lois-et-reglements / jurisprudence

Sauter les étapes, mesure disciplinaire annulée

La suspension doit être annulée même s'il est question d'une faute grave, l'employeur ayant omis de soumettre au comité des relations du travail la mesure disciplinaire envisagée, contrairement à la procédure préalable prévue à la convention collective.
14 août 2025

Intitulé

Collège John Abbott (John Abbott College of General and Vocational Education) et Syndicat de professeures et professeurs du Collège John Abbott (John Abbott College Faculty Association) (Christine Tellier), 2025 QCTA 190

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant une suspension (4 jours). Accueilli.

Décision de

Me Claude Martin, arbitre

Date

7 mai 2025


Le syndicat conteste une suspension de 4 jours imposée à la plaignante, une enseignante, à la suite d'une altercation avec une étudiante survenue dans un stationnement attenant à l'établissement d'enseignement de l'employeur. Alors que la plaignante se trouvait à une intersection au volant de son véhicule, l'automobile de l'étudiante, qui était dans la voie de droite, a coupé la voie de gauche, dans laquelle la plaignante s'était engagée. Froissée, celle-ci a suivi l'étudiante jusqu'à ce qu'elle se gare dans un stationnement réservé à l'usage des étudiants. La plaignante s'est alors garée à la gauche de l'étudiante et elle est descendue de sa voiture pour ensuite frapper la vitre de la portière ou le toit de la voiture de cette dernière, ouvrir la portière et invectiver la conductrice. Le syndicat demande le retrait de la mesure disciplinaire du dossier de la plaignante, le remboursement du salaire dont celle-ci a été privée et une compensation pour le préjudice qu'elle a subi en raison de cette sanction. Il soutient essentiellement que la mesure doit être annulée parce que l'employeur n'a pas respecté la procédure d'imposition d'une mesure disciplinaire convenue entre les parties et que, dans tous les cas, la sanction n'était pas appropriée au regard des circonstances de l'affaire.

Décision

La plaignante a commis une faute sérieuse qui méritait une sanction. Certes, la conductrice qui lui a coupé la voie a fait une manoeuvre risquée qui aurait pu entraîner un accident. Par contre, cette bêtise n'excuse ni n'explique le comportement dont a fait preuve la plaignante lorsqu'elle s'est mise aux trousses de l'étudiante sur quelques centaines de mètres pour ensuite se garer près d'elle et l'agresser verbalement, voire l'injurier. Son aveu et ses regrets sincères exprimés à la direction de l'employeur par la suite témoignent d'ailleurs du fait qu'elle en était consciente. La difficulté réside dans le fait que l'employeur a complètement éludé la procédure d'imposition d'une mesure disciplinaire, dont le respect, en l'espèce, est une condition de fond devant être remplie pour en assurer la validité. Il ne s'agit pas d'une simple formalité que l'employeur n'a pas accomplie. Les dispositions pertinentes de la convention collective sont explicites à cet égard: l'employeur devait d'abord soumettre sa décision d'imposer une suspension au comité des relations du travail s'il souhaitait le faire par la voie usuelle. Même dans des circonstances exceptionnelles nécessitant une intervention immédiate, l'employeur doit alors suspendre le salarié et il dispose ensuite d'un délai de 15 jours ouvrables pour convoquer le comité, sans quoi le salarié doit être réintégré dans ses fonctions. Ainsi, peu importe le cas de figure retenu, la réunion des membres du comité est impérative. Or, l'employeur n'a jamais respecté cette exigence et la preuve ne permet pas de conclure que le syndicat ou la plaignante avaient renoncé à l'application de ces dispositions. Le manquement de l'employeur a en outre été préjudiciable à la plaignante, alors qu'elle n'a pas eu l'occasion de se faire entendre par le comité et de présenter la preuve de circonstances atténuantes. L'ensemble de ces manquements constitue un accroc suffisant pour entraîner la nullité de la suspension dont la plaignante a fait l'objet. Décider autrement reviendrait à retenir que, en toutes circonstances, l'employeur peut se soustraire à ses obligations officielles en matière disciplinaire du seul fait qu'il a discuté des faits à l'origine de la mesure à l'occasion d'une rencontre informelle avec un représentant syndical. Une telle proposition est contraire à la lettre et à l'esprit des dispositions pertinentes de la convention.