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Versement d’indemnité et engagement

Si l'on comprend qu'un employeur puisse chercher à protéger ses intérêts légitimes lorsqu'il met fin à l'emploi de l'un de ses employés, il ne peut pour autant rendre le versement d'une indemnité de délai de congé conditionnel à ce que l'employé en question prenne des engagements de non-sollicitation et de confidentialité comme en l'espèce.
20 juin 2024

Intitulé

Reinoso c. Coveo Solutions inc., 2024 QCCQ 983

Juridiction

Cour du Québec, Petites créances (C.Q.), Montréal

Type d'action

Demande en réclamation de dommages-intérêts pour rupture d'un contrat de travail. Accueillie en partie (13 152 $).

Décision de

Juge Louis Riverin

Date

20 mars 2024


En plus d'une indemnité compensatoire équivalant à 2 semaines de salaire, laquelle était jointe à l'avis de cessation d'emploi, l'employeur défendeur a également offert à la demanderesse une indemnité additionnelle de 8 semaines — qui a ensuite été haussée à 12 semaines —, à la condition que celle-ci signe des engagements de non-sollicitation et de confidentialité à l'égard de l'entente elle-même et qu'elle renonce à diffuser tout commentaire ou opinion relatifs à l'employeur, à son emploi ou à la fin d'emploi. Estimant que sa liberté d'expression était indûment restreinte par ces engagements, la demanderesse a refusé de signer le projet d'entente.

Décision

Dans Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc. (C.S. Can., 2006-01-27), 2006 CSC 2, SOQUIJ AZ50353146, J.E. 2006-299, D.T.E. 2006T-132, [2006] 1 R.C.S. 27, la Cour suprême du Canada a estimé que les articles 2091 et 2092 du Code civil du Québec (C.C.Q.), lesquels sont applicables en matière de délai de congé, étaient des dispositions d'ordre public auxquelles on ne pouvait déroger. Dès lors, un employeur ne peut subordonner le versement du délai de congé à la signature d'une entente contenant des clauses particulières, telles que celles mentionnées dans le présent cas. Certes, on peut comprendre qu'un employeur puisse chercher à protéger ses intérêts légitimes lorsqu'il met fin à l'emploi de l'un de ses employés. À cet égard, il convient de mentionner que l'article 2088 C.C.Q. impose à l'employé des obligations qui «survivent» pendant un certain temps après la cessation de son emploi. L'employeur peut en outre parfaire ces mesures de protection au moyen de clauses particulières incluses dans le contrat d'emploi, ce qui est d'ailleurs le cas en l'espèce. C'est lors de la conclusion du contrat de travail qu'il convient de négocier de semblables aménagements et non lorsque le rapport de force joue en défaveur de l'employé, qui se retrouve sans emploi et qui est ainsi contraint de signer une entente alors qu'aucune disposition législative ne l'oblige à le faire, et ce, afin d'obtenir la somme équivalant à son délai de congé. L'employeur ne peut rendre conditionnelle une norme d'ordre public de protection. Les parties ayant admis que le délai de 12 semaines proposé est un délai de congé raisonnable, il convient de l'entériner. Puisque le salaire hebdomadaire de la demanderesse s'établit à 1 096 $, cette dernière a droit à la somme de 13 152 $.