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Contrat de travail VS contrat de services

L'ajout d'une compagnie à titre de cocontractante afin que la rémunération du travailleur soit versée à celle-ci a changé la nature de l'entente liant les parties; le contrat de travail est devenu un contrat de services aux termes duquel la compagnie était désormais la prestataire de services.
23 octobre 2024

Intitulé

Veilleux c. ICAR inc., 2024 QCCA 1057

Juridiction

Cour d'appel (C.A.), Montréal

Type d'action

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en réclamation de dommages-intérêts et de dommages moraux ainsi qu'une demande reconventionnelle en déclaration d'abus. Rejeté.

Décision de

Juges François Doyon, Suzanne Gagné et Éric Hardy

Date

16 août 2024


L'appelant est un ancien pilote de course automobile. En février 2008, l'intimée, ICAR inc., a retenu ses services à titre de directeur du complexe privé de course automobile qu'elle entendait créer. L'appelant a exigé la signature d'un contrat d'une durée de 3 ans et ICAR a acquiescé à sa demande. L'entente qu'ils ont conclue, sous forme de protocole, n'a été suivie d'aucun autre contrat écrit; on y qualifie sa rémunération de «salaire». Cependant, après la signature du protocole, l'appelant a convenu avec ICAR que son salaire serait versé à sa compagnie, l'appelante, sous forme d'honoraires facturés à celle-ci. L'entente modificatrice a été conclue verbalement. L'appelant n'a reçu ni salaire, ni prime de rendement, ni avantages sociaux. Quant à l'appelante, les honoraires qu'elle a touchés sont l'équivalent du salaire qui aurait été autrement payable à l'appelant. En raison d'une situation financière difficile, ICAR a résilié le contrat en octobre 2008, le qualifiant alors de contrat de services. L'appelant a intenté un recours contre ICAR et son âme dirigeante, l'intimé, au motif que son contrat, qu'il qualifie plutôt de contrat de travail à durée déterminée, avait été résilié sans motif. Il réclamait notamment le paiement de son salaire et de son indemnité de vacances ainsi que des dommages-intérêts. La juge a conclu que le contrat qui unissait ce dernier à ICAR était un contrat de services, qu'ICAR n'avait commis aucun abus de droit et que rien ne justifiait la condamnation recherchée. La juge a également souligné que l'appelante n'avait rien perdu. Ses revenus post-résiliation sont même supérieurs à la valeur résiduelle du contrat.

Décision

M. le juge Hardy: La juge n'a pas commis d'erreur en qualifiant le protocole tel qu'il a été modifié de contrat de services plutôt que de contrat de travail. Elle a noté avec justesse que l'ajout de la compagnie appelante à titre de cocontractante n'était pas une modification mineure puisque cela avait changé la nature de l'entente liant les parties. Le contrat de travail est devenu un contrat de services aux termes duquel l'appelante était désormais la prestataire de services. La situation de celle-ci était identique à la situation dans l'arrêt Conseillers en informatique d'affaires CIA inc. c. 4108647 Canada inc. (C.A., 2012-03-22), 2012 QCCA 535, SOQUIJ AZ-50841710, 2012EXP-1270, 2012EXPT-696, J.E. 2012-692, D.T.E. 2012T-221. De plus, la conclusion d'un contrat avec une personne morale n'a pas été imposée à l'employé. C'est plutôt ce dernier qui l'a proposée dans le but d'en tirer un avantage personnel. La juge a eu raison de conclure à l'absence de circonstances exceptionnelles permettant de faire abstraction de la personnalité juridique distincte de l'appelante.

La qualification du protocole tel qu'il a été modifié scelle le sort de la question du versement de la valeur résiduelle du contrat et du droit à des dommages-intérêts.

Instance précédente

Juge Annie Breault, C.S., Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-17-005895- 098, 2022-12-21, 2022 QCCS 4962, SOQUIJ AZ-51908945.

Réf. ant

(C.S., 2022-12-21), 2022 QCCS 4962, SOQUIJ AZ-51908945, 2023EXP-1122, 2023EXPT-913; (C.A., 2023-03-09), 2023 QCCA 318, SOQUIJ AZ-51921115.