formation et d’expérience spécialisé dans un domaine, une fonction ou un métier. Malheureusement, il n’est pas rare de voir des individus qui occupent un poste de direction continuer à privilégier un développement axé sur leur expertise parce qu’ils veulent rester pertinents et être en mesure de contrôler les choses de façon proximale. Une réflexion s’impose donc pour aider les aspirants leaders à élargir leur vision du rôle de gestionnaire de manière à ce qu’ils deviennent non pas la personne qui fait, mais celle qui aide, soutient et questionne ses équipes.
- Il faut leur faire comprendre qu’au fur et à mesure où ils progressent, être l’expert de contenu devient moins essentiel pour avoir de l’impact dans l’organisation. Cela dit, renforcer l’expertise reste important dans le développement de jeunes leaders ou de leaders émergents, car il en va de leur crédibilité auprès de leur équipe, laquelle est souvent plus près du terrain. Il faut tenter toutefois de maintenir un équilibre en laissant aux gestionnaires qui débutent dans leur rôle le temps de s’établir en tant que leaders, de développer des réflexes, etc. Il est erroné de penser qu’en leur demandant de continuer à jouer un rôle de contributeur individuel ou d’expert 75 % du temps, on leur permettra de bien asseoir leurs fonctions de gestionnaires. Par l’intermédiaire de vos programmes, comment pourriez-vous leur apprendre à dégager systématiquement dans leur emploi du temps des plages consacrées à la gestion?
- La logique horizontale (diversifier ses compétences)
- Vient un moment où le leader en développement cherche à s’affranchir de son identité de professionnel performant pour s’aventurer hors de sa zone de confort et diversifier ainsi son portfolio de compétences. Plusieurs organisations disposent à cet égard d’un modèle de compétences conçu pour orienter les efforts de développement horizontal.
- Tel qu’indiqué à l’annexe 2, l’aspirant leader a alors tout avantage à équilibrer ses efforts de développement entre deux pôles : maîtriser l’organisation et son contexte, puis maîtriser l’ensemble des habiletés de gestion.
- La logique verticale (faire évoluer ses façons d’être et de penser)
- Si la logique horizontale permet à l’aspirant leader de voir plus large et plus loin, le but de la logique verticale est de voir différemment. Il ne s’agit pas simplement pour cela de travailler au développement de nouvelles compétences, mais de faire évoluer les façons de penser, de voir le monde et de saisir le sens de ce qui nous entoure en changeant de perspective (mindset).
- En d’autres termes, l’horizontal peut s’apprendre (remplir d’eau un verre vide) alors que le vertical impose un défi d’un autre ordre (agrandir le verre). Comme on peut le voir dans le cas de la jeune étudiante universitaire de l’encadré ci-dessous, le développement vertical est transformationnel.
La logique verticale est basée sur des travaux portant sur les stades de développement chez l’adulte[14]. Il n’est pas possible de traiter en profondeur de cette piste prometteuse dans le cadre de ce guide. Disons seulement que chaque stade de développement chez l’adulte correspond à une compréhension différente du monde, et que la progression d’un stade à l’autre est lente et peut stagner. Ainsi, le développement vertical n’arrive pas naturellement et l’aspirant leader peut rester bloqué dans une logique du « je suis ce que je suis ». Il faut alors lui faire poser des gestes concrets qui demandent beaucoup d’efforts pour que la progression s’enclenche (ex. : cesser de dépendre de l’opinion des autres et assumer ses propres convictions).
Votre défi principal en ce qui concerne le développement vertical des leaders est de vous assurer que le contenu et l’approche de votre programme sont en phase avec ce qui est attendu d’eux, compte tenu des rôles et responsabilités qu’ils doivent assumer. Comment faciliteriez-vous par exemple le développement d’un exécutif qui fait partie d’une équipe de direction et qui doit donc avoir une pensée interdépendante ou corporative, mais qui se perçoit et se comporte encore comme le représentant de sa tribu (fonction ou unité d’affaires)? En pareil cas, il faut peut-être faire preuve d’audace dans les activités proposées. Comme l’étudiante à Singapour, il faudra sans doute faire vivre à ce leader en développement des expériences transformationnelles, voire choquantes pour l’obliger à remettre ses perspectives en question.
Jusqu’ici, la logique verticale apparaît très peu intégrée aux programmes de développement des leaders en organisation. Pour parvenir à une telle intégration, trois types d’actions sont à considérer : exposer les aspirants leaders à des défis qui bousculent et remettent en question leur façon de voir le monde; provoquer des rencontres avec des gens qui ont des perspectives et points de vue différents des leurs; leur procurer des moments de réflexion, soutenus si possible par un coach ou un mentor, pour les aider à mieux appréhender ces notions et à noter quand leurs tendances naturelles ou visions déjà ancrées reprennent le dessus.
L’exemple de la démarche effectuée par la Police de Longueuil est instructif à cet égard.
Une stratégie intégrée de développement du potentiel de leadership
Cette section présente une liste de suggestions ponctuées de remarques concernant dix bonnes pratiques dont vous pourriez vous inspirer pour élaborer votre propre stratégie en vue de développer des leaders.
Tirer des leçons de l’expérience passée avant de se lancer dans un programme
Il est fréquent de voir des programmes de développement de leaders conçus à l’interne ou offerts par différents fournisseurs externes se succéder dans le temps, au fil des changements de priorités ou de dirigeants. Chaque fois, on a l’impression de repartir à zéro, de parcourir le même chemin et de répéter les mêmes messages. Ceci contribue à nourrir un certain cynisme à l’égard du développement du leadership dans les organisations.
Il est donc important d’analyser d’abord la situation de départ, ne serait-ce que pour disposer d’une base d’informations suffisante pour vous permettre de démontrer ensuite les améliorations apportées et les gains effectués.
Voici quelques suggestions concernant les choses à faire en tout premier lieu :
- Documenter les efforts de développement des trois dernières années auprès de la clientèle visée. Quel est le parcours des aspirants leaders? Ont-ils bénéficié d’un programme? Quel en était le contenu? Qui y a participé? Quels en ont été les impacts (encore faut-il les avoir mesurés)? Une bonne façon de répondre à ces questions est de procéder à des groupes de discussion avec un échantillon représentatif de personnes concernées. Cette initiative offre l’avantage d’amorcer et de pousser la réflexion sur l’expérience passée, et de constituer un groupe d’ambassadeurs pour le programme à venir. Ajouter à cela une rencontre avec le comité de direction sur les mêmes questions est certainement un complément utile, voire indispensable pour créer un contexte et des conditions favorables pour la suite des choses. Cette rencontre avec le comité de direction devrait aussi servir à ancrer la vision et la définition de ce qu’est le leadership pour l’organisation. Si le programme ne répond pas à cette vision, il sera difficile d’y faire adhérer les exécutifs pour qu’ils agissent à titre de sponsors.
- Documenter les besoins de développement perçus. Profiter de ces groupes de discussion et de la rencontre avec la direction pour analyser le contexte organisationnel et cerner les besoins et enjeux qui en découlent. Ceci peut également faire l’objet d’une enquête plus vaste auprès de l’ensemble de la clientèle visée.
- Définir les compétences requises chez les leaders à développer. Il faut aller au-delà des besoins actuels définis dans un référentiel de compétences et tenir compte de ceux qui sont nécessaires pour réussir à plus long terme, soit au cours des cinq prochaines années. La stratégie de développement du leadership devrait être intimement liée à la planification stratégique de l’organisation, ou du moins y trouver des extensions. À quoi ressemblera le « leader de demain »? Il serait par exemple judicieux qu’un leader inclusif, sensible à la diversité, fasse partie des compétences recherchées. L’habileté à gérer du personnel à distance ou en mode hybride est aussi devenue une compétence quasi incontournable.
- Segmenter les bonnes personnes à développer. Il s’agit d’une tâche cruciale, mais qui est souvent négligée pour des raisons politiques. Il est plus facile d’inclure tout le monde dans un programme que de devoir justifier des choix. Rappelez-vous qu’il n’y a pas de bonnes façons de développer la mauvaise personne. Des critères sont nécessaires pour identifier les personnes ayant un potentiel de leadership, dont la performance des trois dernières années, l’ambition de progresser, la démonstration d’une certaine capacité à mettre les autres en action, et l’exemplarité sur le plan des valeurs organisationnelles. Pour des suggestions concernant les façons de faire émerger les talents cachés qui pourraient bénéficier d’un développement en tant que leader, consultez un article récent sur le sujet[16].
Préparer le terrain avant de planter les graines du leadership
Nous avons mentionné plus tôt les critiques exprimées à l’égard des retombées décevantes des programmes de développement des leaders. Ajoutons ici que tous les maux ne sont pas nécessairement imputables au programme lui-même. On souhaite qu’un programme change à lui seul le contexte organisationnel alors que l’on devrait peut-être envisager l’inverse, c’est-à-dire travailler à changer le contexte avant de démarrer un programme. En effet, se développer, c’est changer, mais cela exige des conditions préalables propices.
Avant de démarrer un programme, il serait opportun de considérer en premier lieu les secteurs ou unités d’affaires qui ont :
- Un soutien visible et sans réserve de leurs dirigeants. Des leaders qui travaillent eux-mêmes en équipe, qui s’engagent ouvertement dans des changements d’attitude, de comportement ou autres, et qui servent de modèles au type de leadership que l’on recherche. À cela s’ajoute la présence d’un climat de travail sain et de leaders capables d’accompagner les personnes en développement.
- Une direction stratégique claire. Cela implique une mission inspirante, une vision attrayante, des valeurs bien définies quant aux comportements attendus sur lesquels on évalue les gestionnaires et les employés, une documentation disponible sur les enjeux et opportunités de l’organisation, des choix stratégiques qui précisent la direction à prendre et des priorités auxquelles on peut se rattacher.
- Un climat de sécurité psychologique qui permet le droit à l’erreur et la prise de risque. Un tel climat est nécessaire pour que les participants au programme acceptent de s’ouvrir devant les autres, de se remettre en question eux-mêmes ou de remettre en question les actions et décisions de l’organisation, et de se rendre vulnérables en osant dire et faire autrement.
- Une logique transversale bien vivante qui fait contrepoids aux silos. Pour plusieurs, le leadership s’exprime par une logique verticale, du haut vers le bas. Aujourd’hui, les organisations ont probablement encore plus besoin d’une logique horizontale qui crée de la valeur en insufflant entre collègues une loyauté latérale basée sur un esprit de collaboration, d’entraide et de partage des connaissances, des idées et des meilleures pratiques.
Démontrer à la direction la valeur ajoutée d’investir dans une stratégie de développement des leaders
Le secret du succès d’un programme de développement des leaders est probablement attribuable en bonne partie au leadership lui-même, c’est-à-dire au soutien visible de la direction. Les dirigeants doivent se sentir personnellement responsables et s’impliquer activement dans le parcours de développement des aspirants leaders.
Une bonne façon d’aller chercher cet appui est de démontrer la cohérence et l’alignement du programme aux enjeux de l’organisation, à sa stratégie et à sa culture. Les dirigeants ont besoin d’entendre de bons arguments pour adhérer à la stratégie de développement des leaders que vous proposez, et pour vous appuyer avec un investissement conséquent en temps et en argent.
Voici quelques arguments auxquels ils pourraient être sensibles :
- Contribuer à la performance financière de l’organisation par la création de valeur et le développement d’avantages concurrentiels distinctifs. Différentes études[17] démontrent que les entreprises qui se démarquent par leur capacité à se donner un bassin de leaders suffisant pour répondre à leurs besoins à court et à long terme ont également une performance financière nettement supérieure. Toutefois, ce lien positif entre leadership et performance peut aussi aller dans l’autre sens, à savoir que les entreprises plus à l’aise financièrement sont en mesure de développer davantage leurs leaders. Bien sûr, ces deux positions se renforcent l’une et l’autre, n’étant pas mutuellement exclusives.
- Créer un bassin de champions pour prendre en charge des initiatives stratégiques. Pour actualiser son plein potentiel de mobilisation et d’engagement, une mission organisationnelle inspirante doit s’appuyer sur des leaders reconnus ou émergents à tous les niveaux. Des leaders qui sont capables de véhiculer les bons messages et de les renforcer par leurs comportements exemplaires au quotidien. Leur présence facilite le déploiement d’une compréhension partagée et d’un sentiment d’urgence face au contexte, en plus de permettre une meilleure maîtrise des enjeux, des priorités et de la culture de l’organisation.
- Faciliter un changement culturel. Un programme de développement des leaders est souvent utilisé comme levier d’une transformation culturelle. Une telle initiative est fréquente avec l’arrivée d’un nouveau dirigeant. Mettre à niveau les compétences de leadership est perçu comme une façon efficace de sensibiliser tout le monde à des exigences renouvelées et d’aligner leurs efforts dans une nouvelle direction.
- Renforcer l’attraction, l’engagement et la fidélisation des individus de talent. Des recherches récentes de la firme Gallup[18] révèlent que 51 % des gestionnaires américains se sentent déconnectés de leur emploi et de leur employeur, tandis que 55 % sont à la recherche d’opportunités ailleurs. En ayant une vision claire du leadership, en offrant de vraies opportunités de développement et d’évolution au sein de l’entreprise, en investissant dans le développement de leur leadership, une organisation renforce sa marque employeur, donc sa capacité d’attraction, consolide l’engagement et fidélise les gens de talent. Il faut aussi rappeler que le succès des individus provenant de l’interne est plus élevé que chez ceux qui sont issus de l’externe. Par contre, le fait d’avoir un programme opaque, qui fait miroiter des possibilités d’avancement sans que rien ne se concrétise, risque d’avoir l’effet inverse et d’inciter les gestionnaires à quitter.
- Inciter les meilleurs à continuer de s’améliorer. Miser sur les individus qui ont un potentiel de développement incite et motive ces derniers à s’investir personnellement pour devenir de meilleurs leaders. C’est d’autant plus vrai si les efforts de développement mènent à un plan de développement individualisé, incluant une sensibilisation accrue face à leurs dérailleurs potentiels de succès.
- Faire du développement une source d’innovation. C’est une bonne pratique que d’inclure des opportunités d’apprentissage dans l’action, et qui sont basées sur des préoccupations de la direction, soit sous forme de questions ou de projets à réaliser en équipe. Les individus qui participent au programme de développement peuvent alors devenir des sources d’idées nouvelles visant à résoudre des défis ou des problèmes réels dans l’organisation. C’est aussi par ce type d’expérience que l’on peut stimuler la collaboration entre des leaders provenant de différents secteurs pour ainsi les amener à sortir de leur rôle d’experts.
- Accélérer l’inclusion et la progression des groupes sous-représentés. Les organisations sont de plus en plus nombreuses à se soucier de l’inclusion des femmes ou des personnes issues des minorités visibles, et elles cherchent à leur procurer des occasions de développer leur plein potentiel. Un programme de développement du leadership qui accorde à ces groupes une place particulière est un puissant levier d’accélération qui contribuera à assurer leur présence et le développement de leur potentiel.
- Réduire les risques associés aux ruptures dans la relève. Les prochaines années seront marquées entre autres par le départ massif des baby-boomers à la retraite. Assurer un flux continu de personnes intéressées et aptes à prendre le relais tout en minimisant les ruptures dans les savoirs critiques et la performance est un enjeu majeur. Pour réussir cette transition, l’on doit bâtir des bassins de candidats compétents et engagés à plusieurs niveaux, sans oublier de mettre à contribution ceux qui détiennent de l’expertise à transférer dans des domaines clés.
- Renforcer l’impact perçu de la fonction RH. Travailler avec la direction de l’entreprise sur le développement de la prochaine génération de leaders améliore le positionnement de la fonction RH. Selon le Global Leadership Forecast 2018 (p. 9), en pareil contexte les dirigeants sont deux fois plus susceptibles de considérer les membres de l’équipe RH comme des partenaires stratégiques. Pour y arriver, il faut que votre préparation préalable vous ait permis, à titre de représentant du secteur RH, de vous approprier les enjeux d’affaires de l’organisation et des unités et d’ajuster votre langage pour démontrer que vous maîtrisez bien ces défis et que le programme déployé pourra y répondre.
Miser sur une diversité de moyens de développement
L’éventail et la diversité des moyens disponibles pour développer les leaders ne cessent de grandir sous la pression des technologies qui multiplient les possibilités d’accéder, à distance et en continu, tant au contenu qu’aux formateurs et autres personnes-ressources offrant de l’accompagnement (coach, mentor, etc.).
Deux autres raisons justifient l’utilisation accrue d’une approche diversifiée (blended learning) de développement. D’un, les leaders potentiels désirent « être au volant » quand vient le temps de déterminer les moyens de développement[19]. Ils recherchent entre autres l’occasion d’élargir et de renforcer leur réseau auprès des collègues, de gagner en visibilité auprès de la direction et d’accroître leur employabilité en garnissant leur CV de réalisations et d’attestations. De deux, leurs attentes évoluent en faveur d’une diversité de moyens de développement, dont certains demeurent encore sous-utilisés par leur employeur[20]. Leurs principales attentes sont :
- Un accès accru à des ressources externes afin de bénéficier de perspectives différentes et d’élargir leur réseau;
- Des approches personnalisées, comme le coaching et le mentorat offerts par des ressources professionnelles externes;
- L’usage de technologies pour accéder en continu à des microapprentissages associés à des besoins spécifiques et ciblés;
- L’accès à des programmes longs ou à des formations plus courtes dispensées par des fournisseurs externes;
- Des assignations temporaires procurant une variété d’expériences significatives à court terme.
Certains moyens de développement s’avéreront toutefois coûteux. Dans un contexte où les ressources sont limitées en temps et en argent, comment déterminer la meilleure combinaison de moyens à appliquer? Voici deux façons de répondre à cette question.
Suivre la règle du 70-20-10
Il y a plus de 40 ans, le Center for Creative Leadership (CCL) a effectué des travaux de recherche sur l’apprentissage chez les gestionnaires performants. On y apprend que 70 % de leurs acquis proviennent de la diversité de leurs expériences en situation de travail (erreurs et succès), 20 % sont issus d’interactions apprenantes avec des individus marquants (positivement ou négativement), et que seulement 10 % découle de l’acquisition de connaissances (formations ou lectures).
Ce constat fait la démonstration que l’on ne peut pas développer des leaders seulement par des activités de formation formelle. Depuis, cette règle a largement été acceptée et utilisée dans la pratique pour guider le design de programmes et le contenu de plans de développement individualisés. Cela dit, elle n’a jamais fait l’objet d’une véritable validation scientifique; il faut donc garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une règle absolue qu’il faut suivre à la lettre. Pour une analyse critique de l’approche 70-20-10 et des recommandations sur son utilisation, veuillez consulter cette excellente source[21]. Par ailleurs, l’action n’est pas suffisante à elle seule pour tirer des constats : il faut aussi que l’expérientiel favorise un espace de réflexion guidée qui permettra à l’aspirant leader de tirer des constats et de faire évoluer ses stratégies.
Dresser un schéma du parcours d’apprentissage
Une autre façon de faire avancer l’idée de la mixité des moyens d’apprentissage est de concevoir un schéma ou modèle qui « organise » un parcours d’apprentissage et qui en détermine les principaux éléments de contenu. Beaucoup d’organisations créent un schéma qui leur est propre, et qui fait sens à l’interne.
Aux fins de ce guide, nous donnons plus bas en exemple le design d’un parcours de développement des leaders qui propose une combinaison gagnante de moyens. Ce modèle intègre plusieurs des idées mises de l’avant précédemment, à savoir que le leadership est essentiellement un acquis, qu’il est contextuel, que son développement se déploie dans le temps et qu’il exige une diversité de moyens d’apprentissage.
À cela s’ajoute une autre suggestion : les deux partenaires, soit l’organisation et l’individu, doivent être actifs et engagés.
- Les deux composantes du haut (programme de formation et accès libre à des ressources complémentaires) sont principalement sous la responsabilité de l’organisation. Il revient au leader en développement d’en profiter et de s’y investir totalement.
- Les trois composantes du bas (plan de développement, accompagnement et livrables) placent l’apprenant « au volant » et le responsabilisent vis-à-vis de son propre développement. L’organisation n’en est pas pour autant dégagée de toute responsabilité : il lui revient de faciliter et de soutenir l’apprenant dans ses démarches, et de lui offrir des outils et des opportunités appropriées.
Un programme de formation commun à tous
Bien que de nombreuses organisations adhèrent aujourd’hui à la règle du 70-20-10, les programmes de formation formelle (sur quelques jours, en classe, avec des cohortes et des experts internes et externes) demeurent l’approche de développement des leaders la plus fréquente. Le rôle marginal (10 %) que la norme établie par le CCL accorde à la formation ne doit toutefois pas mener à la conclusion qu’un tel investissement est malavisé, bien au contraire.
Les organisations ont besoin d’un levier pour que tous les leaders entendent les mêmes messages, partagent un langage et une compréhension communes des enjeux, des priorités, des stratégies et des éléments clés associés à la culture de l’organisation. Ils ont en effet la responsabilité de mobiliser, d’aligner et d’accompagner les équipes à tous les niveaux. Dans cet esprit, l’élaboration d’un programme de formation relativement standardisé, centralisé et commun à tous offre plusieurs avantages.
Mais pour avoir un impact maximal sur le plan de développement des leaders, un tel programme de formation doit être « à valeur ajoutée » (voir l’annexe 3 pour des suggestions). C’est pourquoi il est souvent avantageux de concevoir un programme sur mesure en collaboration avec une ou des ressources externes qui vous feront bénéficier d’un matériel adéquat et de formateurs expérimentés.
Vous pourriez toutefois renforcer l’impact réel d’un tel programme en amenant les participants à documenter leur parcours, à recenser les occasions où ils ont su faire une différence, à en extraire du sens sur le plan de leur leadership et à dégager une vision des prochains chapitres de leur parcours.
Limites de l’approche
Miser exclusivement sur un programme de formation comme seule initiative pour développer le leadership ne sera probablement pas suffisant pour produire un impact durable sur celui-ci. Un programme standardisé et commun à tous repose sur des hypothèses implicites difficiles à respecter. Ceux qui participent au programme :
- Partagent les mêmes besoins;
- Répondent au même profil de compétences;
- Ont les mêmes motivations à l’égard du programme et de leur avenir professionnel;
- Bénéficient du programme au bon moment dans leur vie professionnelle.
La meilleure façon de se rapprocher de ces critères est de concevoir non pas un, mais différents programmes plus ciblés en fonction de clientèles spécifiques. Généralement, la segmentation s’effectue en suivant une logique hiérarchique (cadres de premier niveau, cadres intermédiaires, direction), mais on peut aussi imaginer une autre segmentation qui se base sur le niveau de maturité des personnes sur le plan du leadership (de base, avancé, élite).
Des ressources d’apprentissage complémentaires en libre accès
Pour chacun des thèmes abordés dans la formation, songez à donner un accès libre à des ressources complémentaires pour ceux qui veulent aller plus loin et approfondir leur réflexion sur le sujet. Il s’agit de concevoir un référentiel de connaissances (lectures, cas, vidéos, tutoriels, etc.) facilement accessible et qui peut aisément être mis à jour. Une idée importante à appliquer dans ce cas consiste à avoir des exercices de réflexion guidée pour aider les apprenants à amorcer une réflexion. Bien des individus ne se prêtent pas naturellement à des exercices d’introspection, il faut donc les soutenir un peu dans ce processus, notamment en définissant l’intention associée à la ressource proposée.
Certaines organisations envisagent même de miser essentiellement sur une approche de ce type en laissant les leaders potentiels s’autoformer et se responsabiliser à l’égard de leur propre développement. C’est un pari qui semble risqué et qui demande à être validé.
Limites de l’approche
Considérant que cette approche repose sur une base volontaire, il faut voir si les efforts déployés pour créer les référentiels de connaissances sont justifiés par le degré d’utilisation que l’on en fait dans la durée. Comme c’est le cas pour les communautés d’apprentissage, la qualité de l’animation sera sûrement ici un facteur de succès incontournable.
Il faut aussi souligner que lorsqu’on l’utilise seule, cette approche est d’une efficacité limitée et offre peu d’uniformité d’apprentissage entre les participants sur le plan de leur développement. C’est souvent le prix à payer pour obtenir les gains associés à une plus grande personnalisation de la démarche.
Un plan de développement individualisé
C’est un peu l’angle mort du développement des leaders, tant dans la recherche et les écrits qu’au niveau des pratiques en organisation. En général, la portion personnelle du développement est vue comme un simple ajout aux programmes conçus par l’organisation (formations, mentorat), le tout en mode volontaire.
En fait, on devrait plutôt envisager l’inverse en misant d’abord sur un plan de développement individualisé dans lequel la participation des ressources organisationnelles pertinentes à l’individu sera intégrée comme une des composantes de son plan. Les organisations rompues à la gestion des talents ont souvent adopté une telle approche, mais seulement pour un groupe restreint de personnes identifiées comme ayant un potentiel élevé[22]. L’importance stratégique de cette cohorte destinée à la relève des postes clés justifie l’investissement que cela requiert. On pourrait considérer d’étendre cette pratique à un auditoire plus large.
En complément, les annexes 4, 5 et 6 proposent des suggestions pour favoriser un esprit de développement continu chez les leaders émergents, et exposent les grandes lignes d’un processus menant à l’élaboration d’un plan de développement individualisé.
Limites de l’approche
Trop souvent, les responsables du développement se contentent d’inviter chaque aspirant leader à se responsabiliser lui-même, avec le soutien d’un patron plus ou moins habilité à jouer un rôle-conseil à cet égard. Et ce souhait n’est souvent pas accompagné d’un processus formel, d’outils utiles et d’un suivi approprié. Bien sûr, miser sur un parcours de développement individualisé exige de la réflexion de la part de l’aspirant leader[23], du temps, l’accès à des ressources de développement et de l’accompagnement. Cela exige des ressources suffisantes.
Faire vivre des expériences significatives aux aspirants leaders
On sait que les leaders se développent principalement dans leur travail en sortant de leur zone de confort pour vivre une suite d’expériences riches en termes d’apprentissages potentiels (ex. : une rotation dans un autre secteur, s’impliquer dans un projet de nature stratégique, occuper un poste à l’étranger).
Voici quelques informations utiles sur l’utilisation de l’expérience comme base du développement[24].
- Les expériences ne sont pas toutes d’égale valeur, certaines contribuent davantage au développement parce qu’elles proposent un meilleur défi;
- Considérez une variété d’expériences[25], car des expériences de différentes natures contribuent au développement d’une meilleure diversité de compétences (l’annexe 7 présente une liste de treize types d’expériences riches en apprentissage);
- Le développement d’un leader ne peut pas être concentré en un seul moment. Il faut moduler les expériences dans le temps en suivant une logique progressive (ajouter de l’adversité, mais pas trop à la fois);
- Cernez et agissez sur les facteurs qui restreignent l’apprentissage par l’expérience – une mobilité restreinte qui limite l’accès à certains défis, par exemple;
- Les expériences profitent différemment à chaque individu. Certains n’apprennent pas autant que d’autres d’une expérience similaire, or, ceux-ci pourraient sans doute davantage bénéficier du soutien d’une personne externe pour les aider à tirer profit des expériences vécues.
Ce dernier point mérite une explication. Vous devez être attentif aux individus qui ont cessé d’apprendre, et ils sont plus nombreux qu’on le pense. Ces gens se trouvent essentiellement dans une logique de performance : ils veulent montrer ce qu’ils sont capables de faire avant même d’être passés par une phase de développement. Être exposé à une expérience significative, sans prise de recul sur ce qu’on y apprend, sans réflexivité ni conscientisation, risque d’avoir bien peu d’impact sur l’avancement de la personne en tant que leader. Il est également important d’instaurer un contexte de travail qui sollicitera les leçons apprises afin qu’elles s’ancrent dans les comportements.
Le processus d’apprentissage par l’expérience[26] proposé plus bas prend son sens à l’étape de la réflexion. Cette prise de recul est souvent accompagnée et se termine par un exercice de clarification des leçons qui transforme l’expérience en apprentissages. Pour cela, l’écrit reste encore l’approche la plus utile et la plus répandue (ex. : carnet d’apprentissages) car il permet de donner un sens à ce qui a été vécu, de remettre les leçons en perspective et d’intégrer ces aspects à l’histoire personnelle de l’individu. En ce sens, l’écriture facilite le développement de l’identité de leader, facteur que l’on doit nécessairement considérer pour entraîner un changement de posture.
Limites de l’approche
La principale limite se trouve dans la capacité limitée d’offrir à tous les leaders en développement un accès à des expériences significatives. Cela demande souvent une flexibilité dans les assignations temporaires ou permanentes qui n’est pas souhaitée ou soutenue par le patron de l’aspirant leader.
Une autre contrainte vient de la difficulté à bien jauger le niveau d’adversité à intégrer dans l’expérience. L’apprentissage sera marginal si l’assignation ne sort pas suffisamment l’aspirant leader de sa zone de confort. Ce sera aussi le cas si l’assignation impose un degré de difficulté trop élevé et est source d’anxiété et d’échec. Il faut donc y aller au cas par cas en fonction du candidat et des opportunités disponibles.
Stimuler et accompagner l’apprentissage dans le temps
Devenir un véritable leader est l’œuvre d’une vie. Ce n’est jamais vraiment terminé, car le contexte dans lequel le leadership s’exerce change constamment. Conséquemment, les leaders en développement ont tout intérêt à renforcer leur capacité à apprendre en adoptant un état d’esprit ou une mentalité de croissance qui passe notamment par la prise de recul, la remise en question de leurs façons de penser et d’agir, la confrontation de leurs limites et l’expérimentation de nouveaux comportements pour acquérir plus d’agilité.
En tant que responsable RH, vous avez un rôle important à jouer dans le maintien d’une culture qui privilégie l’apprentissage et stimule cet esprit d’amélioration continue, et dans le soutien des aspirants leaders dans leur parcours de développement (voir l’annexe 8 pour des suggestions à cet égard). Si les politiques, les évaluations de la performance et les interactions avec la direction ne font que l’éloge de la performance, il sera difficile de favoriser cette culture d’apprentissage. Il faut donc éviter de stigmatiser les erreurs commises de bonne foi pour montrer aux leaders émergents que l’erreur peut être source d’apprentissage.
Limites de l’approche
Nous aimons tous l’idée de changer et d’en obtenir les avantages, mais en général nous apprécions moins l’important travail sur soi que cela exige. Nous pouvons tous témoigner des efforts que nous avons déployés en vain pour réaliser les engagements que nous avons pris envers nous-mêmes, ou pour changer certaines de nos habitudes (ex. : se mettre en forme, écouter au lieu de parler, mieux équilibrer sa vie).
Fournir du soutien et accompagner un aspirant leader dans son développement exige bien sûr du temps et des ressources, souvent professionnelles, qui ne sont pas à la portée de toutes les organisations. Une solution alternative réside souvent dans un programme de mentorat interne ou externe.
Déterminer un ensemble de livrables à produire
Chaque thème abordé dans un programme de formation, chaque activité prévue dans un plan individuel de développement, chaque requête (ou devoir) qu’un coach demande peut conduire à ou se traduire par un « livrable ». Ceux-ci seront disséminés tout au long du parcours de développement.
Les portfolios de livrables sont importants pour plusieurs raisons :
- Ils facilitent la consolidation des apprentissages tout au long du parcours (ex. : un one-pager sur une division autre que la sienne dans le cadre d’un module portant sur la pensée stratégique);
- Ils servent de jalons ou marqueurs de progression dans le parcours de développement (ex. : marquer le passage entre deux sections d’un programme de formation – fermer une porte avant d’en ouvrir une autre);
- Ils servent à démontrer les acquis du leader en développement (ex. : un diagnostic de l’état de la collaboration dans son secteur);
- Ils contribuent au partage et à l’articulation de points de vue (ex. : prise de position dans un débat du genre « j’aurais réussi ma carrière si… »);
- Ils invitent les aspirants leaders à soumettre des idées d’amélioration (ex. : le résultat d’un atelier de design thinking).
Limites de l’approche
Deux conditions sont essentielles – mais rarement présentes – au succès de cette approche : la responsabilisation, et la discipline.
La gestion de certains enjeux
Concevoir et gérer un parcours de développement est exigeant. Les différentes composantes du programme (formations, expériences, accompagnement, suivis) doivent être coordonnées, dispensées par la bonne personne et accessibles au bon moment pour l’aspirant leader. De nombreuses questions doivent trouver réponses à cet égard (voir encadré).
Trois autres questions ont retenu notre attention :
Quand doit-on commencer à développer les leaders?
La réponse courte est de commencer le plus tôt possible, bien avant la prise en charge d’un poste de gestion. D’ailleurs, l’occasion se présente déjà. Avec le départ massif des baby-boomers dans les prochaines années, une portion significative de vos effectifs sera composée de jeunes employés bien formés, ambitieux et empressés de faire leur preuve. Répondre à leurs attentes élevées, les garder motivés et les retenir seront pour vous autant de défis à relever.
Plusieurs milléniaux ont déjà commencé à occuper des postes de gestion. Les jeunes leaders émergents valorisent l’apprentissage, les expériences significatives, le fait de prendre en main leur propre développement et d’avoir de la flexibilité dans l’accès aux moyens de développement[27]. Il faut donc prévoir qu’une approche individualisée sera en forte demande.
Si l’on privilégie une approche plus individualisée, quel est le bon moment pour établir un plan de développement avec la personne impliquée?
Vous devez jongler avec différents paramètres. Les individus se développent à des rythmes différents et vous ne pouvez pas les forcer à se développer si le moment est mal choisi pour eux. Vous devrez donc les rencontrer à différents moments ou stades de leur vie professionnelle.
De façon générale, la recommandation dominante est de cibler les transitions qui jalonnent le parcours d’un individu dans une organisation[28] (voir figure ci-dessous). En termes de développement, il n’y a pas de meilleurs moments dans le parcours d’un leader car celui-ci est déjà en mode développement, ses besoins ont fait l’objet d’une discussion, l’organisation a un intérêt évident à investir en lui et l’occasion de transfert sera immédiate. Ces transitions représentent également un moment privilégié de lui procurer un accompagnement adéquat, principalement durant sa première année en fonction.
Quels sont les bons indicateurs de performance d’un programme de développement?
Une réponse à cette question mériterait plus qu’un court paragraphe, car c’est l’un des principaux maillons faibles dans les pratiques en organisation. Il faut dépasser l’approche traditionnelle qui privilégie les réactions affectives à chaud des participants à la suite d’une activité de formation.
Voici des pistes à explorer :
- Vérifier la qualité et l’assiduité dans la production des livrables requis tout au long du programme.
- Vérifier la présence de changements positifs dans les comportements (ex. : évaluation de performance, sondage auprès des membres de l’équipe).
- Faire le suivi de la somme des efforts (temps et budget) consacrés au transfert comparativement à ce qui est consacré au développement et à la livraison de la formation.
- Suivre l’évolution de la proportion des leaders promus de l’interne par rapport à ceux embauchés à l’externe.
- Suivre le pourcentage de postes clés ayant au moins une (sinon deux) relève prête ou en voie de l’être d’ici un an.
- Déterminer si les leaders qui sont dans le programme de développement ou qui l’ont complété obtiennent des niveaux d’engagement supérieurs, créent des leaders au sein de leurs équipes et restent à l’emploi de l’organisation.
- Se doter d’indicateurs quantitatifs liés à la participation assidue au programme et à sa pleine réalisation.
- Documenter la progression des femmes et des individus issus de minorités visibles vers des postes de gestion ou de direction.
À quoi peut-on s’attendre pour l’avenir?
Nous savons qu’il est plus urgent que jamais de préparer une nouvelle génération de leaders et que nos pratiques doivent évoluer sensiblement si nous voulons y arriver. Dans ce guide, nous avons insisté sur plusieurs pistes d’amélioration souhaitables, dont :
- Une diversification des moyens de développement (règle 70-20-10);
- Miser sur les transitions comme moments de développement privilégiés;
- Mettre l’accent sur les plans de développement individualisés;
- Responsabiliser davantage les aspirants leaders (production de livrables);
- Mesurer les bons indicateurs de performance du développement des leaders.
Ces suggestions et les autres que contient ce guide seront-elles suffisantes pour répondre aux besoins actuels et futurs?
Un article récent paru dans la revue Harvard Business Review[29] a abordé la question du futur du développement des leaders. Les auteurs plaident en faveur d’une approche plus personnalisée, partagée, contextualisée et flexible, ce qui est assez cohérent avec les positions préconisées dans ce guide.
Ils insistent toutefois sur l’importance que jouera la technologie dans la prochaine évolution des pratiques de développement des leaders. Selon eux, la prochaine grande évolution prendra la forme d’un « apprentissage personnel nuagique » qui permettra un niveau de granularité (microapprentissages) et de suivi jamais atteint auparavant dans les parcours de développement des leaders. Ceci pourrait entraîner une diminution des coûts fixes dans la livraison des programmes de formation sur mesure, et même mener à des certifications individualisées.
En attendant ces nouveaux développements, il est urgent de proposer une stratégie qui peut répondre à la principale préoccupation des dirigeants, qui est de réduire l’écart entre les leaders dont les organisations ont besoin et ceux dont elles disposent présentement. Nous espérons que ce guide vous permettra d’échafauder une réponse appropriée à votre contexte.