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Les causes d’une surcharge de travail

Une agente administrative à l'accueil des chirurgies spécialisées a subi un accident du travail; les nombreux changements survenus pendant la pandémie de la COVID-19, l'ajout de tâches ainsi que le fait de devoir composer avec le roulement du personnel et des employés moins qualifiés sont la cause de sa surcharge de travail et de son trouble de l'adaptation anxio-dépressif.
25 août 2025

Intitulé

Pominville et Hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal, 2025 QCTAT 2161

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Lanaudière

Type d'action

Contestation par la travailleuse d'une décision relative à la recevabilité de sa demande de révision d'une décision ayant déclaré qu'elle n'avait pas subi de lésion professionnelle. Contestation accueillie.

Décision de

Daniel Pelletier, juge administratif

Date

23 mai 2025


La travailleuse, une agente administrative à l'accueil des chirurgies spécialisées, a produit une réclamation pour un diagnostic de trouble de l'adaptation anxio-dépressif, qu'elle attribuait à une surcharge de travail pendant la pandémie de la COVID-19. La CNESST a refusé sa réclamation. L'instance de révision a déclaré irrecevable la demande de révision de la travailleuse au motif qu'elle avait été produite hors délai et sans la preuve d'un motif raisonnable. Le Tribunal a infirmé cette décision et a convoqué de nouveau les parties à une audience quant au fond.

Décision

Afin de déterminer si la travailleuse a subi un accident du travail, le Tribunal doit évaluer si, dans le cadre de son travail, cette dernière a été exposée à 1 seul événement ou encore à une série d'événements qui, analysés isolément, peuvent paraître bénins, mais qui deviennent par ailleurs importants en raison de leur superposition ou de leur juxtaposition. Ces événements n'ont pas à être objectivement traumatisants pour correspondre à la notion d'«événement imprévu et soudain». Le Tribunal devra également tenir compte de la nature du milieu de travail et de ses particularités, d'un changement dans les comportements, de l'apparition de nouveaux comportements touchant la travailleuse ou encore des modifications ou des nouveautés quant aux exigences professionnelles. Le Tribunal devra déterminer si ces événements débordent le cadre normal du travail, s'ils ne résultent pas de la seule perception subjective de la travailleuse et s'ils sont la cause déterminante de la lésion subie par cette dernière.

La preuve démontre qu'en 2021, en pleine pandémie, la charge de travail de la travailleuse a augmenté de façon importante. De nouvelles tâches se sont ajoutées, puis il y a eu de nouvelles cliniques ainsi que des documents additionnels à faire imprimer et à remettre aux patients. Même si les nouvelles tâches demandées n'exigeaient pas individuellement un temps considérable, elles s'ajoutaient à un horaire déjà chargé qui nécessitait l'exécution d'heures supplémentaires, ce que la travailleuse ne se sentait pas capable de faire. L'ensemble de ces changements ont fait en sorte que des files de patients se formaient devant le bureau de cette dernière, générant du stress. Le supérieur de la travailleuse s'est plaint de son rendement, lui mentionnant qu'elle n'était pas assez rapide et qu'elle ne savait pas prioriser ses tâches. Or, le régime d'indemnisation des travailleurs accidentés est un régime sans égard à la responsabilité d'autrui.

La pandémie de la COVID-19 représente en soi un contexte singulier, lequel a eu des répercussions particulièrement importantes dans le milieu de la santé. Il a fallu réorganiser rapidement les services, revoir la façon d'accueillir les patients et mettre en place de nouvelles procédures pour prévenir la transmission de la maladie. La pandémie a été la cause de l'exode du personnel hospitalier et de nombreuses absences pour des périodes plus ou moins longues. Des employés n'ayant pas toutes les qualifications normalement exigées ont dû être embauchés quand même. Cela a entraîné des conséquences sur les employés demeurés en poste. Il y a eu un roulement de personnel inhabituel, nécessitant des besoins de formation et de soutien additionnels, auxquels ont dû répondre les employés expérimentés. Cette juxtaposition d'événements s'apparente à un événement imprévu et soudain. Il est possible que la travailleuse ait voulu trop bien faire ou tout faire ou encore qu'elle ait mal géré ses priorités, mais cela ne fait pas en sorte qu'elle n'a pas été exposée à une surcharge de travail démontrée objectivement.

Quant à la relation causale, elle est aussi démontrée. Le trouble de l'adaptation est une difficulté à s'adapter à des changements survenant dans sa vie personnelle ou professionnelle ou encore dans son environnement. Or, les seuls changements majeurs auxquels a dû s'adapter la travailleuse sont survenus dans le cadre de son travail. Par conséquent, cette dernière a subi une lésion professionnelle.