Intitulé
Charbonneau c. Graphite Nordique inc., 2025 QCTAT 2235
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Laurentides
Type d'action
Plainte en vertu de l'article 123.6 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) pour harcèlement psychologique — accueillie.
Décision de
Yves Lemieux, juge administratif
Date
4 juin 2025
Décision
La plaignante occupait le poste d'adjointe administrative et de responsable des achats chez l'employeur, une entreprise spécialisée dans l'extraction de minerai de graphite — elle soutient avoir fait l'objet de harcèlement psychologique de la part d'une sous-traitante de l'employeur et de la directrice des ressources humaines (DRH) — la preuve démontre que la plaignante a été victime d'une conduite vexatoire de la part de la soustraitante — en effet, cette dernière a crié à plusieurs reprises contre la plaignante, a proféré des propos injurieux à son endroit et a dénigré son travail — ce comportement s'est même produit devant un membre du personnel et 2 gestionnaires — le comportement de la DRH dans le bureau de la plaignante, où elle a crié et répété les mêmes récriminations et a empêché celle-ci de sortir du bureau en lui barrant le passage, constitue aussi une conduite vexatoire — en séquestrant ainsi la plaignante, la DRH a abusé de son droit de direction — ce seul comportement constitue en soi une conduite à ce point grave qu'il peut à lui seul être qualifié d'épisode de harcèlement psychologique — le cumul des comportements et des propos répétés, hostiles et non désirés de la part de ces 2 personnes a porté atteinte à la dignité et à l'intégrité psychologique de la plaignante — les derniers événements ont été les incidents de trop et la plaignante a dû consulter son médecin, lequel lui a prescrit un arrêt de travail qui s'est prolongé au-delà de la fin de son emploi — les comportements adoptés et les propos tenus ont créé un milieu de travail néfaste pour la plaignante.
L'employeur est responsable des propos et du comportement de la sous-traitante à l'endroit de la plaignante, conformément à l'article 81.19 L.N.T — la DRH a été mise au courant de la situation dès les mois de juin et de juillet 2022, mais la dénonciation de la plaignante n'a pas produit les résultats escomptés — au contraire, la sous-traitante a continué à la dénigrer et à l'injurier — bien que la DRH ait indiqué dans un courriel transmis au conjoint de la plaignante qu'elle prendrait les mesures nécessaires pour résoudre ce problème, cette dernière n'a jamais été jointe en lien avec ces événements — ainsi, la plaignante a subi du harcèlement psychologique et l'employeur, en raison de son absence de l'audience, n'a pu faire la démonstration qu'il avait pris des moyens raisonnables pour faire cesser cette situation.
Plainte en vertu de l'article 124 L.N.T. à l'encontre d'un congédiement — accueillie — la plaignante soutient avoir été congédiée sans cause juste et suffisante alors que, pendant une absence pour maladie temporaire, l'employeur lui a transmis un avis l'informant que son poste avait été aboli — compte tenu de son absence de l'audience, l'employeur s'est privé de la possibilité d'établir les motifs au soutien du licenciement allégué de la plaignante — il y a donc lieu de conclure que la plaignante a été victime d'un congédiement déguisé — le motif invoqué dans la lettre de fin d'emploi, soit l'abolition du poste, n'aurait par ailleurs pas été retenu, s'agissant plutôt d'un prétexte pour se départir des services de la plaignante — cette dernière a témoigné avoir reçu un appel téléphonique de la personne qui l'a remplacée à la suite de son absence pour maladie et celle-ci lui a mentionné accomplir les mêmes tâches et occuper son bureau — cette personne est toujours en poste, et ce, même après l'annonce de l'abolition du poste — les conditions d'ouverture du présent recours sont établies, à savoir que: la plaignante est une salariée ayant au moins 2 années de service continu; elle a fait l'objet d'un congédiement déguisé; elle n'a pas d'autres recours utiles; et la plainte a été déposée dans les 45 jours ayant suivi la fin d'emploi — le congédiement est annulé — la plaignante a renoncé à sa réintégration et, compte tenu de la preuve médicale produite, celle-ci ne constitue pas une mesure appropriée — le Tribunal réserve sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées dans le cas des 2 plaintes.