lois-et-reglements / jurisprudence

Longue liste de fautes : suspension de 60 jours

La suspension de 60 jours imposée à un infirmier de l'Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel pour avoir fait preuve d'insubordination, avoir inscrit une note erronée au dossier d'un patient et avoir intimidé une médecin ainsi qu'usurpé son autorité devant des patients est confirmée; l'ensemble des fautes était suffisamment grave pour permettre à l'employeur de passer outre au principe de la progression des sanctions.
12 août 2025

Intitulé

Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel et Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 2960 (Alexandre Kerouac), 2025 QCTA 156

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs contestant un avis disciplinaire, une suspension à des fins d'enquête et une suspension disciplinaire. Accueillis en partie.

Décision de

Me Claire Brassard, arbitre

Date

22 avril 2025


Le plaignant est infirmier dans un hôpital surspécialisé en santé mentale qui accueille des patients ayant un potentiel de dangerosité élevé. L'employeur lui reproche des comportements professionnels inadéquats et de l'incivilité, ce dont le plaignant a été avisé en 2021. Ce dernier a ensuite été suspendu sans solde à des fins d'enquête, puis a été suspendu de nouveau pour 60 jours en 2022. L'employeur lui reproche d'avoir inscrit une note erronée au dossier d'un patient, d'avoir fait preuve d'insubordination, d'avoir manqué de jugement ainsi que d'avoir intimidé une médecin et usurpé son autorité devant des patients. Le syndicat soutient que le plaignant a agi en suivant sa conscience professionnelle. Il prétend que l'avis écrit de juin 2021 contrevenait à la convention collective puisqu'il a été remis au plaignant en l'absence d'un représentant syndical. Il fait aussi valoir que la suspension à des fins d'enquête contrevient à la convention collective puisque la procédure qui y est prévue n'aurait pas été respectée.

Décision

L'article 4.12 de la convention collective prévoit que l'employeur doit informer à l'avance le salarié visé par une mesure disciplinaire afin de lui permettre d'exercer son droit d'exiger ou non d'être accompagné par un représentant syndical. En l'espèce, le plaignant n'a pas été informé du motif de sa convocation, en juin 2021, et il n'a donc pu se prévaloir de son droit de requérir la présence du syndicat. Le Tribunal conclut que l'avis disciplinaire doit être retiré du dossier du plaignant.

Dans la lettre de suspension à des fins d'enquête remise en juin 2022, dont les termes sont vagues, l'employeur a invoqué des comportements inappropriés, incivils, intimidants et violents du plaignant à l'égard de ses collègues. Au surplus, la procédure prévue à l'article 4.08 B de la convention collective n'a pas été suivie puisque la suspension n'a pas été précédée d'une rencontre entre l'employeur et le syndicat. L'employeur a également omis de préciser par écrit au plaignant et au syndicat, dans les 4 jours ayant précédé le début de la suspension, les raisons et les faits ayant entraîné celle-ci. Cette suspension est annulée.

Quant à la suspension disciplinaire, il a été démontré que le plaignant a proposé un calmant à un patient, et ce, même si cela allait à l'encontre de l'avis de ses collègues, qui l'avaient informé que le patient risquait de se désorganiser. Le patient s'est effectivement désorganisé, entraînant une mesure d'urgence pour le garder dans sa chambre sans possibilité d'en sortir. Le Tribunal constate que, au moment des événements, le climat ne favorisait pas le travail d'équipe. Il demeure toutefois que le plaignant a commis 2 fautes en ne prenant pas en compte l'avis de ses collègues, puis en inscrivant des notes évolutives erronées au dossier du patient afin de camoufler sa faute. Ces fautes étaient suffisamment graves pour mériter une sanction. En outre, le plaignant a fait preuve d'insubordination en décidant de ne pas commencer un quart de travail après avoir constaté qu'il était le seul infirmier dans une unité réputée «lourde» ou dangereuse. Il a choisi de quitter l'unité sans en avertir sa gestionnaire, puis a refusé de revenir après que celle-ci lui eut confirmé qu'une seconde infirmière serait présente pendant le quart de travail. Ayant été convoqué au bureau de la gestionnaire, le plaignant a refusé d'y entrer sans être accompagné de son représentant syndical, a adopté une attitude fermée et a levé les yeux au ciel durant la discussion. Ce refus du plaignant d'obéir à une demande claire, simple et élémentaire d'une supérieure constituait un geste d'insubordination injustifié et inacceptable puisque cela a eu une incidence sur les soins. L'employeur reproche au plaignant d'avoir manqué de jugement en apportant des petits gâteaux à connotation sexuelle au travail. Aucun gâteau n'a cependant été mangé sur place et la boîte n'a pas été déposée à la vue des patients. Même si l'intention du plaignant n'était pas mauvaise en soi, son geste était inadéquat. Enfin, il appert que celui-ci a intimidé une médecin psychiatre et a usurpé son autorité devant des patients. Le plaignant et cette dernière s'étaient échangé des courriels, mais leur relation n'a pas franchi ce stade. Le plaignant s'est toutefois montré insistant et même intimidant envers la médecin, notamment en se postant sur le seuil de son bureau pour l'empêcher de sortir. Le plaignant s'est également permis de dire à certains des patients qu'il n'était pas d'accord avec les plans de traitement de la médecin et serait même allé jusqu'à leur promettre des choses en son nom. Dans les circonstances, le Tribunal considère que la suspension de 60 jours n'était ni abusive, ni arbitraire, ni discriminatoire, la falsification de documents en milieu hospitalier étant généralement sévèrement sanctionnée. L'ensemble des fautes du plaignant était suffisamment grave pour soustraire l'employeur à son obligation de respecter le principe de la progression des sanctions.