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Harcèlement psychologique, discrimination, racisme et sexisme

Les allusions insistantes et pernicieuses au règne animal faites par un étudiant dans une épreuve que la plaignante était chargée de corriger constituent des propos harcelants, racistes et sexistes qui ont nécessairement eu pour effet, si ce n'est pour objectif, de la blesser.
20 juin 2023

Parties

Alliance de la fonction publique du Canada (SETUE) et Université du Québec à Montréal (Gaëlle Solange Étémé Lebogo)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief pour harcèlement psychologique. Accueilli en partie.

Décision de

Me Robert Côté, arbitre

Date

9 décembre 2022


Le Tribunal est saisi d'un grief par lequel la plaignante, soit une personne de race noire, soutient avoir été victime de comportements qu'elle qualifie globalement de harcèlement psychologique ainsi que de gestes et d'attitudes qu'elle associe à de la discrimination, à du racisme et à du sexisme. La plupart des reproches seraient le fait d'étudiants inscrits à un cours («Introduction au féminisme noir») pour lequel elle avait été engagée à titre d'auxiliaire d'enseignement et affectée à la correction des examens. Elle reproche également à l'Université, son employeur, son inaction devant les événements qu'elle lui a rapportés et un manquement à son obligation de maintenir le milieu de travail exempt de harcèlement.

Décision

Le seul fait qu'un étudiant conteste les notes qui lui ont été attribuées, et ce, même vigoureusement, ne constitue pas un événement assimilable à une conduite vexatoire, bien que cela puisse être très désagréable. Il s'agit de l'expression légitime d'un point de vue, sans égard au fait que l'opinion exprimée soit fondée ou non. La critique des outils, des normes et du mode de correction constitue en outre une pratique qui, dans un cadre universitaire, est normale et ne peut être qualifiée d'humiliante ni de blessante. Il en va toutefois différemment de l'attitude de l'interlocuteur à l'occasion d'un tel échange et du contexte dans lequel cela est fait. Or, en l'espèce, l'étudiant visé a eu recours au qualificatif «étrangère» lors d'une rencontre individuelle avec la plaignante. Il s'agit clairement d'un propos dénigrant et xénophobe. Quant au contenu des examens et des travaux que la plaignante a été appelée à corriger, il faut reconnaître une certaine latitude aux étudiants dans l'expression de leurs opinions dans le cadre de la liberté universitaire, qui, si elle est d'abord l'apanage de ceux qui enseignent, s'étend aussi à ceux qui s'instruisent. À cet égard, une lecture contextualisée des écrits en cause démontre beaucoup de maladresse et d'ignorance de la part des étudiants, mais il est difficile d'y déceler des propos vexatoires envers la plaignante ou même plus généralement envers les femmes noires, sauf dans le cas de l'étudiant ci-haut mentionné. En effet, ses commentaires vont largement au-delà de la maladresse ou des formulations malheureuses utilisées par d'autres étudiants. Ses allusions insistantes et pernicieuses au règne animal, et en particulier à la race canine, constituent des propos harcelants, racistes et sexistes qui ont nécessairement eu pour effet, si ce n'est pour objectif, de blesser la plaignante. Le Tribunal retient également à titre de conduite vexatoire la décision de l'employeur d'ordonner une nouvelle correction des épreuves par une personne autre que la plaignante sans aviser celle-ci. Dans le contexte, cela ne pouvait être perçu que comme une réponse méprisante aux plaintes de harcèlement formulées par la plaignante.

Les autres reproches invoqués par le syndicat ne sont pas retenus à titre de conduites vexatoires. Cependant, le Tribunal lui donne raison quant à la conduite de l'employeur. En effet, plutôt que d'examiner et de traiter sérieusement les allégations de la plaignante, les différents représentants de l'employeur «se sont renvoyé la balle» en quelque sorte. Personne, à une exception près, ne semble avoir porté véritablement attention à la situation dénoncée par la plaignante. L'employeur a failli à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement après en avoir été informé par la plaignante. À titre de mesure de réparation, le Tribunal accorde à la plaignante la somme de 4 000 $, mais rejette la réclamation de dommages punitifs, faute d'atteinte illicite et intentionnelle.