Intitulé
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes - Factrices et facteurs ruraux et suburbains et Société canadienne des postes (Diane Morin), 2025 QCTA 197
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief contestant le recouvrement de sommes versées en trop. Accueilli en partie.
Décision de
Me Denis Nadeau, arbitre
Date
9 mai 2025
La plaignante, une factrice rurale, s'est absentée du travail à la suite d'un événement survenu en mars 2017. À l'époque, la CNESST a refusé de considérer cet événement comme un accident du travail, de sorte qu'elle a rejeté la réclamation de la plaignante à cet égard. Au cours des 3 années suivantes, cette dernière a reçu des prestations du programme d'assurance-indemnité de courte durée (PAICD) prévu à la convention collective. En avril 2020, le TAT a annulé la décision de la CNESST, reconnaissant désormais que la plaignante avait effectivement subi un accident du travail en 2017. Suivant cette décision, l'employeur a réclamé à la plaignante le remboursement de l'ensemble des sommes qui lui avaient été versées au cours des 3 années précédentes, soit plus de 43 000 $, et ce, au moyen d'une retenue de 10 % sur chaque paie. Le présent grief a donc pour objet de déterminer la validité ou non de la décision de l'employeur à cet égard ainsi que la somme devant réellement être remboursée par la plaignante, le cas échéant.
Décision
Le principe du droit de recouvrement d'un paiement fait en trop par l'employeur n'est pas contesté en soi. Il est reconnu expressément à l'article 33.05 de la convention collective et autorisé par l'article 254.1 (2) b) du Code canadien du travail. Selon l'employeur, le recouvrement qu'il exige tirerait sa source du fait que, en vertu de l'article 452 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), la plaignante ne pouvait cumuler les prestations découlant de cette loi et du PAICD. Or, un tel argument n'est pas fondé en droit, l'article 452 LATMP ne pouvant être invoqué dans le présent contexte. D'une part, cette disposition prévoit qu'une personne ayant droit à des prestations en vertu de cette loi et «en vertu d'une loi autre qu'une loi du Parlement du Québec» doit opter entre ces sources législatives. La plaignante ne se trouvait aucunement dans cette situation de doubles sources législatives puisqu'elle recevait des prestations d'assurance-invalidité à la suite du refus de la CNESST de reconnaître un accident du travail. Il n'y avait donc aucune option à choisir au moment des événements. D'autre part, l'article 36.10 de la convention collective prévoit expressément la possibilité qu'un employé reçoive des prestations d'un programme d'accident du travail, mais que, dans un tel cas, ses prestations d'assurance-invalidité issues du PAICD soient réduites de cette source. Les parties n'ont donc pas exclu la possibilité qu'une telle situation puisse survenir; elles ont plutôt précisé une règle afin que les sommes versées en vertu du PAICD soient réduites des revenus reçus, au Québec, de la CNESST.
Quant à savoir si les sommes versées par l'employeur peuvent être réclamées à titre de troppayé, il n'est pas question en l'espèce de réception simultanée de prestations du PAICD et d'indemnités de la CNESST puisque ce n'est que 3 ans plus tard que le TAT, en infirmant la décision de la CNESST, a reconnu que la plaignante avait subi un accident du travail. Une telle situation crée en quelque sorte une «rétroactivité juridique présumée», ce qui implique qu'il faut désormais considérer que la plaignante a touché, au cours de la même période, des indemnités de la CNESST et des prestations du PAICD. Quoique cette situation soit atypique, elle ne modifie pas l'application de l'article 36.10 de la convention collective. Ainsi, l'employeur ne peut prétendre avoir le droit de réclamer la totalité des sommes versées par le PAICD sans tenir compte des sommes obtenues par la plaignante de la CNESST. Les dispositions d'une convention doivent se lire les unes avec les autres, et l'interprétation proposée par l'employeur enfreint cette règle. Il y a plutôt lieu de conclure que la plaignante doit rembourser l'équivalent de ce qu'elle a reçu de la part de la CNESST, l'employeur ne pouvant prétendre au remboursement des sommes versées en vertu du PAICD que jusqu'à concurrence des prestations obtenues d'un autre régime d'indemnisation. La portion du PAICD excédant les indemnités de la CNESST ne peut donc pas être recouvrée par l'employeur. Compte tenu de cette conclusion et des sommes déjà prélevées à la source sur la paie de la plaignante, le montant résiduel pouvant être recouvré par l'employeur est fixé à un solde de 21 983 $.
En ce qui a trait à la demande de dommages-intérêts de la plaignante, basée sur le stress et l'anxiété vécus en raison de la présente situation, il y a lieu de l'accueillir en partie et d'accorder la somme de 1 500 $ à ce titre, laquelle viendra également réduire le solde dû par la plaignante aux termes de cette décision. L'employeur a adopté dans ce dossier une approche erronée quant à la base même de sa réclamation, opaque et marquée d'une troublante imprécision en ce qui concerne la détermination de sommes substantielles à titre de trop-payé.