- Auteures
- Droits d’auteur
- Avis d’utilisation
- Introduction
- En cas de non-respect des dispositions législatives
- Pourquoi les éviter ?
- Qu’est-ce qu’une question comportementale ?
- Pourquoi l’éviter ?
- Qu’est-ce qu’une question situationnelle ?
- Pourquoi l’éviter ?
- Conclusion
- Références
Auteures
Merci à Sylvie Auger, CRHA, directrice principale, et Frédérique Henry, MBA (CDT), directrice principale chez EPSI Inc., pour leur collaboration à l’élaboration du contenu de cet outil.
Collaboratrices
Merci à Me Karine Dubois, LL.M, CRHA, avocate associée chez Beauvais Truchon, pour sa collaboration à la rédaction de la section « Le respect des aspects légaux » et à la révision légale de cet outil.
Merci à Colette Côté, CRHA, inspectrice, développement professionnel et qualité de la pratique à l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, pour sa collaboration à la relecture de cet outil.
Droits d’auteur
La reproduction, la publication et communication de ce document dans son intégralité sous quelque forme ou par quelque moyen (électronique, mécanique ou autre, y compris la photocopie, l’enregistrement ou l’introduction dans tout système informatique de recherche documentaire) est interdite sans le consentement écrit de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Par contre, pour les CRHA ǀ CRIA ainsi que les abonnés au Carrefour RH, il est permis d’utiliser les exemples contenus dans ce document avec les adaptations nécessaires sans autorisation de l’Ordre.
Avis d’utilisation
Dans le cadre de sa mission de protection du public, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés vous propose cet outil. Ce dernier doit toujours être adapté selon le contexte, les besoins de votre organisation ainsi qu’en tenant compte de l’ensemble des parties prenantes. Il ne constitue en aucun cas un avis juridique.
Si vous êtes un professionnel agréé, vous devez toujours vous référer à votre code de déontologie, aux normes professionnelles, ainsi qu’aux lois et règlements en vigueur et consulter un conseiller juridique au besoin.
Par ailleurs, les propos qui y sont exprimés n’engagent que leur auteur et l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés décline toute responsabilité à leurs égards.
Introduction
Plusieurs raisons justifient que l’on doive poser des questions dans le cadre d’un processus de dotation. Que ce soit lors d’une entrevue téléphonique ou entrevue d’embauche, ou à l’occasion de la prise de références, le choix des questions aura un impact positif ou négatif selon que l’on considérera ou non les trois principes de base suivants : le respect des aspects légaux; l’expérience candidat; et la qualité de l’outil.
1 - Le respect des aspects légaux
Bien qu’il est vrai que les employeurs jouissent d’une grande latitude dans le choix de leurs employés, le processus d’embauche est soigneusement encadré par la législation québécoise, et notamment par le Code civil du Québec, la Charte des droits et libertés de la personne (nommée ci-après « Charte »), la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ainsi que la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1]. Les employeurs doivent donc se montrer prudents dans le choix des questions qu’ils posent à leurs candidats.
L’article 37 du Code civil du Québec énonce que seuls les renseignements pertinents à l’objet déclaré du dossier peuvent être recueillis par la personne constituant ce dossier. Cet article prévoit une obligation de comportement : non seulement la personne doit-elle avoir un intérêt sérieux et légitime pour constituer le dossier, elle ne peut colliger que certains renseignements qui répondent au critère de pertinence eu égard à l'objet déclaré du dossier[2].
La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé a quant à elle pour objet d’établir, dans l’exercice des droits conférés par le Code civil en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l’égard des renseignements personnels sur autrui qu’une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers dans l’exploitation d’une entreprise[3]. Cette loi prévoit entre autres que seuls les renseignements nécessaires à l’objet du dossier peuvent être recueillis[4].
La Charte des droits et libertés de la personne protège les individus contre la discrimination à divers niveaux, dont dans le cadre de l’embauche. Elle protège également le droit à la vie privée[5]. L’article 10 de la Charte prévoit que :
Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
Plus particulièrement, dans le domaine des relations de travail, la Charte prohibe notamment la discrimination dans l’embauche[6].
Elle encadre le processus préembauche en ce qu’elle énonce que :
Nul ne peut, dans un formulaire de demande d’emploi ou lors d’une entrevue relative à un emploi, requérir d’une personne des renseignements sur les motifs visés dans l’article 10 sauf si ces renseignements sont utiles à l’application de l’article 20 ou à l’application d’un programme d’accès à l’égalité existant au moment de la demande.
L’article 20 prévoit en effet qu’une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans but lucratif ou vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique, est réputée non discriminatoire. Ainsi, certaines questions qui pourraient être discriminatoires de prime abord peuvent être justifiées dans ces circonstances bien précises.
En cas de non-respect des dispositions législatives
Un employeur qui ne respecterait pas les dispositions législatives ci-haut mentionnées s’expose essentiellement à un recours civil en dommages-intérêts ou à un recours devant le Tribunal des droits de la personne, qui peut, dans le cadre de l’exercice de sa juridiction, accorder des dommages-intérêts.
À titre d’exemple, le Tribunal des droits de la personne a considéré qu’une question posée à un candidat, avant le début de l’entrevue, relativement à l’origine de son nom était discriminatoire, et il a condamné l’employeur à verser un montant de 4 000 $ au plaignant[7].
Le Tribunal des droits de la personne a également décidé, dans une autre affaire, qu’une question sur l’origine de l’accent du candidat était discriminatoire, et il a condamné l’employeur à verser des dommages de 5 000 $ au plaignant.[8]
Dans une autre affaire[9], le représentant de l’employeur avait posé entre autres les questions suivantes au candidat : Quelle est votre religion ? Êtes-vous musulman ? Êtes-vous pratiquant ? Le tribunal a considéré que ces questions étaient contraires à la Charte et a condamné l’employeur à verser la somme de 7 500 $ au plaignant.
En résumé, il faut retenir que :
- Seules les questions liées aux exigences du poste à combler et nécessaires au processus d’embauche peuvent être posées au candidat.
- Le représentant d’un employeur doit s’abstenir, pendant tout le processus d’embauche, de poser une question sur un motif de discrimination illicite lorsque cette question n’est pas justifiée par un programme d’accès à l’égalité ou par les aptitudes ou qualités requises par un emploi[10].
- Le processus d’embauche inclut les entrevues téléphoniques ou par visioconférence, les échanges informels et les échanges par courriels ou textos. Cette interdiction vise également les outils de sélection, dont les tests écrits, les tests pratiques, les tests psychométriques ainsi que les questionnaires et examens médicaux de préembauche.
- Une question posée naïvement ou par simple curiosité par un représentant de l’employeur contrevient tout de même au droit du candidat à un processus d’embauche exempt de discrimination.
Exemples de questions interdites par la loi[11]
- Quelle est votre situation familiale ?
- Quelle est votre religion ?
- De quelle nationalité êtes-vous ?
- Souhaitez-vous avoir des enfants ?
- Comptez-vous prendre un congé de paternité ?
2 - L’expérience candidat
L’expérience candidat est un autre aspect à ne pas négliger lorsqu’on bâtit un canevas d’entrevue. L’équité, la transparence, l’égalité des chances, le respect, la confidentialité font partie des caractéristiques garantes d’un processus optimal, et surtout agréable pour le candidat.
Vous désirez conserver votre capacité d’attraction et diminuer par la même occasion les possibilités de contestation ? L’expérience que vivra votre candidat tout au long de son processus d’embauche s’avérera déterminante en ce sens, jusqu’à son entrée en poste et même par-delà.
Conseil
L’entrevue n’est pas une occasion pour piéger votre candidat…
C’est une période, limitée dans le temps, faite pour sonder son plein potentiel.
Votre candidat sera par exemple plus à l’aise si vous installez un climat positif et favorable durant l’entrevue. Détendez l’atmosphère et votre candidat s’ouvrira plus spontanément à vous, se mettra davantage en valeur en se livrant au sujet de ses expériences passées. C’est ce genre de choses qui nous permet, en tant que recruteurs, de découvrir le plein potentiel des individus que nous évaluons.
Si vos candidats ont une perception positive de votre entreprise lors du processus de sélection, cela rejaillira sur votre réputation et votre marque employeur ! Les avantages qu’il y a à poser des questions qui favorisent une expérience positive sont nombreux.
Exemples des questions à éviter pour assurer une expérience candidat positive
- Quel est votre pire défaut ?
- Accepteriez-vous de repeindre la maison de votre patron ?
- Vous préférez le chocolat ou les bonbons ?
- Connaissez-vous l’abréviation XYZ ? (Soit une information propre à votre milieu.)
Pourquoi les éviter ?
Lorsque confrontée à ce genre de questions, la personne candidate pourrait se sentir mal à l’aise du fait qu’elle cherchera un lien direct entre la question et l’emploi, ceci afin de donner à l’intervieweur la réponse qu’il semble vouloir entendre. Ces questions peuvent aussi exprimer des biais culturels, ou donner l’impression que l’on cherche un candidat à l’interne plutôt qu’externe. Par ailleurs, l’information recueillie par ce type de questions n’est pas prédictive de la performance future en emploi.
Exemples de questions qui contribuent à une expérience candidat positive
- Bonjour Mme/M. X, nous avons eu la chance de parcourir votre CV. Pourriez-vous nous parler d’expériences de travail passées qui auraient un lien avec le poste pour lequel vous postulez ?
- Qu’est-ce qui vous donne envie de vous joindre à notre équipe de travail ?
Conseil
Créez un climat de confiance et une ambiance propice à l’échange.
Concentrez votre attention sur la personne candidate en démontrant une écoute active !
3 - La qualité de l’outil
L’entrevue est l’outil le plus utilisé en dotation, que ce soit par téléphone, en présentiel ou de façon virtuelle, ou lors de la prise de références. Lorsqu’il est bien utilisé et bien construit, cet outil vous permettra de poser les bonnes questions et de découvrir les compétences clés des personnes candidates. Il est important de déterminer le profil de compétences recherché – les savoirs, le savoir-faire et savoir-être critiques à la fonction – dès l’étape de planification du processus. Qu’est-ce qui distingue un employé performant d’une personne non performante ? Est-ce sa capacité d’adaptation, sa rigueur ? Qu’est-ce qui est essentiel ? Ou superflu ? Posez-vous ces questions… mais sans oublier que personne n’est parfait !
Deux autres caractéristiques importantes sont recommandées dans l’élaboration d’une bonne entrevue et permettent de prédire la performance future en emploi : il s’agit de la validité et de la fidélité de l’outil de mesure.
- La validité : Fait référence à la capacité d’un instrument à mesurer ce qu’il prétend mesurer ou prédire.
- La fidélité : Fait référence à la constance des résultats obtenus à l'aide d’un instrument de mesure, d’un évaluateur à l’autre et d’une entrevue à l’autre.
Quels types de questions sont les plus aptes à nous donner une entrevue échafaudée selon les règles de l’art ? Ce sont les questions comportementales et situationnelles qui ont un lien direct avec les compétences nécessaires au poste à pourvoir[12].
Qu’est-ce qu’une question comportementale ?
Ce type de question vise l’obtention d’informations comportementales détaillées concernant la performance antérieure du candidat par rapport à la compétence évaluée – les savoirs, le savoir-faire ou savoir-être de cette personne, par exemple. Des preuves empiriques ont en effet démontré que la performance antérieure laisse présager de la performance future quand nous sommes en présence de situations similaires.
Exemple de question à éviter :
-
Quel livre avez-vous lu récemment ?
Pourquoi l’éviter ?
Ce type de question ne permet pas d’aller chercher une information liée à un comportement pertinent à l’emploi.
Exemple de question à privilégier :
- Pouvez-vous nous parler d’une situation récente où vous avez su vous adapter à une situation imprévue ? Décrivez la situation, les personnes impliquées, les actions que vous avez posées, les résultats et les leçons que vous en avez tirées.
Qu’est-ce qu’une question situationnelle ?
Ce type de question est utilisé pour déterminer si le candidat possède la flexibilité nécessaire et un répertoire comportemental suffisamment vaste pour transférer ce qu’il a appris à des situations nouvelles. Dans ces mises en situation, on demande au candidat de réagir face à une situation au travail. Les contextes présentés doivent être réalistes et d’un niveau approprié à l’emploi. Il ne s’agit pas de confronter ici le candidat à une situation extraordinaire.
Exemple de question à éviter :
-
Vous partez vivre seul sur une île déserte. Si vous ne pouviez apporter qu’un seul objet avec vous, quel serait cet objet ?
Pourquoi l’éviter ?
Cette situation fictive ne colle pas suffisamment à la réalité de l’emploi. Si vous posez des questions hors contexte ou sans lien avec les compétences nécessaires à l’emploi, vous risquez de passer complètement à côté de votre objectif, qui est de recruter les candidates et candidats les plus compétents !
Exemple de question à privilégier :
- Agissant à titre de superviseur, vous recevez simultanément trois courriels. Le premier est en provenance d’un partenaire qui souhaite développer un projet porteur. Dans le second, un employé vous remet un billet médical d’une durée d’un mois. Le troisième vient d’un client insatisfait des services que vous lui avez offerts, et qui exige de vous parler. De quelle façon allez-vous prioriser vos actions ? Justifiez votre approche.
Conclusion
Les questions posées lors du processus d’embauche sont au cœur de la démarche de recrutement en ce sens qu’elles permettent de recueillir des informations pertinentes qui vous aideront à faire des choix de recrutement et de sélection éclairés. Évitez les questions proscrites par les lois et règlements en vigueur, et favorisez un climat propice au partage des réalisations de la personne candidate et de la réalité du poste. Misez sur des questions bien construites, et vous aurez en main des données qui vous permettront d’intégrer les meilleurs talents au sein de votre organisation. Nous vous invitons à consulter un CRHA ou CRIA qui saura vous aider à bien structurer vos processus de dotation et à développer des questionnaires d’entrevue pertinents, efficaces et aptes à prédire la performance future en emploi.
Références
Pettersen, Normand, et Durivage, André. Entrevue structurée : pour améliorer la sélection du personnel, Presses de l’Université du Québec, ISBN : 9782760518742 (2760518744), 296 pages, 2006.
Bourhis, Anne. Recrutement et sélection du personnel, Chenelière, 3e éd., ISBN-13 : 9782891059893, 600 pages, 2018.