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Le congédiement d’un enseignant est annulé malgré l’obtention de services sexuels

Le congédiement d'un professeur d'éducation physique est annulé, notamment parce qu'il n'y a pas de lien entre l'infraction d'obtention de services sexuels moyennant rétribution, survenue dans sa vie privée, et la profession d'enseignant.
15 décembre 2025

Intitulé

Syndicat de l'enseignement de la région de Québec (FAE) et Centre de services scolaire des Premières Seigneuries (griefs individuels), 2025 QCTA 391

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs contestant une suspension et un congédiement. Demande d'anonymisation. Accueillis.

Décision de

Me Alain Turcotte, arbitre

Date

28 août 2025


Après avoir plaidé coupable à des infractions d'obtention de services sexuels moyennant rétribution et de harcèlement envers une personne accordant de tels services, le plaignant, qui occupait le poste de professeur d'éducation physique au primaire, a été suspendu (avec et sans traitement), puis congédié. Alors que l'employeur fait valoir l'incompatibilité entre les actes commis par le plaignant et l'emploi d'enseignant, le syndicat invoque l'application de l'article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui interdit de congédier ou autrement de pénaliser une personne du seul fait qu'elle a été déclarée coupable d'une infraction pénale ou criminelle.

Décision

Le plaignant présente une carrière sans reproche dans l'enseignement. L'infraction pour laquelle il a plaidé coupable relève entièrement de sa vie privée. Elle n'est pas survenue sur les lieux de travail ni même dans un contexte connexe au milieu scolaire. Il n'y a aucune allégation de gestes ou de propos déplacés commis envers qui que ce soit à l'école, et encore moins de preuve à cet égard. L'infraction commise n'implique pas une personne mineure ni une personne en lien avec le travail, que ce soit un collègue ou un élève. Pour ce qui est des valeurs adoptées par l'employeur ou l'école, il ne s'agit pas de les nier. Il faut plutôt considérer le cas du plaignant comme un écart de conduite qui doit être étudié non pas en vertu de principes absolus, mais de manière concrète, en tenant compte du fait que tout être humain est faillible. De plus, puisqu'il s'agissait d'une première condamnation, le plaignant a été condamné à des amendes assorties d'une ordonnance de probation de 1 an et d'une interdiction de contacts avec la personne harcelée. Par conséquent, le tribunal compétent au criminel a jugé que cette peine correspondait à ce qui est suffisant pour punir le plaignant et éviter que ce comportement répréhensible ne se reproduise. De son côté, alors qu'il connaissait tous ces éléments, l'employeur a adopté une approche exigeant la perfection de l'enseignant en tout temps, ce qui n'est pas réaliste. Ce qui est bien pire, c'est qu'il a fondé sa décision sur la perception que le plaignant est moins apte à effectuer son travail et moins digne d'être reconnu en tant qu'être humain en raison de ses antécédents judiciaires. On dénote aussi, dans le témoignage de la directrice adjointe des ressources humaines, une crainte de l'opinion des parents. Cela ne justifie pas une décision impulsive. Enfin, l'ensemble de la preuve ne permet pas de conclure à l'existence d'un risque pour la sécurité et l'intégrité des élèves ou du personnel si le plaignant reprenait son poste. Il n'y a pas de tel lien entre l'infraction et la profession qui le rendrait incapable d'enseigner. Une fois les faits connus, il n'y a pas non plus d'éléments qui mineraient la confiance des parents. Il y a donc lieu d'accueillir les griefs, d'annuler le congédiement et la suspension sans salaire ainsi que d'ordonner la réintégration et le paiement du salaire perdu.

Par ailleurs, il convient d'accueillir la demande d'anonymisation. En effet, il s'agit d'un dossier en matière de relations du travail. Le plaignant a commis un incident de parcours à l'extérieur du milieu scolaire. Bien que ce soit un facteur secondaire à l'analyse, son cas n'a pas été publicisé. La présente décision accueille son grief et ordonne sa réintégration. Divulguer son nom risquerait de le stigmatiser davantage.