Intitulé
Syndicat des travailleuses et travailleurs des Laurentides en santé et services sociaux - CSN et Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides (Karine Brosseau), 2025 QCTA 169
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief contestant un congédiement. Rejeté.
Décision de
Me Guy Roy, arbitre
Date
14 avril 2025
La plaignante, une préposée aux bénéficiaires, a été embauchée dans le centre d'hébergement et de soins de longue durée où elle avait effectué son stage dans le cadre d'un programme de formation accélérée. Elle soutient avoir été congédiée durant sa période de probation en raison de sa dénonciation de maltraitance. Elle prétend donc bénéficier de la présomption de pratique interdite établie à l'article 123.4 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.). L'employeur invoque plusieurs motifs de fin d'emploi, notamment le manque de confiance de la plaignante envers ses supérieurs et ses collègues, ses difficultés en lien avec sa prestation de travail ainsi que ses problèmes de savoir-être. Pendant l'audience, il a été révélé que la plaignante a enregistré 14 quarts de travail à l'insu de ses collègues, des résidents et de la cheffe d'unité. La plaignante soutient qu'elle avait des doutes quant à la maltraitance et qu'elle a fait ces enregistrements pour dénoncer les faits à la commissaire aux plaintes de l'employeur.
Décision
Contrairement aux prétentions de la plaignante, la présomption énoncée à l'article 123.4 L.N.T. n'est pas une norme d'ordre public qui s'inscrit de facto dans les conventions collectives. Puisque cette présomption ne s'applique pas en arbitrage de griefs, la plaignante doit démontrer que sa dénonciation pour maltraitance est le motif réel de sa fin d'emploi. Si elle échoue à faire cette démonstration, elle doit démontrer que la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi durant sa période probatoire était abusive, arbitraire, empreinte de discrimination ou de mauvaise foi. Le Tribunal estime toutefois qu'il n'y a pas eu le début d'une preuve à cet égard. Le seul élément sur lequel s'appuie la plaignante est sa dénonciation pour maltraitance. Or, la première dénonciation qu'elle a faite au cours de son stage n'a pas empêché l'employeur de l'engager après sa formation. De plus, il n'a pas été démontré que l'employeur avait pu décider que sa deuxième dénonciation était de trop.
L'employeur a prouvé les motifs énoncés dans la lettre de fin d'emploi et le Tribunal conclut qu'il ne s'agissait pas de prétextes. Il a notamment été démontré que la plaignante avait relevé une résidente qui avait fait une chute plutôt que de lui indiquer de rester couchée et d'attendre l'arrivée de l'infirmière. La formation de la plaignante avait pourtant abordé la façon de réagir en cas de chute. Il a également été démontré que la plaignante avait été avisée qu'il fallait respecter les plans de soins, mais qu'elle persistait à vouloir combler les désirs des résidents, et ce, même si cela pouvait contrevenir à leur santé. La propension de la plaignante à vouloir obtempérer aux désirs des résidents en raison de leurs droits, ce sur quoi elle insistait en mentionnant qu'elle entendait travailler selon ses propres normes de qualité, constituait un réel risque pour l'employeur. Il appert également que la plaignante avait de la difficulté à organiser son temps de travail et n'était pas en mesure de prioriser les tâches à accomplir, occasionnant ainsi des surcharges de travail pour ses collègues. Enfin, la plaignante acceptait mal les commentaires ou remarques de personnes expérimentées, démontrant ainsi une grande difficulté à travailler en équipe. La méfiance de la plaignante envers sa supérieure immédiate a contribué au fait qu'elle ne lui a pas mentionné qu'elle soupçonnait une autre salariée de maltraitance. Cela est inadmissible et incompatible avec la politique de l'employeur sur la lutte contre la maltraitance que la plaignante admet avoir reçue. L'employeur reproche à la plaignante de ne pas avoir averti sa supérieure, et non sa dénonciation de maltraitance auprès de la Commissaire. Quant aux enregistrements des quarts de travail, l'employeur a raison d'affirmer que cela aurait constitué un motif supplémentaire de fin d'emploi s'il en avait eu connaissance au moment de prendre sa décision. La plaignante a colligé des informations confidentielles relevant de la vie privée et de l'intimité de ses collègues et des résidents, et ce, à leur insu. Cela était en soi contraire à son devoir de loyauté. Le Tribunal conclut que l'employeur était fondé à mettre fin à l'emploi. La plaignante ne comprend pas la gravité de ses gestes et n'est pas en mesure d'accomplir ses tâches selon les règles. Elle s'est investie d'une mission en fonction de sa vision du bien et du mal et ne semble pas saisir qu'il faut maîtriser l'ensemble des données avant d'arriver de conclure à l'existence de maltraitance.