Intitulé
Centre de services scolaire Marie-Victorin, 2025 QCTAT 2498
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Montérégie
Type d'action
Contestation par l'employeur de décisions relatives à un transfert des coûts. Contestation accueillie.
Décision de
Isabelle St-Jean, juge administrative
Date
16 juin 2025
Les travailleuses, une éducatrice spécialisée et une psychoéducatrice, ont subi des lésions professionnelles à la suite de la désorganisation d'un élève. L'employeur a demandé un transfert d'imputation dans chaque dossier, estimant que l'accident était attribuable à un tiers, soit l'élève, et qu'il était injuste qu'il en soit imputé. La CNESST a rejeté ces demandes et l'instance de révision a confirmé ces décisions.
Décision
La survenance de l'accident du travail n'est pas en litige. Il ne fait aucun doute non plus que l'élève est un tiers. Quant à savoir si l'accident lui est majoritairement attribuable, il ressort de la preuve, et notamment du témoignage de la préventionniste responsable de l'enquête menée à la suite de l'événement accidentel, qu'aucune intervention n'aurait pu être faite pour éviter sa survenance. Par ailleurs, il n'a pas été possible d'identifier une cause contributive à la désorganisation soudaine et démesurée de l'élève et il était en conséquence impossible de prévenir cette désorganisation. En outre, même si quelque contribution que ce soit de l'employeur pouvait être retenue, ainsi que l'a prétendu la CNESST, il demeure que celle de l'élève est majoritaire. N'eût été sa désorganisation inexplicable, les travailleuses n'auraient pas subi de lésions professionnelles.
Tel que le rappelle Centre de services scolaire Marie-Victorin (T.A.T., 2025-02-07), 2025 QCTAT 572, SOQUIJ AZ-52096625, 2025EXPT-585, le fait qu'un élève se désorganise et qu'il s'en prenne à un intervenant ou à ses pairs, voire qu'il les agresse physiquement, n'a rien d'inusité en soi dans une école qui offre des services spécialisés à une clientèle ayant des besoins particuliers, comme en l'espèce, et cela constitue un risque relié aux activités de l'employeur. Néanmoins, considérés dans leur ensemble, certains éléments, qui proviennent des témoignages entendus à l'audience ainsi que du rapport d'enquête et d'analyse d'accident de la préventionniste, permettent de conclure au caractère rare, inusité ou exceptionnel de l'événement accidentel, soit le changement brusque et inhabituel de comportement de l'élève, la nature et la durée de la désorganisation, le nombre élevé de membres du personnel sollicités de même que les ressources requises en plus de celles de l'école pour maîtriser l'élève. La désorganisation de ce dernier a d'ailleurs bouleversé l'ensemble des membres du personnel, alors qu'ils étaient à bout de ressources devant une situation incontrôlable jamais vécue à l'école.
Selon la CNESST, l'employeur ne peut prétendre à une situation d'injustice puisque lui-même ne semble pas respecter ni appliquer ses obligations légales particulières en matière de violence. L'ignorance de la directrice adjointe et de la préventionniste quant à l'obligation de conclure une entente avec la police locale le démontrerait. Or, la preuve n'a pas établi que l'employeur avait manqué à ses obligations. Le Tribunal partage par ailleurs la position exprimée dans Centre de services scolaire Marie-Victorin (T.A.T., 2024-05-15), 2024 QCTAT 1766, SOQUIJ AZ-52028839, 2024EXPT-1334, selon laquelle, peu importe l'encadrement législatif auquel est soumis l'employeur et la mise en place de politiques ou de directives visant la prévention de la violence physique ou verbale dans le milieu de travail, il pourra toujours survenir des situations qui seront hors de son contrôle. Par conséquent, il est injuste d'imputer les coûts reliés aux lésions professionnelles au dossier de l'employeur. Ceux-ci doivent plutôt être imputés à l'ensemble des employeurs.