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Régime de primes à l’embauche, une situation délicate pour un syndicat

L'instauration délibérée par l'employeur d'un régime de primes à l'embauche à l'insu du syndicat a causé à celui-ci un préjudice susceptible d'indemnisation.
19 août 2025

Intitulé

Association des formateurs en conduite automobile du Québec (AFCAQ) (CSD) et École de conduite Tecnic Rive-Sud inc. (grief syndical), 2025 QCTA 179

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Fixation d'une indemnité.

Décision de

Me Robert L. Rivest, arbitre

Date

30 avril 2025


Dans une première sentence arbitrale, le Tribunal a accueilli en partie le grief du syndicat. Celui-ci reprochait à l'employeur de verser à son insu une prime à des personnes salariées suivant leur embauche, alors que rien n'était prévu à cet effet dans la convention collective. Invoquant ce manquement à la convention et la conduite opaque de l'employeur quant aux mécanismes liés à ces versements, le syndicat réclame une compensation en dommages-intérêts. L'employeur conteste cette réclamation, alléguant d'abord qu'il n'y a pas de fondement juridique à une telle réclamation, la simple violation d'une convention collective ne justifiant pas d'accorder des dommages-intérêts. Subsidiairement, si une compensation devait être versée, l'employeur fait valoir que les sommes demandées par le syndicat sont nettement exagérées.

Décision

L'instauration délibérée d'un régime de primes à l'embauche à l'insu du syndicat a créé une situation délicate pour ce dernier, minant sa crédibilité et l'obligeant à gérer le mécontentement de ses membres. Il s'agit de dommages directs liés à des décisions contrevenant aux conditions négociées à la convention collective. Les nombreuses demandes effectuées par le syndicat pour gérer la situation et comprendre le régime instauré sans qu'il ait été consulté, le tout en marge des conditions de travail négociées et prévues à la convention, ont exigé des efforts considérables, lesquels sont directement liés au mutisme de l'employeur. Ces troubles et inconvénients sont susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation. L'employeur a contrevenu à ses obligations de reconnaître le syndicat comme seul agent négociateur pour les membres qu'il représente, et ce, en contractant à 69 reprises des ententes particulières, alors que de telles ententes sont expressément interdites par la convention. En instaurant un tel régime de primes ainsi qu'en empêchant les rencontres ou en retenant les informations demandées par le président du syndicat pour clarifier la situation, l'employeur a porté atteinte à la réputation de l'association auprès de ses membres. Une somme de 4 000 $ à titre de dommages-intérêts pour les troubles et inconvénients subis par le syndicat, qui découlent exclusivement du comportement de l'employeur, paraît juste et raisonnable. Enfin, une somme de 2 500 $ à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la réputation se justifie au regard de l'incidence des gestes commis par l'employeur sur la crédibilité du syndicat concernant son devoir de représentation de ses membres et de défense de leurs intérêts.

Réf. ant

(T.A., 2024-10-11), 2024 QCTA 452, SOQUIJ AZ-52064142, 2024EXPT2022.