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Congédiée pour avoir poussé une cliente

Le congédiement imposé à une barmaid pour avoir violemment poussé une cliente est confirmé; même si la plaignante détenait un dossier disciplinaire vierge, l'employeur était fondé à passer outre au principe de la progression des sanctions étant donné la gravité de la faute commise.
11 juin 2025

Intitulé

Sauvé De Palma c. R & Z Groupe de développement inc., 2025 QCTAT 1125

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Plaintes en vertu des articles 122 et 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — rejetées.

Décision de

Marie-Claude Grignon, juge administrative

Date

18 mars 2025


Décision

La plaignante, qui occupait un poste de barmaid chez l'employeur, affirme avoir fait l'objet d'un congédiement illégal parce qu'elle était enceinte — elle soutient également que ce congédiement ne repose pas sur une cause juste et suffisante — l'employeur prétend que la plaignante ne justifie pas de 2 ans de service continu dans son entreprise, alors que cela est nécessaire pour donner ouverture à la plainte en vertu de l'article 124 L.N.T. — il soutient l'avoir congédiée uniquement en raison d'une violente dispute suivie d'une bagarre avec une cliente et fait valoir qu'il s'agissait d'une faute grave justifiant une rupture immédiate du lien d'emploi — il existe une présomption d'illégalité à l'égard d'une mesure imposée à une personne salariée enceinte, et l'employeur reconnaît son application — celui-ci a cependant réussi à repousser cette présomption en démontrant que le congédiement de la plaignante se fondait uniquement sur un motif disciplinaire étranger à sa grossesse — dès l'embauche de la plaignante, en février 2020, l'employeur lui a expliqué que 3 règles devaient être respectées par tous les salariés de son établissement, dont celle de ne jamais avoir de bagarre avec les clients — la plaignante reconnaît en avoir été informée — l'employeur a congédié la plaignante pour 1 seule cause, à savoir la bagarre avec une cliente de l'établissement — il ne s'agissait pas d'un prétexte pour se débarrasser d'elle en raison de sa grossesse.

Quant à la recevabilité de la plainte en vertu de l'article 124 L.N.T., rien ne démontre que le lien d'emploi avec la plaignante a été rompu en raison du contexte de la pandémie de la COVID-19 — sa prestation de services a plutôt été mise en suspens durant les périodes de fermeture du bar — la preuve ne permet pas de conclure que le propriétaire ne souhaitait pas maintenir une relation employeur-employée avec la plaignante tout au long de la crise sanitaire — un congé de maternité, tout comme un congé de maladie, ne peut avoir pour effet d'interrompre la durée du service continu d'une personne salariée au sens de la Loi sur les normes du travail — la plaignante justifiait donc de 2 ans de service continu au moment de sa fin d'emploi et pouvait se prévaloir du recours à l'encontre d'un congédiement sans cause juste et suffisante — la faute commise par la plaignante est objectivement grave, car celle-ci a délibérément poussé avec violence une cliente de l'établissement, sans qu'un tel geste soit justifié — la plaignante a un dossier disciplinaire vierge chez l'employeur — elle a aussi, par le passé, dû composer avec certains clients difficiles et travailler seule de façon fréquente, ayant même déjà reçu un coup au visage de la part d'un client mal intentionné — ces circonstances peuvent être atténuantes, mais elles s'avèrent insuffisantes pour contrebalancer le nombre de facteurs aggravants à prendre en considération — la plaignante a une courte durée de service chez l'employeur — dès l'embauche, le propriétaire lui avait clairement signifié qu'il ne tolérait aucune bagarre avec la clientèle et que cette règle constituait pour lui une limite à ne jamais franchir — la plaignante savait qu'elle ne pouvait faire usage de violence dans ses interactions avec les clients — elle a tenté de justifier son geste d'agression par une forme de proactivité défensive et l'a banalisé — la plaignante n'a exprimé aucun regret ni remords — elle a refusé de reconnaître ses torts — elle ne comprend pas les conséquences de son geste — elle ne pourrait s'amender même si elle était réintégrée chez l'employeur — ce dernier pouvait constater l'absence non équivoque de volonté de reconnaître ses torts et la rupture du lien de confiance — il a démontré la présence d'une faute grave justifiant de passer outre au principe de la progression des sanctions — le congédiement imposé à la plaignante n'est pas disproportionné et résulte d'une cause juste et suffisante.