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Non-paiement du salaire durant plusieurs semaines

Le refus du plaignant de laisser perdurer une situation dans laquelle l'employeur ne respectait pas son obligation de lui payer entièrement, correctement et sans retard son salaire n'est pas assimilable à une démission, mais constitue plutôt un congédiement déguisé; la plainte (art. 124 L.N.T.) est accueillie.
26 juin 2025

Intitulé

Massaad c. Sherpa Capital inc., 2025 QCTAT 1192

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — accueillie.

Décision de

Jessica Laforest, juge administrative

Date

21 mars 2025


Décision

Le plaignant occupait un poste de gestionnaire de projet chez l'employeur, une entreprise exerçant ses activités dans le domaine des services informatiques — il soutient que le non-paiement de son salaire durant plusieurs semaines constitue un congédiement déguisé — l'employeur prétend que la fin d'emploi résulte de la démission du plaignant — à la suite d'une entente, les parties avaient fixé, d'un commun accord, le moment où le contrat de travail serait résilié — il s'agit de l'un des modes d'extinction des contrats prévus à l'article 1439 du Code civil du Québec — jusqu'à l'arrivée du terme, le contrat de travail continue d'exister et les parties sont tenues de respecter les obligations qui y sont prévues — le paiement du salaire est une condition essentielle du contrat de travail qui liait le plaignant et l'employeur — l'article 43 L.N.T. prévoit que le salaire doit être payé à intervalles réguliers, lesquels ne peuvent dépasser 16 jours — l'employeur ne pouvait déroger à cette disposition d'ordre public — la violation de l'article 43 L.N.T. est une modification substantielle des conditions de travail du plaignant — le fait que le celui-ci ait accepté, durant un certain temps, cette modification n'est pas un élément pertinent puisque l'obligation de l'employeur de payer le salaire se renouvelle toutes les 2 semaines — quant à l'intention de l'employeur, il ne s'agit pas d'un élément pertinent à prendre en considération dans l'analyse — concernant la réciprocité que l'employeur a réclamée au plaignant à la suite du maintien de son emploi durant la pandémie de la COVID-19, il ne s'agit pas d'un argument pouvant faire échec à une obligation contractuelle non respectée et à la violation d'une norme du travail — l'employeur a déjà bénéficié de cette réciprocité, compte tenu du retour au travail d'un salarié compétent qui était disponible à partir de la reprise des activités — le refus de ce dernier de laisser perdurer une situation dans laquelle l'employeur ne respectait pas son obligation de lui payer entièrement, correctement et sans retard son salaire n'est pas assimilable à une démission — cela constitue un congédiement déguisé — l'employeur n'a pas administré de preuve à l'égard de l'existence d'une cause juste et suffisante de congédiement, lequel est annulé par le Tribunal — la réintégration du plaignant est impossible étant donné que les 2 parties se sont entendues pour mettre fin au contrat de travail les liant à l'expiration d'un délai précis qui est maintenant expiré — la rencontre des volontés du plaignant et de l'employeur a eu pour effet de prévoir un terme au contrat de travail à l'issue duquel aucune indemnité de fin d'emploi n'était payable en l'absence de preuve démontrant que cette entente était temporaire ou qu'elle pouvait faire l'objet d'une révision à son terme — le plaignant ne s'étant pas acquitté de son fardeau de preuve, la réclamation relative à l'indemnité de perte d'emploi est rejetée — l'entente intervenue entre les parties réduit à 4 semaines la période durant laquelle le plaignant aurait continué à travailler chez l'employeur et aurait eu droit à sa rémunération, n'eût été le congédiement — la rémunération hebdomadaire du plaignant étant de 1 826,92 $, l'indemnité pour sa perte salariale s'élève à 7 307,68 $ — puisque le plaignant justifie de plus de 10 ans de service continu dans l'entreprise, il a droit à une indemnité afférente au congé annuel correspondant à 6 % du salaire brut, soit 438,46 $ — enfin, les intérêts sur l'indemnité pour la perte de salaire et celle afférente au congé annuel s'élèvent à 1 328,90 $.