Intitulé
Groupe Sûreté inc. et Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière, 2024 QCTAT 2914
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Lanaudière
Type d'action
Contestation par l'employeur d'une décision relative à un rapport d'intervention produit par un inspecteur de la CNESST. Contestation accueillie.
Décision de
Josée Audet, juge administrative
Date
13 août 2024
L'employeur, une entreprise spécialisée dans le domaine de la sécurité, fournit notamment les services de ses agents de sécurité à plusieurs établissements du centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) mis en cause. Le 14 juin 2022, il a été convoqué par un inspecteur de la CNESST à une rencontre qui devait se tenir le 16 juin suivant. Lors de cette rencontre, ce dernier l'a informé qu'il considérait que les agents de sécurité affectés à un centre hospitalier étaient en danger. Selon l'inspecteur, les agents ne seraient pas suffisamment formés et il a exigé que ceux-ci suivent et réussissent la formation OMEGA. Le rapport d'intervention a été produit le 23 juin suivant et 2 dérogations ont été émises. L'instance de révision a confirmé cette décision.
Décision
Le cheminement ayant mené à l'intervention de l'inspecteur et à la rencontre avec l'employeur ne respecte pas la Loi sur la justice administrative. Avant de produire son rapport et d'émettre une dérogation, l'inspecteur n'a pas permis à l'employeur de «fournir les renseignements utiles à la prise de décision et, le cas échéant, [de] compléter son dossier» (art. 4 paragr. 2 de la loi). À tout le moins, il ne lui a pas accordé un délai raisonnable, et rien dans le rapport ou dans la preuve faite à l'audience ne permet de conclure à une situation urgente. Il n'a pas non plus «informé l'administré de son intention ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci est fondée» (art. 5 paragr. 1 de la loi). Dans son rapport, il a invoqué «une plainte concernant la formation des agents de sécurité», sans plus. Pourtant la Loi sur la justice administrative prévoit que l'administré doit être «informé [...] de la teneur des plaintes et oppositions qui le concernent» (art. 5 paragr. 2 de la loi). Cela n'a pas été fait.
Par ailleurs, l'inspecteur n'a pas réellement donné à l'employeur l'«occasion de présenter ses observations et, s'il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier» (art. 5 paragr. 3 de la loi). Les délais accordés étaient anormalement courts. L'inspecteur a écrit à l'employeur la veille de la rencontre et lui a demandé plusieurs informations. La Loi sur la justice administrative prévoit «qu'il est fait exception à ces obligations préalables lorsque l'ordonnance ou la décision est prise dans un contexte d'urgence ou en vue d'éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé aux personnes, à leurs biens ou à l'environnement et que, de plus, la loi autorise l'autorité à réexaminer la situation ou à réviser la décision» (art. 5 al. 2). Cependant, rien dans la preuve ne permet de déceler quelque indice ou début de démonstration que ce soit d'une situation qui justifierait que l'inspecteur ait expédié ainsi sa recherche d'informations et qu'il ait utilisé des informations provenant d'autres intervenants. Le Tribunal ne peut conclure que l'inspecteur a véritablement mené une enquête. Par ailleurs, les agissements de ce dernier ne se sont pas améliorés lors de la rédaction de son rapport. Contrairement aux faits énoncés dans Coopérative du Grand Portage et Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T., 2016-06-23), 2016 QCTAT 3849, SOQUIJ AZ-51300339, 2016EXPT-1502, l'inspecteur n'a pas attendu d'autres informations de la part de l'employeur avant de rédiger son rapport et a imposé d'emblée de suivre la formation OMEGA. La CNESST a donc manqué à son devoir d'agir équitablement. Par conséquent, le rapport d'intervention et les dérogations qu'il contient sont nuls.