Intitulé
Harvey c. Maison d'accueil pour sans-abri de Chicoutimi inc., 2024 QCTAT 4728
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Saguenay-Lac-Saint-Jean
Type d'action
Plainte en vertu de l'article 123.6 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) pour harcèlement psychologique et plaintes en vertu de l'article 124 L.N.T. à l'encontre de congédiements déguisés — rejetées.
Décision de
Caroline Gagnon, juge administrative
Date
24 octobre 2024
Décision
Le plaignant occupait un poste de gardien de nuit-intervenant dans un organisme sans but lucratif qui héberge des personnes en situation d'itinérance et leur vient en aide — antérieurement aux plaintes faisant l'objet du présent litige, il avait déposé une série de plaintes contre l'employeur — en 2017, les parties ont signé une transaction dans laquelle elles se sont donné mutuellement une quittance finale et complète — en 2022, la Cour supérieure a rendu une décision dans laquelle elle a révisé la décision du TAT voulant que les faits antérieurs à la transaction de 2017 soient inadmissibles en preuve dans le contexte des plaintes qui font l'objet du présent litige — elle a retourné le dossier au Tribunal — la transaction ne vise que les plaintes mentionnées explicitement dans la quittance, soit celles pour les congédiements sans cause juste et suffisante et celle pour pratique interdite — les faits antérieurs à la signature de cette quittance sont admissibles en preuve dans le cadre de la plainte pour harcèlement psychologique, mais pas pour celles de congédiements — dans le cas de ces dernières, il y a identité de parties, d'objet et de cause ainsi que chose jugée.
Le plaignant n'a pas fait l'objet de harcèlement psychologique — il était contrarié par la désapprobation du nouveau directeur général concernant ses demandes d'assistance policière — ce dernier, après avoir consulté les notes du plaignant inscrites dans le journal de bord à la suite d'un quart de travail, a estimé qu'il devait recadrer la manière d'agir de ce dernier puisque celle-ci avait le potentiel d'exacerber une situation à un niveau tel que l'assistance policière deviendrait nécessaire — le plaignant n'acceptait pas l'encadrement du directeur général ni les nouvelles orientations mises en place, ce qui l'a amené à répéter des comportements qui étaient certes acceptables auparavant, mais qui ne l'étaient plus en raison de la réorganisation effectuée par le nouveau directeur général — ces événements ne constituent en rien une conduite vexatoire — il ne s'agissait pas de comportements, de paroles, d'actes ou de gestes hostiles ou non désirés — les rencontres entre un supérieur et un salarié au sujet de la performance de travail ne constituent pas du harcèlement — l'employeur peut évaluer le rendement d'un salarié et lui demander d'apporter des correctifs précis — le plaignant soutient que le nouveau directeur général a réduit de moitié le nombre d'heures qu'il effectuait pour les offrir à une nouvelle employée et qu'il ne lui offrait plus de quarts de travail de remplacement — il revient cependant à l'employeur d'établir l'organisation du travail, de gérer les ressources humaines et matérielles de même que de déterminer les tâches à effectuer ainsi que les façons de faire — la preuve démontre en outre que le nouveau directeur général a agi dans les limites de son pouvoir de direction — ce dernier avait un mandat clair du conseil d'administration d'effectuer une réorganisation et un changement de philosophie — il a effectué la transition vers de nouvelles orientations de manière pondérée et respectueuse — le plaignant se sentait méprisé et brimé par le refus du nouveau directeur général d'accepter ses demandes de remplacement, et ce, compte tenu du sentiment de détresse qu'il vivait en raison de la maladie et du décès de sa mère — le nouveau directeur général reconnaît avoir demandé au plaignant s'il était en mesure de travailler, considérant la récurrence de ses demandes de remplacement de façon tardive — il a accepté que le plaignant prenne des congés à ses frais pour prendre soin de sa personne — or, à un certain moment, le nouveau directeur général a eu besoin de quelqu'un pour effectuer le travail et il devait savoir si le plaignant était en mesure de le faire pour mieux planifier les horaires — il n'avait pas l'obligation de répondre positivement à toutes les demandes du plaignant.
Le plaignant n'a pas été congédié — les événements survenus à la suite de la transaction ne permettent pas de conclure, même en considérant leur effet cumulatif, qu'ils constituent la manifestation de l'intention de l'employeur de ne plus être lié par le contrat unissant les parties — il n'y a pas de preuve de propos dénigrants et humiliants, de critiques non fondées quant à la qualité du travail du plaignant ou de harcèlement psychologique — rien ne démontre que ce dernier a dû démissionner pour se soustraire à la souffrance causée par le comportement du nouveau directeur général, lequel aurait rendu ses conditions de travail intolérables — la conduite du plaignant ne porte pas à interprétation puisqu'il a clairement manifesté sa volonté de démissionner après avoir réfléchi à sa décision.
Réf. ant
(T.A.T., 2020-11-19), 2020 QCTAT 4268, SOQUIJ AZ-51723912; (C.S., 2022-03-22), 2022 QCCS 1370, SOQUIJ AZ-51846557, 2022EXP-1412, 2022EXPT-1184.