Intitulé
Teamsters Québec, local 1999 et Armtec inc., Usine de Saint-Clet (François Gagné), 2025 QCTA 204
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Griefs contestant une suspension et un congédiement. Accueillis.
Décision de
Me Nancy Ménard-Cheng, arbitre
Date
14 mai 2025
Ayant subi en l'espace de 2 semaines des dommages qu'il évalue à 128 000 $ et dont il attribue la responsabilité au plaignant, l'employeur a suspendu ce dernier pendant 5 jours pour ensuite le congédier. Selon lui, le plaignant, à titre de chef d'équipe, aurait négligé de respecter les procédures de démarrage de l'équipement et de s'assurer que le produit respecte les normes de qualité de l'entreprise. L'employeur soutient que son incapacité ou sa réticence à travailler efficacement, de même qu'un manque de vigilance, compte tenu des responsabilités associées à son poste, ont mené à la rupture du lien de confiance avec le plaignant.
Décision
L'exercice de la discipline par un employeur requiert de sa part la capacité de distinguer une erreur d'une faute. Alors que la première découle d'un acte ou d'une omission involontaire résultant souvent de l'ignorance ou de l'inattention, la seconde découle d'un geste ou d'une omission répréhensible souvent attribuable à de la négligence, à de l'imprudence ou à l'intention de nuire. Pour sanctionner un geste ou un comportement, l'employeur doit démontrer que l'acte relève de la faute plutôt que de la simple erreur. En l'espèce, il a échoué à faire cette démonstration. D'une part, il appert que, lorsque les salariés de l'équipe de nuit ont continué la production à 23 h, ils ont constaté la présence d'une «ligne» sur les tuyaux que l'équipe du plaignant avait produits. Plutôt que d'apporter des correctifs, le chef de l'équipe de nuit a estimé que, si cette ligne était acceptable pour le plaignant, elle ne posait pas de difficulté, de sorte que la production s'est poursuivie toute la nuit. Or, l'employeur blâme le plaignant pour l'ensemble de la production défectueuse, y compris celle de l'équipe de nuit, alors qu'il y avait un chef d'équipe présent, dont la tâche était également de contrôler la qualité. De plus, lorsqu'un salarié est sanctionné pour une faute particulière, l'imposition de mesures disciplinaires semblables à celles imposées à d'autres employés ayant commis le même manquement permet d'éviter toute impression de traitement arbitraire ou discriminatoire. Dans le cas présent, bien que le plaignant ait été sanctionné pour ne pas avoir corrigé la ligne défectueuse sur les tuyaux, le chef d'équipe de nuit, qui a également omis de rectifier la même situation, n'a fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire. Cette disparité dans l'application des sanctions remet en question la cohérence des décisions de l'employeur et peut être perçue comme une iniquité dans le traitement des employés.
Par ailleurs, en matière disciplinaire, il ne suffit pas de se baser sur des suppositions ou des impressions pour justifier une sanction; il est essentiel de fonder toute décision sur des preuves concrètes et des faits établis. L'employeur doit être en mesure de démontrer clairement les manquements reprochés à l'employé en s'appuyant sur des éléments objectifs et vérifiables. Or, dans le présent dossier, en l'absence d'une enquête sur ce qui s'est réellement passé et d'une preuve concrète établissant que le plaignant a commis la faute reprochée, il y a lieu de conclure que l'employeur ne s'est pas acquitté de son fardeau de preuve. La démarche disciplinaire paraît reposer principalement sur des hypothèses et sur la présomption selon laquelle le plaignant, en tant que responsable du redémarrage de la machine, était nécessairement en faute. Toutefois, cette approche est insuffisante pour justifier une sanction disciplinaire, d'autant plus en l'absence de témoignages directs ou d'éléments matériels confirmant la responsabilité du plaignant. Par conséquent, la sanction imposée à ce dernier est injustifiée.