Parties
Beauregard c. Espace papier inc.
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal
Type d'action
Plaintes en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail à l'encontre de congédiements — accueillies.
Décision de
Michel Maranda, juge administratif
Date
8 septembre 2022
Décision
Les plaignants, qui forment un couple, ont conclu des contrats de travail avec l'employeur lorsque celui-ci a acquis la papeterie dont ils étaient propriétaires — le plaignant travaillait alors comme représentant externe dans l'équipe des ventes et la plaignante, à titre de responsable des achats — ils contestent leurs fins d'emplois respectives, qui sont survenues peu de temps après l'acquisition d'une troisième papeterie — l'employeur prétend que les plaignants représentaient la haute gestion de l'entreprise et que les plaintes sont irrecevables — le rôle de conseiller qu'occupait le plaignant auprès du directeur général n'a jamais fait évoluer son contrat initial de travail pour faire de lui un cadre supérieur — il en va de même pour la plaignante — bien qu'elle ait temporairement collaboré avec le directeur général afin de l'aider à exploiter ses papeteries en attendant l'embauche d'une directrice, elle n'avait toutefois pas de réelle autonomie décisionnelle dans les orientations de l'entreprise — en outre, l'argument de l'employeur selon lequel la plaignante était une entrepreneure indépendante n'est pas retenu — elle offrait personnellement sa prestation de travail en suivant les orientations de l'employeur — elle était totalement intégrée dans l'entreprise et ses activités — elle n'avait aucune possibilité de perte ou de profit — les plaignants étaient des salariés au sens de la loi — les plaintes sont recevables.
L'employeur soutient que les plaignants ont été licenciés puisque leurs postes respectifs n'étaient plus requis — il n'a toutefois pas démontré l'existence de motifs économiques ou organisationnels réels pouvant justifier un licenciement — les ventes de l'entreprise allaient très bien et les projections pour 2020 étaient bonnes — le plaignant a occupé ses fonctions de manière habituelle durant la période de croissance de l'entreprise — il a d'ailleurs continué à travailler durant la pandémie de la COVID-19, alors que les autres salariés avaient été mis à pied — peu de temps après l'acquisition de la troisième papeterie, le plaignant a rencontré le directeur général afin de parler de ses conditions de travail — il s'est alors permis de formuler son opinion en lien avec le mécontentement de plusieurs employés — le lundi suivant, le directeur général lui a annoncé qu'ils ne pourraient plus travailler ensemble et il lui a demandé de quitter immédiatement les lieux — la lettre de fin d'emploi transmise au plaignant était muette tant en ce qui concerne l'abolition de poste que le motif disciplinaire invoqué lors de la rencontre, soit le manque de respect dont avait fait preuve le plaignant — le directeur voulait se débarrasser du plaignant et il l'a congédié pour un motif disciplinaire manifestement insuffisant — le congédiement est annulé.
La plaignante a été rencontrée par le directeur général et la directrice des magasins, qui souhaitaient s'informer de ses intentions à la suite du congédiement de son conjoint — la plaignante a affirmé que la situation de son conjoint ne la touchait pas en ce qui a trait à son lien d'emploi — le lendemain, le directeur général a informé la plaignante qu'il ne pouvait continuer à travailler avec elle dans le contexte du congédiement de son conjoint et il l'a accompagnée jusqu'à la sortie — sa lettre de fin d'emploi était également muette quant à une abolition de poste — la plaignante n'a pas été licenciée — l'employeur s'est plutôt débarrassé d'elle dans le but de la remplacer — le directeur général s'attendait, comme pour le plaignant, à ce que la plaignante prenne sa retraite — en outre, l'employeur était insatisfait de la prestation de travail de la plaignante relativement au transfert de ses connaissances — il ne pouvait toutefois mettre fin à son emploi comme il l'a fait, puis affirmer qu'elle avait fait l'objet un licenciement afin de camoufler un congédiement sans cause juste et suffisante — le congédiement de la plaignante est annulé.
La réintégration des plaignants est impossible — le directeur général n'a pas fait preuve de bonne foi envers eux — ils ont été accompagnés hors de leur lieu de travail comme s'ils étaient des indésirables — en outre, les lettres de fin d'emploi sous-entendaient une décision commune alors qu'il n'en était rien — advenant une réintégration, les plaignants auraient eu à collaborer avec la directrice des magasins, laquelle a tenu des commentaires peu élogieux à leur égard lors de l'audience.
Suivi : Pourvoi en contrôle judiciaire, 2022-10-07 (C.S.), 500-17-122536-223.